Par Noury Adib
(Grenoble-Paris ) Le trajet entre Grenoble et Paris, en BlablaCar, dure environ sept heures. J’ai choisi ce moyen de transport comme prétexte pour effectuer un long entretien au sujet des élections présidentielles avec trois personnes, différentes de par l’âge, la catégorie sociale et le niveau d’instruction.
Aucun d’entre eux ne savait que les propos que nous allions échanger serviront d’ingrédients pour mijoter un article de presse, même s’ils ont connu de quelle nationalité je suis et le métier que j’exerçais. L’idée de ce blabla politique est en effet originale, me semble-t-il.
Après des discussions générales de circonstance, j’ai finalement réussi à ramener le débat aux élections et aux enjeux qu’elles représentent pour la France. Le propriétaire du véhicule qui nous transportait était très discret au début, mais quand il a constaté l’intérêt que je portais en tant qu’étranger à ces échéances politiques, il a été mis en confiance et s’est librement exprimé.
« Maintenant, les Français ne croient ni à la gauche ni à la droite. Les têtes changes, leur quotidien se détériore.
Ils sont tentés par une nouvelle voie, une alternative. Ils ne la trouvent pas, car elle est inexistence sur la scène politique », déclara ce sexagénaire à seulement deux ans de la retraite.
Chercheur et enseignant de physiologie, le conducteur regrette que Vals soit éliminé lors des primaires du Parti Socialisme. Je ne lui ai pas demandé pourquoi, dans la mesure que l’ancien Premier ministre fait désormais partie du passé et n’a plus d’incidences majeures sur le résultat des Présidentielles 2017.
« Est-ce que le Front National est susceptible d’incarner cette troisième voie ? Lui ai-je demandé tout en sachant pertinemment que c’était une question très gênante : la majorité des Français ont honte de reconnaître un quelconque mérite à un mouvement nationaliste dont les idéologies ont provoqué d’innombrables conflits et drames en Europe. Plus de soixante millions de morts ! Rien que pour la Deuxième guerre mondiale…
« Le Front National commet l’erreur fatale d’appeler à quitter l’Europe, la zone Euro et la fermeture des frontières. On dirait qu’il ne connait rien à l’économie et à la nouvelle réalité engendrée par la mondialisation. C’est un saut dans l’inconnu que seuls les simples d’esprit n’y voient pas le danger…L’Europe doit être forte pour faire face aux USA, à la Chine et à toutes les autres puissances régionales »
Les deux personnes qui étaient aux sièges arrière parlaient des chances de Jean-Luc Mélenchon de passer au second tour. L’étudiant y croyait fermement ; l’autre un quadragénaire, enseignant universitaire dans une faculté parisienne considère le candidat de la France insoumise comme « l’homme providentiel à même de sortir la France de la crise qu’elle traverse, sauf qu’il est antisystème et jamais il ne sera donc au deuxième tour… »
Je saisis la balle au vol et demandai : Qu’est-ce vous entendez par antisystème ? « Il est contre le Grand capital et la Finance. La politique est avant tout une expression de l’économie… On l’accuse déjà d’être un trotskyste ! Regardez Macron, par exemple. Normalement, c’était Fillon le candidat de l’alternance. Quand le « Système » s’était rendu compte que l’ancien ministre de l’ Économie de Hollande leur fera gagner beaucoup d’argent et de temps, ils ont sorti le linge sale de Fillon…
Une conclusion pertinente pour un résultat frustrant pour les quarante-sept millions d’électeurs français. Le combat final du 7 mai prochain opposera la fille de son père, qui peine à maquiller le visage d’un monstre aux dents de Dracula ; et l’enfant de la Finance mondiale qui compresse les effectifs des salariés, délocalise remplace les postes d’emploi par la machine.
À gauche et à droite de l’autoroute menant à la capitale française, une nature luxuriante, des villages et des fermes bien entretenus à force de labeur et de sueur.
C’était un dimanche de retour des vacances de Pâques. La radio dédiée aux autoroutes informait les conducteurs de l’intensité du trafic. Des millions de véhicules en mouvement et seuls deux accidents à déplorer…Quelle discipline ! Quel civisme !
Les politiques ne sont plus à la hauteur des aspirations de la population. Tout le monde le pense, mais ne le dit pas. Parce que l’essentiel est là. Les infrastructures, les transports en commun et les services ; aussi bien dans les petites localités que dans les grandes villes tournent à temps plein, grâce à des personnes connues de leurs seuls électeurs : les maires et les élus locaux.
Alors que ces derniers travaillent nuit et jour pour le bien-être de leurs administrés, Marine Le Pen et Emmanuel Macron aujourd’hui, et d’autres dans le futur, se disputent l’Élysée, les privilèges et les feux de la rampe…En attendant, ils vendent des BlaBlarêves…C’est injuste, mais ça été toujours ainsi. Malheureusement !