Liu Xiaobo est mort jeudi des suites d’un cancer du foie qui avait conduit les autorités à le placer en liberté conditionnelle pour traitement médical.
Le prix Nobel de la paix chinois Liu Xiaobo est décédé ce jeudi à l’âge de 61 ans, ont annoncé les autorités de la province du Liaoning, où le dissident chinois était hospitalisé. Il était atteint d’un cancer du foie en phase terminale diagnostiqué le 23 mai et qui avait conduit les autorités à le placer en liberté conditionnelle pour traitement médical. Ces derniers jours, l’hôpital de Shenyang avait signalé qu’il se trouvait «dans un état critique». La veille de sa mort, sa famille avait refusé qu’il soit placé sous assistance respiratoire et un proche avait indiqué qu’il ne survivrait possiblement pas aux prochaines 24 heures.
Suite à l’annonce de son cancer, de nombreux pays occidentaux (notamment la France et l’Allemagne), à l’unisson avec le Parlement européen et l’ONU, avaient fait pression sur la Chine afin que le Prix Nobel de la paix puisse se faire soigner à l’étranger, en vain. «Pourquoi devrions-nous discuter du sort d’un citoyen chinois emprisonné avec d’autres pays?», avait réagi le porte-parole de la diplomatie chinoise Lu Kang.
Différentes associations de défense des droits de l’homme ont même reproché à Pékin d’avoir attendu que son état de santé soit critique pour le permettre de sortir de prison. Selon l’hôpital de Shenyang, Liu Xiaobo n’était pas en état d’être transporté à l’étranger début juillet mais les autorités avaient tout de même accepté que deux médecins étrangers se rendent à son chevet, un Allemand et un Américain, qui avaient assuré qu’un transfert serait «sans danger», en vain.
Le considérant comme un «criminel», la Chine avait toujours refusé de le faire sortir de sa prison où il était incarcéré depuis 2009, même pour la remise de son prix Nobel. La libération tant attendue pour maladie était probablement calculée afin d’éviter de ternir la réputation de la Chine s’il venait à mourir en prison.
Défenseur des droits de l’homme
Intellectuel dissident, Liu Xiaobo avait reçu en 2010 le prix Nobel de la paix alors qu’il était derrière les barreaux depuis un an. Pékin avait refusé de le libérer, le qualifiant de «criminel», ce qui avait mené à une remise du Prix à une chaise vide. Symbole du combat pour la démocratie, il avait été condamné à 11 ans de prison en 2009 pour «subversion du pouvoir de l’État» – accusation couramment utilisée pour étouffer les opposants -, pour avoir coécrit la «Charte 08». Le document est publié en 2008, alors que les Jeux de Pékin mettent le pays sous les projecteurs du monde entier.
Par ce document, il réclamait la démocratisation de son pays: «C’est une réalité politique que tout le monde peut constater, la Chine dispose de lois mais pas d’État de droit, elle a une Constitution mais pas de gouvernement constitutionnel. L’élite au pouvoir continue à s’accrocher à son pouvoir autoritaire». Sa femme, Liu Xia, poète devenue militante, est placée depuis 2010 en résidence surveillée. Elle est privée de presque tout contact avec l’extérieur.
Entre deux peines de prison
Le prix Nobel de la paix fût la consécration du combat mené par Liu Xiaobo. En 1989, après avoir quitté son poste d’enseignant à l’université de Columbia à New York, il rejoint les étudiants du mouvement démocratique de la place Tiananmen, dénonçant la corruption du pouvoir. Il prend part à la grève de la faim et tente d’organiser une évacuation pacifique des manifestants. Mais le mouvement des étudiants sera écrasé le 4 juin quand les soldats du régime communiste donneront l’assaut et ouvriront le feu sur la foule. Un événement que la Chine n’a jamais voulu commémorer officiellement. L’ancien professeur de philosophie passera un an et demi en prison sans jamais avoir été condamné, officiellement pour «incitation au comportement contre-révolutionnaire».
Ses déboires avec les autorités sont loin d’être terminés. En 1996, il est envoyé pour trois ans dans un camp de rééducation «par le travail», après avoir réclamé une réforme politique et la libération des militants de 1989 toujours emprisonnés. Dans les années 2000, le défenseur des droits de l’homme devient l’un des animateurs du «Centre indépendant Pen Chine», un groupement d’écrivains. Si ses écrits sont interdits en Chine continentale, il parvient à les faire diffuser à Hong Kong.