Comment en sommes-nous arrivés là? Le Maroc est arrivé au point où le roi en personne exprime sa colère live à la télévision un jour de fête, la Fête du Trône où d’habitude les Marocains s’attendent à des nouvelles sur le bilan des réalisations socio-économiques et les projets à venir.
Ce qui s’est produit, c’est tout à fait le contraire. Le roi a tout simplement exprimé sa déception face à une situation kafkaïenne où la classe politique est devenue amorphe et sans grande ambition, sinon de se maintenir et maintenir un statu quo qui bénéficierait à une minorité élitiste au détriment de la majorité des citoyens. Cette majorité silencieuse, qui avec le temps a perdu la foi en la chose politique.
Et quand on parle de classe politique, il ne faut pas considérer seulement les chefs et les sous-chefs des partis politiques qui « habitent » les médias nationaux et internationaux, mais plutôt un large spectre qui s’étend jusqu’aux élus locaux dans les bleds perdus s’estimant des « privilégiés » au-dessus de la loi.
Pour mieux décrire l’état des lieux, le souverain a dit tout haut ce que le petit peuple disait tout bas. « L’évolution politique du Maroc et ses progrès en matière de développement ne se sont pas répercutés positivement sur l’attitude affichée par les partis, les responsables politiques et les administratifs, au regard des aspirations et des préoccupations réelles des Marocains, » a affirmé le roi, en ajoutant dans un verdict sans appel: « En effet, quand le bilan se révèle positif, les partis, la classe politique et les responsables s’empressent d’occuper le devant de la scène pour engranger les bénéfices politiques et médiatiques des acquis réalisés ».
Quant à l’administration publique, le discours n’a pas lésiné sur les mots, les adjectifs et les tristes images que les citoyens connaissent par coeur car ils sont en contact quotidien avec ses bureaucrates dont un sur dix travaille honnêtement et sincèrement, alors que les autres passent leur temps à chercher des « hmizates » et à faire les ménages et les commérages.
Bref, un constat socio-économique peu satisfaisant au bout de 18 ans de règne, d’efforts, d’investissements et de travail sans relâche pour sortir le Maroc et les Marocains du sous-développement. Et surtout de se hisser au niveau des nations prospères. « L’un des problèmes qui entravent aussi le progrès du Maroc, réside dans la faiblesse de l’Administration publique, en termes de gouvernance, d’efficience ou de qualité des prestations offertes aux citoyens, » note le roi.
Que faire?
Les citoyens, qui ont suivi, le samedi soir, ce discours tant attendu, ont admiré la franchise du souverain et son engagement personnel à aller de l’avant.
Mais dénoncer les dysfonctionnements de l’administration et l’opportunisme de la classe politique sont-ils suffisants pour faire bouger les choses et changer les mentalités qui ont bien pris le pli ?
Pour le moment, le temps est à « la réflexion » et à « la digestion » du réquisitoire royal, notamment ceux pointé du doigt et qui jusqu’alors pensaient échapper à tout contrôle.
N’est-il pas temps d’établir la « corrélation entre responsabilité et reddition des comptes » ?
Le roi a raison de dire que « le temps est venu de rendre ce principe pleinement opérationnel. Et tout comme la loi s’applique à tous les Marocains, elle doit s’imposer en premier lieu à tous les responsables, sans exception ni distinction… ».
Dans cet ordre d’idées, le Maroc a lancé depuis belle lurette les centres régionaux d’investissement (CRI), l’un des véhicules d’encouragement des investisseurs, de création de PME et PMI et surtout d’emplois. Le discours royal a bordé ce sujet en termes peu élogieux car certains bureaucrates se donnent le malin plaisir d’y sévir comme dans un terrain conquis.
Et si on mettait un mécanisme de pointage régional et national indiquant le nombre de dossiers traités par semaine ou par mois? Combien d’autorisations ont été délivrées, combien ont été mises de côté ou plutôt rejetées ou « retenues pour lecture »?
Le résultat relatif aux CRI qui travaillent et qui font travailler les gens et les entreprises et celles qui tuent l’emploi apparaîtra au grand jour. On sera en mesure de savoir qui bloque quoi et qui cherche quoi, notamment les fameuses « hmizates ». Alors la « corrélation entre responsabilité et reddition des comptes » s’imposera d’elle-même.
Pour les autres aspects de la politique politicienne, un petit mot dans l’oreille de M. Benkirane: durant les cinq années de son mandat, il ne s’est préoccupé que de son parti le PJD et comment détruire son ennemi juré le PAM. Et au passage, avec son discours populiste à longueur de journée, Benkirane a diabolisé ses adversaires, banalisé l’action de l’État et ses institutions et tenté de se présenter comme « le sauveur »…le reste, c’était la poudre aux yeux.
Résultat des courses: c’est le topo de la situation actuelle décrite avec ce mot simple et fort: « Assez! ».
Maintenant, que le constat est fait, le Maroc doit passer à autre chose… En fait, tout le monde le pense mais n’ose le dire publiquement: « Couper des têtes » (au sens figuré) serait inévitable pour mettre de l’ordre et rétablir la confiance.
A bon entendeur salut!