En annonçant le résultats détaillés de l’analyse de la situation macro-économique au Maroc
en 2014 et ses perspectives pour 2015, M. Ahmed Lahlimi Alami, le Haut Commissariat
au Plan (HCP), nous suggère 7 bonnes questions pour un débat prospectif,
calme et serein:
1. L’année 2015 s’annonce sous de bons auspices. La campagne agricole serait l’une des
meilleures qu’ait connu le Maroc, la demande extérieure qui resterait sur sa tendance
haussière, consolidant l’amélioration des activités du secteur non agricole.
Globalement, la croissance économique serait de 4,8% au lieu de 2,6%, en 2014. Le
taux de chômage devrait amorcer son inversion et, avec une faible augmentation de
l’inflation, les ménages amélioreraient leur consommation.
2. Après la mise en œuvre en 2014 de la réforme, longtemps attendue, de la Caisse de
Compensation, la politique budgétaire aurait su mettre les retombés des relations
internationales du Royaume ainsi que l’apport des avoirs des marocains résidant à
l’extérieur pour atténuer les déficits du budget et de la balance des paiements. Cette
vertueuse dynamique devrait se poursuivre en 2015, par la réforme à l’ordre du jour
du système de retraite, pour s’étendre à la réforme des structures administratives, voire
au mode de rémunération des agents de l’Etat, dans la perspective, notamment, de la
régionalisation avancée. Cette dynamique devrait tirer le meilleur profit du contexte
international de baisse des prix du pétrole et des matières premières.
3. Sans bouder notre bonheur pour de telles perspectives, il convient, cependant, de
mesurer les défis qu’affronte notre pays et que peuvent, d’autant plus, porter les
périodes fastes. Les retournements de conjoncture, les incertitudes de la situation
géopolitique internationale, les perspectives probables d’aggravation de la situation
sécuritaire dans la région, devraient nous inciter à sauvegarder notre capacité nationale
de mobilisation pour défendre notre pays et poursuivre les réformes structurelles
nécessaires pour réduire les fragilités de notre modèle économique.
4. Il est impératif, à cet effet, que notre pays redouble de vigilance dans un contexte
d’une baisse continue de l’épargne nationale, pour assurer la soutenabilité des finances
publiques et de l’activité économique.
Il est à rappeler que le coût de gestion de l’Etat n’a cessé de peser sur les finances
publiques. Entre 2010 et 2014, la masse salariale, en particulier, a connu un taux
moyen de progression annuelle de 7% pour représenter plus de 11% du PIB
aujourd’hui, l’un des taux les plus élevés de la région. En 2014, ce serait les recettes
exceptionnelles qui, avec 1,7% du PIB auraient contribué à la baisse du déficit
budgétaire. Par ailleurs, la capacité d’endettement du Trésor atteindrait ses limites. Le
taux d’endettement du Trésor aurait augmenté de 14 points du PIB, entre 2010 et
2014, alors que la seule stabilisation de ce taux impliquerait que le déficit primaire qui
avait atteint une moyenne de 3% du PIB, entre 2010 et 2014, soit ramené à 0,8% du
PIB. Sauf à accepter de recourir, de plus en plus, à une baisse d’investissement
indispensable pour l’avenir de notre croissance.
5. Par ailleurs, parier sur la politique monétaire pour relancer la demande intérieure et la
production serait plutôt problématique. Le taux de croissance du crédit bancaire
n’aurait pas dépassé 3,5% en 2014 au lieu de 3,9% en 2013 et serait resté très loin du
taux de 15% en moyenne annuelle durant la période 2000-2008.
La réduction du taux directeur par la Banque Centrale ne semblerait pas devoir
infléchir, de manière significative, cette tendance. Celle-ci devrait plutôt s’expliquer
par la contraction observée des avoirs en devises en raison de la dépendance de la
liquidité monétaire de ces dernières. Cet ajustement interne et dans notre contexte de
régime de change fixe, est le prix à payer pour conserver le niveau de réserves de
change pour plus de confiance dans l’économie nationale.
Cette tendance est, par ailleurs, confortée par la perception du risque de défaut par les
banques. Il existe une corrélation négative (-0.4) entre le cycle de la croissance non
agricole et l’évolution des créances en souffrance. Le rationnement du crédit par les
banques qui en résulte laisserait présager une faible capacité de manœuvre des
instruments institutionnels de la politique monétaire adoptée par Bank Al-Maghrib.
6. En fait, les fragilités de notre modèle de croissance et de notre cadre
macroéconomique trouvent leur origine dans la faible capacité de notre pays à dégager
l’épargne nécessaire pour créer son financement endogène. Ceci renvoie à la nature de
nos structures économiques qui restent caractérisées par une réallocation des facteurs
de production vers les secteurs des non-échangeables au détriment des échangeables.
7. L’analyse de l’impact de la baisse des prix énergétiques sur les différents agrégats
économiques donne, à cet égard, un éclairage pertinent sur cette question. Nos
simulations de cet impact montrent que cette baisse renforcerait la contribution de la
consommation finale de 2 points à la croissance économique et l’investissement de 0,7
point. En raison de la fuite de 1,6 point des gains apportés par la demande intérieure
vers les importations, la croissance ne serait que d’un demi-point. L’amélioration de la
compétitivité des exportations qui devrait être attendue de la baisse des prix du pétrole
(effet prix) n’aurait pas été optimale, en raison de l’effet de la décompensation (effet
revenus).
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