Par Ilyas El Omari
Raoul Castro est considéré comme l’un des cinq dirigeants qui ont mené la révolution contre le régime de Batista à partir de la chaine de montagnes de Sierra Maestra en 1956 du siècle passé, aujourd’hui il cède la présidence de Cuba à Miguel Diaz-Canel (57 ans) qui a vu le jour pendant la révolution, y a été éduqué et a grandi au sein du parti communiste.
Le groupe des cinq (Fidel Caro, Guevara, Camilo, Ruan Almeida et Raoul) a dirigé la révolution à partir des montagnes de la Sierra Maestra avec environ 200 combattants et s’est emparé de tout Cuba en 59 du siècle précédent, au moment où le parti communiste cubain était à l’époque, à La Havane, contre la révolution pour insuffisance des conditions subjectives et objectives à son déclanchement. Alors ce groupe révolutionnaire, aux moyens limités, a inventé une nouvelle théorie selon laquelle qu’en déclenchant la révolution se réuniront les conditions subjectives et objectives de son succès.
C’est ainsi que les cinq révolutionnaires, dont Raoul, ont mené une lutte armée contre le régime de Batista, soutenu par les Etats Unis d’Amérique, et ont pu s’emparer de La Havane faisant des révolutionnaires de la Sierra Maestra des symboles chantés à travers le monde dans toutes les langues, de la langue indienne originale aux autres langues.
Après le périple qu’il a entamé très tôt, Raoul cède aujourd’hui le pouvoir à la tête de Cuba. Est-ce qu’avec ce départ, l’homme, qui a occupé de nombreux postes dans le gouvernement de son frère, le défunt Fidel Castro, et à la direction du parti communiste, annonce sa renonciation à la déclaration de la Sierra Maestra, particulièrement sa teneur révolutionnaire qui a comporté des décisions politiques et économiques hostiles à l’Occident et aux Etats Unis ?
Ou s’agit-il seulement d’un repos du guerrier sur la scène diplomatique et politique en continuant d’assurer la fonction politique révolutionnaire comme dirigeant du parti sur la base duquel a été bâti l’expérience cubaine de Fidel Castro ?
Est-ce que de nouveaux calculs ont commencé à apparaître après la visite historique de Barak Obama à Cuba, et après l’apparition de certains signes d’ouverture prudente de l’économie cubaine sur le modèle capitaliste ? Plus encore, est-ce que Cuba fera partie de la stratégie américaine dans la région et dans le monde ?
Il est vrai que le contexte de la lutte aiguë entre l’Amérique et Cuba, entre les deux camps en pleine guerre froide, n’a plus la même intensité idéologiquement, politiquement et économiquement. C’est ce qui explique, d’une part, le recul de l’intensité de l’animosité américaine à l’égard du régime cubain et, d’autre part, l’ouverture timide de la politique cubaine avant même l’accession de Raoul au pouvoir du pays?
L’histoire retiendra toujours ce qui était désigné en plein guerre froide de « crise cubaine » en 1962 et qui a failli faire éclater une guerre nucléaire entre les Etats Unis et l’Union Soviétique.
A la suite de cette crise, personne ne pouvait imaginer au cours des années 60 et 70 du siècle passé que Cuba, l’icône de la lutte révolutionnaire communiste dans le monde, puisse emprunter la voie de l’ouverture qui pourrait conduire au pluralisme politique et à la démocratie sur le modèle libéral.
A propos de la crise des missiles cubains, il apparaît que l’histoire n’est pas exempte de paradoxes qui constituent pour le temps présent des leçons à méditer.
L’Union Soviétique a dressé des missiles nucléaires sur le territoire cubain près de l’Amérique, et cette dernière a déployé des missiles sur le territoire turc pour qu’ils soient près de l’Union Soviétique. Les missiles déployés à Cuba et en Turquie étaient au cœur de la lutte et des négociations entre les deux camps.
Tout a changé aujourd’hui y compris les choix des deux pays qui ont joué un rôle dans la détermination de la carte des équilibres de la terreur au cours de ce qui était appelé la guerre froide.
Aujourd’hui, le destin politique fait que nous voyons le régime turc se diriger avec détermination vers un régime de parti unique dans sa version des frères musulmans, lui qui se considérait et se considère encore parmi les pays qui obéissent au multipartisme, et qui est un allié de l’Occident qui soutient ce choix, alors que le régime cubain avec tout son héritage se dirige lui, même timidement, vers l’ouverture et le pluralisme.
Loin du sort de la Turquie qui est entre les mains de ses « frères », nous reposons la question sur le sort d’un pays qui a inspiré les mouvements de changement pendant plusieurs décennies : Est-ce que le renoncement de Raoul à la présidence de Cuba constitue le prélude de la fin de la génération de la Sierra Maestra ?
Est-ce que ce pas est le début d’une nouvelle génération ? La génération d’après la révolution, la génération des grands changements que connaît l’action politique à travers le monde.
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