Opinion – Di Mistura en maître d’oeuvre – Par Naïm Kamal

Di Mistura lors de son ''mystérieux'' voyage en Afrique du Sud, support de toujours d'Alger, pour parler du dossier du différent du Sahara à mille lieues de la région avec Naledi Pando, alors ministre des Affaires étrangères de Pretoria

Alors que la question du Sahara occidental demeure un enjeu géopolitique majeur, un article récent publié dans Foreign Affairs relance le débat en plaidant pour une ‘’partition du territoire’’. Derrière une apparente analyse stratégique, ce texte révèle une posture biaisée, alignée sur les intérêts algériens. Naïm Kamal voit dans ce qui se cache une simple opinion, une tentative délibérée d’influencer la dynamique diplomatique en amont des discussions onusiennes.


Par Naïm Kamal – Quid.ma


Annah Rae Armstrong était jusque-là inconnue au bataillon, du moins dans la région et en rapport avec le dossier du Sahara. Elle se présente pompeusement à la fois comme une gauchiste et une experte de l’Afrique du Nord et du Sahara et vient de publier un long article intitulé Plaidoyer pour une partition du Sahara occidental, sous-titré : Comment convaincre le Maroc d’accepter la moins mauvaise des solutions.

Ainsi, dès l’accroche, elle plante le décor en désignant d’emblée du doigt le Maroc, qui se refuse à « la moins mauvaise solution », alors que ce n’est pas une solution du tout, mais l’expression d’un rêve d’accès à l’Atlantique né à Alger, fruit d’une prétention à la puissance que le pouvoir algérien n’a aucune gêne à exprimer depuis longtemps en ces termes : « l’Algérie, État-pivot de la région ».

Une démarche biaisée

En résumé, Annah Rae Armstrong – à laquelle on ne fera pas l’injure de supposer qu’elle est commanditée – concède certes que le Maroc a obtenu des soutiens internationaux à sa souveraineté sur ses provinces du Sud, notamment des États-Unis, de la France et de l’Espagne, mais elle ajoute pour justifier son intrusion dans ce dossier que les Nations Unies ont été incapables de résoudre la crise et que la situation semble figée, augmentant ainsi le risque d’une escalade du conflit. Tout un argumentaire, déployé sur plusieurs pages, pour conclure que la situation risque de dégénérer en un conflit armé plus large, aux conséquences humanitaires et géopolitiques graves.

Mais surtout, cherchant à effrayer et à mieux étayer le constat d’impasse dans lequel se trouverait le dossier du Sahara, elle affirme que cela aurait incité l’envoyé spécial de l’ONU, Staffan de Mistura, à proposer récemment une solution radicale : la partition du territoire. Cette option, bien que politiquement délicate, dit-elle, permettrait au Maroc de légaliser son contrôle sur la partie nord du territoire, tandis que le Front Polisario obtiendrait une partie du sud pour établir un État sahraoui indépendant et rapatrier les réfugiés sahraouis.

L’article, laissant transparaître nettement ses sympathies pour l’Algérie et son proxy, est sans intérêt et truffé d’erreurs volontaires, n’eût été le fait qu’il ait été publié dans la revue Foreign Affairs, éditée par le think tank américain Council on Foreign Relations, qui n’en est pas à son premier article favorable aux thèses algériennes. Et ce, alors que pointe à l’horizon la session d’avril des Nations Unies et du Conseil de sécurité, qui fait habituellement à cette saison un point d’étape sur le dossier du Sahara, le premier depuis le retour en janvier dernier de Donald Trump à la Maison Blanche.

A l’origine la fausse bonne idée

L’auteure, qui bénéficie d’un boost aussi massif que suspect sur les différentes plateformes de partage, attribue cette « moins mauvaise solution » à l’envoyé personnel du secrétaire général, Staffan de Mistura. Et si elle tente de lui trouver un ancrage dans l’historique du différend en remontant jusqu’au partage de 1976, elle le fait sans en définir le contexte ni les évolutions ultérieures. Plus qu’une erreur imputable à une ignorance, c’est une faute volontaire qui entame sérieusement son objectivité, sachant que la partition dont elle se fait la porte-parole est apparue pour la première fois publiquement avec James Baker, envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU de 1997 à 2004.

En 2002, sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, l’Algérie s’était dite disposée à négocier une partition du territoire comme solution politique au différend du Sahara occidental. Mais elle a rapidement été contrainte de rétropédaler après la vague de doutes sur son véritable attachement aux « droits des peuples à l’autodétermination », qui a submergé ses alliés, à commencer par les bases du Polisario dans les camps de Tindouf et ailleurs.

À l’époque déjà, Alger avait perçu dans les premières attitudes de James Baker que les nouveaux paradigmes appliqués par le roi Mohammed VI, alors récent souverain du Maroc, au traitement du dossier du Sahara produisaient leurs premiers effets. N’étant intéressée que par le grand non-dit – et paradoxalement le plus patent – de ce « différend » (l’isolement du Maroc de son prolongement africain et, pour elle, un accès à l’Atlantique), Alger se rabattait sur cet axiome selon lequel « il vaut mieux un tiens que deux tu l’auras ».

Sortir Alger de l’ornière

Depuis, d’année en année, le Maroc n’a fait que gagner en soutiens à sa cause et consolider d’autant ses positions sur la scène internationale et au sein des instances onusiennes. Résolution après résolution, le Conseil de sécurité a consacré l’initiative marocaine d’autonomie comme solution sérieuse et crédible et, à l’horizon, se profile de plus en plus la probabilité de son imposition aux véritables protagonistes par la communauté internationale.

Après avoir échoué à saborder les tables rondes comme plateformes de discussion, le régime algérien a trouvé en M. de Mistura une oreille attentive pour sa « moins mauvaise solution », qui lui permettrait, dans ses calculs, de sortir de l’ornière diplomatique et de réaliser en grande partie son rêve atlantique.

Présentant cette « inspiration » comme « un mauvais compromis qui vaut mieux qu’une bonne guerre » et suggérant que le Polisario reste réfractaire mais qu’il se ferait fort de le convaincre, Alger tente dans le même temps de montrer le Maroc comme l’élément de blocage.

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