Manigances algériennes à Bruxelles
MANIPULATION. La Cour européenne fait du Sahara marocain un sujet de chantage. Et si le Maroc opposait la même condition à toute coopération en matière de terrorisme et d’immigration illégale?
L’Europe semble se plaire à souffler le chaud et le froid sur ses relations avec le Maroc. C’est après coup qu’elle se répand en regrets et se confond en justifications, pour un rattrapage laborieux. Faut-il rappeler à nos chers partenaires d’outre Méditerranée qu’on ne joue pas avec des engagements qui concernent un pan entier de l’économie du contractant et le revenu d’une bonne part de sa population?
Or, c’est précisément ce qui vient d’arriver avec l’accord agricole entre le Maroc et l’Union européenne (UE). Après moultes réunions préliminaires, souvent à un rythme marathonien, où tous les détails sont pesés au plus petit dénominateur commun de conséquences, il était impensable que tout soit subitement, pour ne pas dire subrepticement, remis en cause par la Cour européenne de justice. Qui plus est, cette fin de non-recevoir judiciaire a été prononcée trois ans après l’accord cadre paraphé en 2012. Comme si le document solennellement signé avec les représentants de la deuxième puissance économique mondiale n’était qu’un ersatz de papyrus et qu’il n’avait de valeur que pour ceux qui y croient. Un désaveu nom l’instance européenne qui n’a d’égal que la douche froide subie par le Maroc. Commence alors une course poursuite de recollage des morceaux d’un accord battu en brèche. La haute représentante de l’UE aux affaires étrangères et vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini, s’est dépensée sans compter pour nous assurer que l’accord agricole en question est d’une importance primordiale, pas seulement pour le Maroc, mais aussi pour l’UE.
Des questions légitimes
Une affirmation que les chefs des diplomaties des 28 Etats membres de l’UE ont reprise lors de leur réunion à Bruxelles le lundi 14 décembre 2015. Dans le même élan, l’UE a rappelé «la valeur fondamentale» du partenariat avec le Maroc. Toutes ces déclarations de principe et autres signes d’assurance dont nous avons été gratifiés n’occultent en rien les questions que le Maroc s’est légitimement posées, suite à la position de la Cour européenne sur l’accord agricole.
Que vaut la signature de l’UE si elle doit être avalisée par une instance supérieure, en l’occurrence une cour de justice qui fait partie de la même architecture communautaire? Ne fallait-il pas maintenir cet accord au stade de projet pour qu’il soit d’abord validé par cette juridiction, avant toute forme d’engagement signé? Et puis, il y a la question qui fâche, plus que toutes les autres: ce tribunal européen, pas plus que l’UE elle-même, peut-il se permettre de toucher à un sujet qui relève de la souveraineté nationale du partenaire, au point d’en faire une conditionnalité pour toute coopération de quelque forme que ce soit? Cette dernière interrogation est à l’origine de l’imbroglio à géométrie variable et à retardement qui constitue un vice de forme et de fond dans notre rapport à l’UE.
Les honorables juges de la Cour européenne, tout comme les diplomates de l’UE, agissent en connaissance de cause et d’effets multiples de l’affaire du Sahara marocain. Deux questions à ce sujet: Un. Pourquoi n’ont-ils pas fait valoir l’objection par l’affaire du Sahara, dès l’installation de l’accord cadre en 2012, ou, au moins, avant l’aval de l’UE? Deux. Ce carton d’opposition sera-t-il systématiquement brandi à chaque accord de coopération entre l’UE et le Maroc? Et si le Maroc, dans un souci de défense légitime de ses intérêts et de son intégrité territoriale, faisait de cette objection par l’affaire du Sahara, une condition pour sa coopération en matière de terrorisme islamiste ou d’immigration illégale?! Deux domaines où les officiels européens ne tarissent pas d’éloges à l’adresse du Maroc.
Stratégie hégémonique
Les magistrats de la Cour de justice européenne connaissent, autant que nous autres, les tenants de ce conflit orchestré par l’Algérie depuis quarante ans. Quant aux aboutissements éventuels du même conflit, ils sont tellement cauchemardesques qu’il vaut mieux les maintenir dans le non-dit. Sans jouer au jeu du juge des juges, il est clair que ces derniers ont cédé aux sirènes trompeuses de l’Algérie et de ses créatures polis ariennes. Ces juges sont, par ailleurs, tellement respectables qu’il n’est pas question de les soupçonner d’avoir été sensibles à d’autres arguments qui cachent mal la vérité de la stratégie hégémonique algérienne sur toute la région.
Par Abdellatif MANSOUR
Source : Maroc Hebdo
Article19.ma