Le compte Twitter a diffusé auprès de ses trois millions d’abonnés plusieurs messages et images en lien avec les attentats perpétrés à Charlie Hebdo et porte de Vincennes. On y voit notamment un troupeau de moutons brandissant des pancartes « Je suis Charlie » ou une image bardée du slogan « La liberté d’expression n’est pas mieux que la liberté de religion ».
L’une des images publiées comporte un long texte. Dans ce dernier, les pirates condamnent « toute violence et tout terrorisme, mais (…) aussi les dessins caricatures [sic] de Charlie Hebdo qui se moquent du Prophète ». « Nous vous demandons de respecter les croyances des autres », écrivent les pirates, qui dénoncent « l’hypocrisie » de pays « marchant à Paris pour la dignité humaine et la liberté d’expression alors que leur gouvernement tue, torture et détruit ».
Peu après la publication de ces messages, l’un des comptes Twitter habituels de l’Armée électronique syrienne a revendiqué cette attaque. L’Armée électronique syrienne utilise régulièrement les comptes Twitter qu’elle pirate pour diffuser des messages, mais c’est la première fois qu’elle le fait pour diffuser des messages aussi politiques et aussi ancrés dans l’actualité. Elle se limite en général à des messages accusant les médias de « mentir » sur la réalité du régime de Bachar Al-Assad, ou alors des canulars visant à provoquer la panique — le groupe avait notamment détourné le compte Twitter d’Associated Press pour y « annoncer » un attentat à la Maison Blanche.
Contrairement à d’autres groupes de pirates affirmant « défendre l’islam », l’Armée électronique syrienne ne s’était pas livrée à des attaques critiquant Charlie Hebdo ou visant spécifiquement la France. Dans un autre message, le groupe donne une revendication plus habituelle : « L’Armée électronique syrienne condamne le terrorisme en France, mais Le Monde et le gouvernement français ont soutenu le terrorisme en Syrie. » En 2013, Le Monde avait notamment révélé l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar Al-Assad.
L’alerte a été donnée sur le téléphone d’un journaliste du Monde par un confrère bienveillant, aux environs d’1 heure du matin. Aussitôt, les équipes de Twitter, en France et à San Francisco, sont mises à contribution. Les pirates ont en effet récupéré le mot de passe et révoqué tous les accès : il est impossible de supprimer les messages ou de changer à nouveau le mot de passe. Rapidement, la décision est prise de suspendre temporairement le compte, seul moyen pour les équipes de Twitter et du Monde de recouvrer le contrôle du compte. Peu avant 4 heures, les équipes du Monde.fr sont de nouveaux aux manettes et publient un message d’excuses adressé aux internautes.
Le Monde avait fait l’objet d’une tentative très élaborée d’attaque, dimanche et lundi, que nos équipes étaient parvenues à contrer et à circonscrire. Les pirates avaient accédé à notre outil de publication, sans parvenir à publier d’article. Ils ont également eu accès à certaines boîtes électroniques. Une plainte sera déposée dans les prochaines heures, notamment pour intrusion et maintien frauduleux dans un système informatique.
Le monde