C’est noir sur blanc. La Banque mondiale (BM) tire la sonnette d’alarme sur la pénurie d’eau que connait le Maroc cette année mais surtout à l’avenir. Dans son dernier rapport rendu public, la BM a averti qui de droit en ces termes : « l’avenir, le changement climatique pourrait faire de la pénurie d’eau une condition plus permanente, ce qui aurait de graves répercussions à long terme sur l’économie ». Plus clair, tu meurs, dirait l’autre.
Voici les principaux points de de ce rapport de 44 pages et daté du printemps 2022:
L’économie marocaine a connu une forte reprise en 2021.
Avec un taux de croissance du PIB réel de 7,9 pour cent, le Maroc a surpassé ses pairs régionaux et récupéré les pertes de production subies au cours de la première année de la pandémie. Ce rebond a été soutenu par une saison agricole exceptionnelle, des exportations manufacturières et agro-alimentaires solides, et la reprise de la demande intérieure, tirée, en partie, par une campagne de vaccination réussie, des politiques macroéconomiques favorables et des niveaux sans précédent des transferts des Marocains Résidents à l’Etranger (MRE).
Cependant, le Maroc subit une nouvelle fois l’impact d’une série de chocs négatifs.
Le début de la campagne agricole a été exceptionnellement sec, et une mauvaise récolte céréalière est à prévoir pour 2022. Cette situation coïncide avec un ralentissement de l’économie mondiale et une hausse des prix internationaux des produits de base, tendances défavorables qui se sont fortement intensifiées après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il est important de noter que ces chocs se sont avérés s’être renforcés mutuellement étant donné qu’avec la sécheresse le Maroc devrait importer des volumes plus importants de céréales à des prix sensiblement plus élevés, et ce, en raison de la guerre. Dans ce contexte très défavorable, l’économie pourrait décélérer fortement en 2022, et nous prévoyons désormais un taux de croissance de 1,3 pour cent en 2022.
Les chocs en cours affectent les équilibres budgétaires et extérieurs.
Les subventions du secteur public et les diverses mesures d’urgence ad hoc adoptées atténuent l’impact des chocs. En conséquence, le déficit budgétaire est en hausse, même si le Maroc affiche encore de meilleurs indicateurs budgétaires que la plupart des économies émergentes et en développement. Étant donné que le Maroc dépend des importations de pétrole et de céréales (en particulier en cas de sècheresse), les importations nettes continuent de s’accroître fortement. Dans ce contexte, nous prévoyons que les déficit budgétaire et du compte courant atteignent respectivement 6,4 et 5,2 pour cent du PIB en 2022. Les risques liés à ces déficits jumeaux sont atténués par un stock confortable de réserves de change, la solide structure de la dette publique marocaine et le maintien d’un bon accès aux marchés financiers internationaux.
Le Maroc commence à faire face à des pressions inflationnistes intenses, mais de façon un peu plus modérée que dans d’autres pays.
Malgré l’effet amortisseur des subventions des prix, l’inflation annuelle a atteint 5,9 pour cent en avril 2022. Avec la combinaison de la sécheresse et du ralentissement économique, ces pressions sur les prix ont des répercussions sociales importantes sur les personnes pauvres et vulnérables.
Jusqu’à présent, la banque centrale considère ce choc des prix temporaire et n’a pas révisé l’orientation de sa politique monétaire accommodante. Si les pressions sur les prix ne s’atténuent pas, la banque centrale pourrait être contrainte de relever les taux d’intérêt. Bien que cela soit nécessaire pour éviter un désancrage des anticipations d’inflation, une telle mesure serait procyclique et alimenterait davantage les vents contraires stagflationnistes auxquels l’économie commence à faire face.
Les récentes sécheresses ont rappelé avec force l’exposition de l’économie marocaine aux chocs pluviométriques. Les grandes oscillations des niveaux de précipitations ont contribué à amplifier la récession de 2020 et la reprise de 2021 et ralentiront de nouveau la croissance en 2022.
Le rapport comprend en fait un chapitre spécial sur les impacts macroéconomiques des sécheresses et de la rareté de l’eau au Maroc, utilisant une partie de l’analyse qui est incluse dans un diagnostic de la Banque mondiale qui sera bientôt publié : « le Rapport sur le climat et le développement des pays (CCDR). Il souligne l’importance des chocs pluviométriques comme
source de volatilité macroéconomique au Maroc », affirme la BM.
Au cours des dernières décennies, cependant, les sécheresses ont eu tendance à être suivies par de forts rebonds, et la récurrence de ces chocs n’a pas empêché une solide croissance à long terme du PIB agricole. À l’avenir, le changement climatique pourrait faire de la pénurie d’eau une condition plus permanente, ce qui aurait de graves répercussions à long terme sur l’économie.
Le développement des infrastructures est une condition nécessaire mais non suffisante pour faire face à la pénurie d’eau.
Historiquement, le Maroc s’est appuyé sur des investissements massifs dans le stockage de l’eau et l’irrigation pour faire face à des modèles de précipitations très variables. Ces investissements sont plus que jamais nécessaires, mais l’expérience internationale suggère que pour faire face à la pénurie d’eau, les «“solutions d’ingénierie”» doivent être associées à des politiques efficaces de gestion de la demande en eau.
En résumé : un homme averti en vaut deux, dit-on ?
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