Éclairage – Les jeunes Marocains du monde et l’histoire de leur pernicieuse radicalisation en Europe

Depuis quelques années, des jeunes Marocains du monde, deuxième et troisième génération, sont impliqués dans des actes de violence et de terrorisme en Europe, à tel point, que plusieurs médias se sont penchés sur ce phénomène pour essayer de comprendre le pourquoi, sachant que le Maroc est un des rares pays qui jouissent d’une stabilité politique durable ( «  exception marocaine  »), d’une tolérance religieuse exemplaire et qui, depuis belle lurette, combat le terrorisme avec fermeté et acharnement, sur son sol propre et aide parallèlement les pays européens amis, dans ce sens.

Jeunesse délaissée et marginalisée

Suite aux attentats de Barcelone et de Cambrils, le magazine Jeune Afrique avait consacré la couverture de son média papier, du 27 août 2017, à l’implication des Marocains du monde dans des actes de terrorisme avec un titre accusateur  : «  Terrorisme  : Born in Morocco  », qui a suscité beaucoup de d’émotion au Maroc ainsi que beaucoup de critiques et de colère parce que l’adjectif «  marocain  » a été mal utilisé.

Ces jeunes loups solitaires ou fratries sont, certes, d’origine marocaine mais le Maroc en tant que pays n’a rien à voir avec leur radicalisation. Leur radicalisation a eu lieu en Europe, ce sont donc les pays d’Europe qui sont responsables de leurs actes, pour plusieurs raisons  :

  • Leur marginalisation culturelle et professionnelle  ;
  • Le racisme latent et nocif  ;
  • L’Islamophobie  ; et
  • Conflits de générations avec leurs parents généralement autoritaires et patriarcaux.

Pour M. Abdellah Boussouf, Secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), les Marocains du monde sont des ambassadeurs hors pair et non des personnes de mauvaise réputation  :

«  Les migrations marocaines à l’étranger n’ont jamais été de mauvais augure ou un point de faiblesse pour le Maroc, ceci depuis les premières migrations en tant que voyageurs explorateurs ou pour le savoir, pour les lieux sacrés, ou pour les voyages diplomatiques, jusqu’aux migrations économiques des débuts du siècle dernier à la recherche des opportunités de travail à l’étranger, surtout en Europe. 

Le Maroc a toujours considéré les Marocains du monde ses ambassadeurs à l’étranger, un pilier fondamental du développement durable et une extension de son patrimoine historique et culturel…  »

Couverture de Jeune Afrique numéro 2955 en kiosque du 27 août au 2 septembre 2017

Ces jeunes sont émotionnellement seuls et totalement déstabilisés. Ils n’appartiennent ni à leur pays d’origine et d’extraction, ni à leur pays d’adoption et de naissance, donc, en principe, ils sont un champ fertile pour la radicalisation religieuse par lavage de cerveau.

Depuis l’instauration du Jihad en Afghanistan pour bouter les Soviets hors de ce pays musulman, beaucoup d’organismes religieux tels al-Qaeda, dans le temps, Deash, aujourd’hui, et plein d’autres se sont spécialisés dans la récupération de ses «  brebis galeuses  » et leur formation et orientation dans le sens de la soi-disant «  gloire de l’Islam  » par l’engagement des forces «  Croisés  » salibiyoun et leur destruction pour mériter le paradis et se faire accueillir dedans.

Jeunesse amazighe martyrisée

Dans les années 50 du siècle dernier, l’Europe, en pleine reconstruction grâce à la largesse américaine du Plan Marshall, avait grandement besoin de bras forts pour cette besogne. Encore une fois, après l’embauche des Amazighes de l’Afrique dans les armées européennes pour la défendre contre le nazisme, le vieux continent s’est tourné vers cette peuplade pour sa reconstruction. Ainsi, des recruteurs ont sillonné les montagnes de l’Afrique du Nord à la recherche de jeunes mâles amazighes fort et en bonne santé, réputés pour leur endurance et leur sérieux. La majorité de ses jeunes étaient illettrés et beaucoup ne parlaient que l’Amazigh.

Arrivés en Europe, ils sont d’abord logés dans des ghettos. Quelques années après, ils retournent au bled, en vacances, avec de l’argent et plein de cadeaux et parlent généreusement de «  l’Eldorado européen  », tout en suscitant l’admiration et la jalousie de ceux qui sont restés derrières, qui à leur tour vont faire des mains et des pieds pour immigrer. Dans certains clans du Rif, comme Iherassen des Gzennayas, vu la difficulté d’acquérir un passeport monnayé par les officiels véreux, des dizaines de mâles rifains qui portent le même nom de famille ont utilisé le même passeport en changeant la photo pour immigrer au su, bien sûr, des gouvernements européens, qui avaient fermé les yeux parce qu’ils avaient grandement besoin de cette main d’œuvre bon marché.

Pour mieux accommoder ses immigrés, l’Europe avait permis, dans les années 70 du siècle dernier, le repatriement familial. Ainsi, des jeunes sont nés en terre européenne et grandit dans des démocraties libérales. Certains en ont profité pour étudier et devenir des cadres mais beaucoup ont mal tourné et on prit le mauvais chemin  : vente de drogue, vol à la tire, escroquerie, crime organisé, etc. suite à quoi ils ont été arrêté a plusieurs reprises par la police et fichés. A la longue, ces jeunes sont devenus des brebis galeuses et, à la différence de leurs parents attachés au pays, ils ont eu un grand problème d’identité. Se sentant isolés de leurs familles, trop traditionnelles, et leur pays européen, raciste et stigmatisant.

Ainsi, cette jeunesse traumatisée culturellement et psychiquement devint une proie facile à la portée des centrales terroristes islamistes d’inspiration wahhabite et ayant accès à la manne de pétrodollars des pays du  Golfe. Une fois dans les bras de ses vendeurs de mort violente, enveloppée dans un Islam défiguré et idéologisé, ils furent gratifiés par l’argent facile et l’identité tant recherchée et souhaitée, avec, en bonus, la promesse alléchante du paradis et de ses innombrables délectations.

Amalgame médiatique

Beaucoup de supports médiatiques occidentaux en mal d’Islamophobie et de sensationnalisme journalistique on précipitamment lié ces jeunes victimes du terrorisme et de l’Islamisme à leur pays d’origine culturelle  : le Maroc.

Les montagnes Rif

Ainsi, une journaliste américaine nommée Leela Jacinto a pondu un article fallacieux intitulé  : «  Morocco’s outlaw country is the heartland of global terrorism  » (Le territoire hors-la-loi du Maroc est le cœur du terrorisme global), publié le 7 avril 2016 par le très sérieux journal électronique américain Foreign Policy et repris le lendemain par Chicago Tribune.

Cette soi-disant journaliste avait parcouru le Maroc à la va-vite et n’ayant aucune connaissance de base de la  culture amazighe imprégnée de tolérance, respect de l’autre et du sens de cohabitation, depuis 5  000 ans, est arrivée à la conclusion hâtive et non-documentée que le Rif marocain est indéniablement le cœur du terrorisme global, pour la simple raison que las apprentis terroristes de Daesh, ces dernières années en Europe, sont lointainement d’origine rifaine mais nés et élevés en Europe. Comment, logiquement parlant, condamner un pays d’origine pour le comportement violent  de gens dont les parents sont issus de ce pays mais nés et élevés dans des contrées européennes  ?

Dans le temps, j’avais répondu à cet article fallacieux par un écrit documenté que j’avais envoyé à ces deux supports précités, mais malheureusement ils n’ont jamais publié ce travail dans le cadre du «  droit de réponse  » comme quoi la presse occidentale cultive ouvertement les préjugés et les stéréotypes, sans ambages et sans remords. En réalité, ce fait est indéniablement une vérité de Palisse. Et pour ceux qui croient que la presse occidentale est un exemple de droiture et de probité, un tel comportement partial leur donnera à réfléchir longuement.  »

Formation des futurs terroristes

La formation de ses futurs terroristes se fait par étapes par des idéologues religieux versés, à la fois, dans la psychologie et la culture religieuse à sens unique. Cette formation a été exclusivement faite en Europe, sans que les services de renseignements européens la détectent, ce qui veut dire beaucoup sur l’efficacité de ces services, dans le passé:

  • Première étape  : identification des «  victimes  »  :

Ils sont identifiés soi sur le net ou dans les quartiers périphériques ou ghettos par des éclaireurs, sorte de «  sherpas  » du mal  ;

  • Deuxième étape  : création de liens d’amitié  :

Les maîtres terroristes jouent beaucoup sur la psychologie de ses jeunes délaissés et marginalisés, ils les mettent en confiance et à l’aise et loin de toute contrainte. Ils mettent, généreusement, à leur disposition de l’argent et se montrent préoccupés par leur oisiveté, chômage, conflits familiaux, stigmatisation, etc.  ;

  • Troisième étape  : «  diagnostique  » religieux du mal qui les ronge  : l’acculturation qui n’est autre que la «  culture de Satan  », civilisation matérialiste de l’Occident qui encourage les jouissances et les vices physiques et corrompt l’âme totalement. Les maitres formateurs expliquent aux jeunes que Dieu a gratifié les non-musulmans sur terre par l’opulence, les richesses et les plaisirs pour les tester mais ils ont rejeté, ignorés, et combattu la «  vraie  » religion qu’est l’Islam, conséquemment ils sont damnés pour l’éternité et les combattre est une action licite Hallal et est la culmination du Jihad. Pour les «  bons  » Musulmans, combattant pour la gloire de l’Islam, le paradis jennah leur ai promis avec ses jouissances et ces vierges houris, d’après la littérature jihadiste  ;

Lieu de l’attentat de Barcelone du 17 août 2017
  • Quatrième étape  : Formation idéologique des jeunes  :

Les recrues sont formées à croire que tous les maux du monde islamique sont dus aux chrétiens nasara, qui sont des infidèles kouffars qu’il faut combattre sans ménagement et tuer sans pitié. Ils se sont dressés contre l’Islam, inlassablement, depuis sont apparition  : la reconquista, les croisades, l’abolition du califat Ottoman, la promesse de Balfour, la colonisation, et la spoliation de Palestine. Les chrétiens ont tué les Musulmans, ils les ont asservi et émasculé, pour barrer la route à la progression de l’Islam et sa gloire, donc, se venger d’eux est un devoir religieux et une nécessité culturelle imminente  ;

  • Cinquième étape  : insensibilisation

Les recrues par, lavage du cerveau intensif, deviennent insensibles à la douleur, à la mort horrible, à la violence gratuite et aux supplices. Ainsi, ils sont convertis en automates, prêts à exécuter n’importe quelle mission ou sale besogne  ; et

  • Sixième étape  : le martyr

La dernière étape c’est la conversion des recrues en machine à tuer. Ils sont formés à croire que leur mort pour la gloire de l’Islam est un martyr, istichehad, qui leur ouvrira grande la porte du paradis et les gratifiera de l’éternité.

L’Islam, en tant que tel, n’a jamais été une religion de violence et de mort pour une gloire présumée. L’Islam  est une religion de paix, de cohabitation et d’amour et de respect d’autrui.

Par Dr Mohamed Chtatou
 
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