Face aux changements socio-politiques imprévisibles en cours et leurs impacts sur nos sociétés, « soixante-dix ans plus tard, le monde a-t-il retenu les leçons de l’Holocauste?, telle est l’une des questions qui ont été débattues, lors d’une conférence durant deux jours à Marrakech, par d’éminents chercheurs, historiens, universitaires et artistes dont certains sont venus d’Amérique, d’Europe et d’Afrique du Nord.
Organisée par le Projet Aladin, l’Université Mohammed V de Rabat, l’Université Cadi Ayyad de Marrakech en partenariat avec l’UNESCO, cette conférence la première du genre dans le Monde arabe a pour but de promouvoir le rapprochement culturel fondé sur la tolérance, le dialogue, le respect mutuel et surtout l’éducation.
Parmi les thématiques qui ont été abordées avec rationalité et sérénité: « La place des religions dans l’enseignement de l’Histoire et de l’éthique », « Les juifs et les musulmans au Maghreb : une histoire partagée », « Histoire et culture des juifs d’Algérie et de Tunisie » et « la dimension juive de l’histoire et de la culture du Maroc ».
Lors de la séance d’ouverture, M. André Azoulay, Conseiller du Roi Mohammed VI, a salué l’attitude courageuse et exemplaire, tellement universelle du Roi Mohammed V, qui a résisté à toutes les tentatives intimidation, pris une position courageuse et refusé publiquement de persécuter ses sujets juifs.
M. Azoulay a souligné que la conduite de son petit fils, le Roi Mohammed VI, s’inscrit dans « la continuité » de l’engagement des défunts souverains, le Roi Mohammed V et le Roi Hassan II.
Par ailleurs, M. Azoulay a rappelé le contenu du message adressé par le Souverain aux participants à la Conférence de lancement du projet Aladin, dans lequel le Roi a affirmé : « Ma lecture de l’holocauste et celle de mon peuple ne sont pas celle de l’amnésie. Notre lecture est celle d’une blessure mémorielle que nous savons inscrite dans l’un des chapitres les plus douloureux, dans le panthéon du patrimoine universel ».
A noter, le projet Aladin a été lancé en mars 2009 sous le parrainage de l’UNESCO et depuis lors est soutenu par plus d’un millier d’intellectuels, universitaires et personnalités publiques issus de plus de 50 pays du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord.
A cette occasion, M. Azoulay a lancé un appel aux participants de relayer le message de tolérance porté par le Maroc, une terre d’Islam qui a reconnu, dans sa nouvelle Constitution, l’apport de toutes les civilisations qui se sont succédé: la civilisation amazighe, la civilisation juive et la grande civilisation arabo-musulmane.
« Je voudrais que chacun présent ici à cette conférence transmette la singularité et l’exemplarité de ce message porté par le Maroc, une terre d’Islam au cœur d’une société marocaine nourrie de grandes civilisations: amazighe, juive et arabo-musulmane », a-t-il souligné.
Cette réalité et ces signaux de solidarité et d’humanisme, venus de terre d’Islam et du monde arabe, restent encore méconnus dans les pays occidentaux, a-t-il déploré, notant que « contre le nazisme, le racisme, le meurtre et la tragédie, la lumière peut venir de terre d’Islam ».
« L’Islam que vous avez connu par les médias et la presse n’est pas celui que vous allez rencontrer dans cette terre », a-t-il dit, relevant que cette religion de la Lumière ne doit en aucun cas être identifiée au négationnisme et aux négationnistes européens.
« Quel autre pays sur la rive Sud de la Méditerranée pourrait prendre cette initiative en organisant cette conférence, qui est un seuil historique, et en appelant les choses par leurs noms dans un discours qui n’est pas celui discret du forum privé, mais dans un espace public », s’est-t-il interrogé, relevant que des centaines de milliers de juifs, avant la Shoah, ont été accueillis et ont trouvé refuge au Maroc.
+ Le Maroc, depuis près de trois millénaires, a été une terre d’accueil des juifs…+
Dans le même ordre d’idées, le royaume a été, depuis près de trois millénaires, une terre d’accueil des Juifs et une terre d’asile pour les Juifs persécutés, a rappelé le ministre de l’Education nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Saïd Amzazi.
« Le Maroc a été, depuis près de trois millénaires, une terre d’accueil des Juifs et une terre d’asile pour les Juifs persécutés, d’abord venus de Judée, chassés par les Romains, puis d’Andalousie suite au déclin de son âge d’or arabo-musulman, ou encore d’Europe fuyant le péril Nazi de la deuxième guerre mondiale », a-t-il indiqué à l’ouverture des travaux d’une conférence internationale sur les thématiques de « l’importance de l’enseignement des leçons de l’Histoire : l’Holocauste et les grandes tragédies de l’histoire » et « Honorer les Justes dans le monde musulman ».
M. Amzazi a indiqué que le Maroc, même dans les périodes les plus sombres de son histoire, sous la menace colonialiste, ne s’est jamais départi de ses fondements humanistes universels, notamment lorsque le Roi Mohammed V a fait preuve d’un courage qui force l’admiration en s’opposant à l’application des lois de Vichy sur son sol, protégeant de ce fait les Juifs marocains qu’il considérait comme ses pleins sujets.
De son côté, le jeune cinéaste franco-marocain de confession musulmane Kamal Hachkar, a dévoilé, à la clôture des travaux de cette rencontre, des extraits de son nouveau film : « Return to the homeland ».
« Ma quête est de concilier ma singularité avec l’universel », annonce-t-il.
Dans un teaser de trois minutes, Hachkar évoque le retour aux sources d’un couple israelien d’origine marocaine.
De retour au Maroc, le couple tente de retrouver le lieu, les souvenirs et la mémoire de leurs ancêtres qui ont émigré vers Israël dans les années 50.
En filigrane, le film met en relief l’importance de « retour aux sources » qui est en fait le devoir des nouvelles générations afin de réssuciter ce riche passé culturel et historique et proteger la flamme de la coexistence et du dialogue entre les différentes religions et cultures.
Lors de ces deux jours, parmi la trentaine d’intervenants, Mme Leah Pizar, présidente du Projet Aladin et ex-conseillère du président Clinton a abordé la trajectoire du Projet Aladin qui pour la première fois tient sa conférence au Maroc et qui a attiré des dizaines de jeunes étudiants et enseignants marocains.
« Le Projet Aladin revendique son devoir de vigilance et sa vocation d’enseigner les leçons d’Histoire pour mieux comprendre et combattre les racines de toutes les haines qui bouillonnent aujourd’hui », explique-t-elle.
De son côté, l’ancien ministre de l’Education nationale M. Rachid Belmokhtar a mis l’accent sur le rôle primordial de l’éducation des jeunes pour combattre les extrémismes mais il a insisté sur la nécessité de créer tout d’abord un environnement adéquat.
Pour réussir dit-il, « il faut créer des musées, des espaces reliés à l’ecole peut-être … des espaces d’épanouissement et de débat ».
A rappeler que le Projet Aladin compte bientôt entamer une tournée avec un cycle de colloques sur les leçons que l’humanite doit retenir de la tragédie de l’Holocauste, notamment en Chine, Inde, Indonésie, Afrique du Sud, Tanzanie et en France.