« Irma », l’un des plus puissants ouragans jamais enregistrés dans l’Océan Atlantique, ayant envahi durant la semaine dernière les îles des Caraïbes, Cuba et la Floride, a pris les allures d’une « apocalypse » annonciatrice d’une série de catastrophes naturelles qui risquent de se reproduire sur les deux rives de l’Atlantique suite à l’exacerbation du réchauffement climatique, selon le représentant de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), Abdelghani Chehbouni.
Considéré comme le premier Ouragan de la catégorie 5 (vents supérieurs à 250 km/h) à avoir duré une aussi longue période, cet hurricane a fait une dizaine de morts lors de son passage par Cuba et entraîné d’énormes dommages dans les îles françaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, avant d’atteindre en fin de semaine dernière la Floride.
Approché par la MAP en réaction à ce phénomène climatique, M. Abdelghani Chehbouni a indiqué que ces cyclones sont des phénomènes naturels qui existent depuis toujours, mais dont la fréquence et l’intensité s’accentuent davantage avec les changements climatiques.
Chehbouni explique, par ailleurs, que ces cyclones se construisent sous forme d’une grande masse d’air chargée d’énergie à partir des océans et poussée par les vents, qui continue à se charger d’énergie avant d’arriver sur les terres fermes et se transformer en énormes pluies diluviennes, soulignant que l’augmentation à la fois du taux de l’évaporation et de la température conduit à l’intensification du degré d’humidité dans l’air, ce qui nourrit ces hurricanes et leur donne un effet plus puissant.
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Etant situé sur l’autre rive de l’Atlantique, « le Maroc n’est pas à l’abri », estime le climatologue, notant que l’intensité de ces ouragans dépend des régions et que la région des Caraïbes est connue par l’activation de tels phénomènes atmosphériques en cette saison.
« Le risque étant global », une structure pareille peut bel et bien se charger d’énergie à partir de l’Atlantique et « peut très bien arriver au Maroc », a-t-il averti.
Selon ce chercheur attaché au « Jet Propulsion Laboratory » de la NASA, l’Océan Atlantique, qui dégage récemment d’énormes doses d’humidité de plus en plus ressentie dans de nombreuses villes côtières court un grand risque d’assister à de telles catastrophes naturelles à cause de l’accentuation des émissions des gaz à effet de serre.
Bien que l’augmentation de la température évoque une élévation du taux de l’évaporation et par conséquent l’intensification de l’humidité, ce phénomène demeure « naturel », avance M. Chehbouni, précisant que c’est plutôt le prolongement de la durée de cette humidité qui est « anormal ».
Ce qui s’avère aussi « plus inquiétant » pour ce scientifique est à la fois « la persistance des vagues de l’humidité sur la façade atlantique d’un côté et des vagues de la chaleur à l’intérieur du pays ».
Il a également signalé dans ce sens que les températures attendues prochainement au centre du pays (entre 38 et 40 °C) ne « sont pas du tout normales », et restent très alarmantes au cours de cette période de l’année.
Interrogé sur les moyens de faire face à ces défis, Chehbouni explique que pour réduire l’humidité, il faut commencer par « réduire ses sources », qui sont essentiellement les émissions des gaz à effet de serre.
Aussi, et afin de pouvoir contribuer à l’atténuation des effets des changements climatiques, le Maroc doit opter pour des transports plus propres et écologiques, construire des habitats mieux isolés, inciter la population à mener un mode de vie qui respecte l’environnement et intégrer les techniques d’adaptation et d’atténuation des effets climatiques dans les politiques publiques, a-t-il recommandé.
M. Chehbouni a, par ailleurs, relevé que la réalisation des objectifs de l’accord de Paris nécessite l’adhésion de tous les Etats, précisant que la décision de retrait des Etats Unis de cet accord planétaire répond aux intérêts des lobbyistes qui ne souhaitent pas « être contraints dans leurs affaires par des normes internationales ».
Pourtant, en politique « il ne faut jamais dire jamais », tempère–t-il, estimant que l’administration américaine sera obligée, à un moment donné, de « revenir à l’évidence ».
Aussi, poursuit le climatologue, il ne suffit pas d’annoncer la décision du retrait pour pouvoir se retirer, notant que d’un point de vue légal, cette décision ne pourrait se concrétiser qu’en 2020.
Le représentant de l’IRD a conclu que l’accord de Paris a placé l’adaptation au même niveau que l’atténuation, soulignant que les enjeux de la COP23, qui est une déclinaison opérationnelle de cet accord, est de trouver les moyens à même d’adapter l’humanité aux changements climatiques.
L’ouragan Irma a battu le record du cyclone tropical le plus long à une telle intensité, dépassant celui qui avait ravagé les Philippines en 2013, avec des rafales allant jusqu’à 280-300 km/h.
Il a fait au moins 81 morts, selon les derniers chiffres disponibles, dont 38 aux Etats-Unis et 40 aux Caraïbes, avec des milliers de sans-abris, notamment dans l’Est des Caraïbes qui ont besoin d’être pris en charge de toute urgence, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Pour les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le coût des dommages provoqués par l’ouragan est évalué à 1,2 milliard d’euros, selon le réassureur public CCR spécialisé dans les catastrophes naturelles.
Ces dégâts totalisent près de 25 milliards de dollars, soit 18 milliards de dollars aux Etats-Unis et sept milliards de dollars dans les Caraïbes, selon des estimations publiées par la société spécialisée Karen Clark & Co. (MAP)