Après le choc, les larmes et la tristesse des familles endeuillées par l’incendie terrible de la tour londonienne Grenfell, l’amertume et la colère s’installent dans la capitale britannique avec la mise en lumière des manquements aux règles de sécurité.
Dans le quartier de la tour incendiée dans l’ouest de Londres, les esprits s’échauffent quatre jours après le drame, alors que le bilan ne cesse de s’alourdir.
L’incendie, survenu dans la nuit de mardi à mercredi dans cette tour de logements sociaux à Londres, a fait au moins 30 morts selon un dernier bilan provisoire, mais il pourrait s’aggraver car des dizaines de personnes sont toujours portées disparues.
La colère continue de monter dans le quartier et surtout dans un pays qui retient son souffle. Car si rien n’est encore confirmé, la police et les pompiers ont évoqué vendredi un bilan qui pourrait être à trois chiffres.
Pendant trois jours, la Première ministre Theresa May ne s’est pas rendue sur les lieux de la catastrophe pour rencontrer les familles des victimes et des disparus, se contentant de rencontrer les pompiers. Sentant le vent du boulet, elle y est finalement retournée vendredi.
En effet, elle a rencontré des blessés à l’hôpital Central de Londres, une rencontre, tenue loin des caméras, qui n’a pas suffi pour calmer la polémique qui s’enfle sur sa réponse face à ce drame et le mécontentement des proches des victimes.
Mais, sa visite a été précédée par celle de la reine Elizabeth II, qui s’est rendue, accompagnée de son petit-fils le prince William, dans le quartier à la rencontre des habitants et des familles des disparus.
La Reine et le duc de Cambridge ont visité le Westway Sports Centre qui a recueilli les résidents de la Grenfell Tower, dévastée par les flammes. Au cours de cette visite, ils sont entretenus à la fois avec les rescapés de la tour incendiée et avec les secouristes.
Toutefois, une foule de manifestants en colère s’est échauffée vendredi après-midi autour de la mairie d’arrondissement de Kensington. Frustrés, exaspérés et ulcérés, les habitants ont forcé l’entrée de la mairie et se sont rués à l’intérieur pour demander des comptes aux cris de « Nous voulons la justice ».
Les habitants de l’immeuble de 24 étages et 120 appartements disent avoir prévenu à maintes reprises contre les dangers et les risques d’incendie potentiels dans leur habitation, mais les avertissements ont été ignorés.
« Nous avons essayé de prévenir Royal Borough of Kensington et Chelsea, propriétaire de l’immeuble et la Kensington and Chelsea Tenant Management Organisation, qui est supposée gérer les logements sociaux », explique le collectif des habitants.
Construite en 1974, la tour a récemment eu droit à une rénovation de 10 millions de livres. Des travaux démarrés en 2014 et achevés en mai 2016. En 2013, des habitants avaient signalés dans une évaluation du risque incendie du bâtiment, que des extincteurs situés dans la chaufferie, les sous-sols, les ascenseurs ou encore au rez-de-chaussée, avaient une date de péremption dépassée d’un an.
Certains professionnels et experts cités par les médias britanniques ont fustigé les consignes de sécurité et d’évacuation recommandées aux habitants. Ces consignes conseillaient aux habitants de quitter leur appartement, si ce dernier était en proie aux flammes mais de rester chez eux, si un feu se déclarait ailleurs dans l’immeuble.
Pour tenter de calmer les esprits, la Première ministre britannique a annoncé la mobilisation d’une enveloppe budgétaire d’environ 5,7 millions d’euros pour les survivants et a promis un relogement pour tous les sinistrés dans les trois semaines.
« Ce qui est arrivé est horrible », a-t-elle dit. « Des gens ont perdu la vie, d’autres ont perdu tout ce qu’ils possédaient », a-t-elle ajouté en promettant que la lumière serait faite sur les causes de l’incendie.
Interrogée sur la BBC, la Première ministre s’est dite « profondément affectée » par les récits « terrifiants » des survivants et a réitéré sa détermination à les aider. Jeudi, Mme May avait exprimé sa tristesse, en annonçant l’ouverture d’une enquête publique sur ce drame.
Ce type d’enquête, présidée par un juge, permet d’auditionner, en public, tous les protagonistes. Elle ne délivre pas de peine mais apporte des recommandations.
« Il y a un risque que nous ne parvenions pas à identifier toutes les victimes », a prévenu le chef de la police londonienne, qui a évoqué un processus pouvant durer « des semaines », voire « des mois » à cause des températures très élevées provoquées par l’incendie.
La cause de l’incendie demeure inconnue pour l’instant, mais le revêtement installé l’an dernier sur la façade du bâtiment est soupçonné d’avoir favorisé la propagation rapide des flammes.
Dans certains pays, ce revêtement est interdit pour les immeubles dépassant 12 mètres de haut. Plusieurs londoniens espèrent que l’enquête publique ordonnée par le gouvernement puisse identifier les causes de la catastrophe.
« Il y a eu un gros problème ici », a dit vendredi le ministre des Communautés, Sajid Javid, ajoutant que des inspections de bâtiments similaires allaient avoir lieu et qu’une attention particulière allait être portée aux revêtements.
Il a aussi affirmé que les habitants de l’immeuble calciné allaient être relogés, alors que les rescapés ont passé leur quatrième nuit dans des structures temporaires. Il s’agit-là d’un autre point d’achoppement et de tensions à Londres car les victimes réclament d’être relogées dans le quartier.
A l’heure actuelle, les dispositifs de prévention contre les incendies ainsi que les consignes de sécurité et d’évacuation en cas d’incendie suscitent une vive polémique aux enjeux politiques.
Toutefois, ce drame, qui intervient après les attentats ayant secoué les londoniens ces derniers mois, a engendré un vaste élan de solidarité qui a permis de récolter plus de 2,8 millions d’euros en faveur des victimes, en plus d’énormes dons de vêtements et de nourriture.