Le futur code pénal permettra l’avortement sous conditions

Viol, inceste, malformation fœtale… la nouvelle version de l’avant-projet du code pénal instaure une légalisation conditionnée de l’avortement.  Médias 24 fait le point.

Il ne s’agit pas de libéraliser l’avortement, mais de l’encadrer, de manière à autoriser sa pratique lorsqu’il y a « péril ».

A la mi-mars 2015, un débat avait été lancé sur la question de l’avortement, à l’initiative du Roi Mohammed VI. Le 31 mars 2015, le ministère de la Justice publiait son avant-projet de réforme du code pénal, en laissant vide la partie concernant l’avortement, en attendant la conclusion des consultations lancées par le Chef de l’Etat.

Ce débat avait abouti à la mi-mai à un consensus qui n’avait pas satisfait une partie de la société civile. Il s’agissait de légaliser l’avortement dans trois cas et de garder la criminalisation dans les autres.

L’avant-projet de code pénal présenté par Ramid a suscité de fortes résistances. Sachant que nous sommes dans une année électorale, le ministre de la Justice a préféréretirer son avant-projet et présenter une version light, dans laquelle il a inclus les dispositions relatives à l’avortement, fruit de l’arbitrage du Chef de l’Etat.

Le nouveau texte est actuellement sur les bureaux du secrétariat général du gouvernement. Il y est depuis plus de deux mois, mais son contenu n’a été dévoilé que récemment. S’il est adopté en l’état, il viendra élargir le champ du recours à l’interruption volontaire de la grossesse.

L’actuel code pénal ne sanctionne pas l’avortement « lorsqu’il constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder la santé de la mère ». Il élude, en revanche, des cas tout aussi concrets et sur lesquels la future loi se penche.

Les grossesses causées par viol ou inceste

L’avortement ne sera pas punissable, « lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ». Voici pour le principe. Mais des conditions devront être observées. Le texte en compte cinq:

  1. L’avortement doit être pratiqué par un médecin évoluant au sein d’un hôpital public ou d’une clinique agréée;
  2. l’opération doit avoir lieu avant le 90e jour de grossesse;
  3. la victime doit présenter une attestation justifiant qu’une procédure judiciaire a été ouverte. Ce document est remis par le procureur général du Roi, après vérification de l’authenticité de la plainte (viol ou inceste);
  4. le délégué provincial ou préfectoral du ministère de la Santé doit être averti avant l’opération;
  5. Avant de procéder à l’opération, la mère doit être avisée sur les possibilités juridiques relatives à l’adoption de l’enfant. Elle doit être avertie des risques médicaux qu’elle  encourt à cause de l’avortement. Un délai de réflexion lui est accordé (3 jours maximum).

Femmes atteintes de troubles mentaux

Là aussi, l’avortement est permis, mais sous ces conditions:

  1. Il doit être pratiqué par un médecin évoluant au sein d’un hôpital public ou d’une clinique agréée;
  2. l’opération doit avoir lieu avant le 90e jour de grossesse;
  3. L’autorisation préalable de l’époux, des parents si l’intéressée n’est pas mariée, de son tuteur légal ou de l’institution chargée de sa prise en charge si elle est mineure.

La liste des troubles mentaux devra, aux termes du même article, être fixée par décret du ministère de la Santé, après consultation de l’ordre national des médecins.

Le fœtus atteint d’une maladie génétique ou de malformation

Le texte ouvre l’accès à l’avortement, lorsque « le fœtus est atteint d’une maladie génétique aigue ou d’une malformation fœtale grave, non susceptibles de traitement au moment du diagnostic. »

L’opération doit, comme dans les deux cas précités, être prise en charge par un hôpital public ou une clinique agréée.

La seule différence, c’est qu’elle doit survenir avant le 120e jour de grossesse. La mère doit également fournir une attestation remise par une commission médicale désignée par le ministre de la Santé. Une commission de ce genre sera mise en place dans chacune des douze régions.

Un décret du ministre de la Santé devra, après consultation de l’Ordre des médecins, fixer la liste des maladies génétiques et des malformations congénitales. Un autre texte réglementaire énumère les types d’examens médicaux effectués pour s’enquérir de la gravité des maladies en question.

NB: Tous les cas précités sont soumis à des conditions cumulatives. Ces conditions doivent, selon le cas, être observées dans leur intégralité, sous peine de sanctions. Celles-ci, d’ailleurs,  ne subissent aucun changement, puisqu’on reste dans le domaine de l’actuel code pénal.

Ce dernier prévoit « l’emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 200 à 500 dirhams à l’encontre de la femme qui s’est intentionnellement fait avorter ou a tenté de le faire ou qui a consenti à faire usage de moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet. »

Des registres spéciaux d’avortement

Notons enfin que le texte astreint les hôpitaux publics et cliniques à tenir un registre spécial répertoriant les actes d’avortement. Ces registres seront placés sous la responsabilité des directeurs d’hôpitaux ou de cliniques, qui seront personnellement sanctionnés en cas de manquement (10.000 à 100.000 DH).

Les délégués provinciaux ou préfectoraux tiendront également un registre, cette fois pour y lister les avis que les médecins leur feront parvenir concernant tout avortement.

Article19.ma / Médias24

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