Par : Elmahdi Benabdeljalil
La mobilisation des Marocains à travers les réseaux sociaux suite aux intempéries dans le sud marocain a pris une belle ampleur, et la générosité de nos concitoyens n’est plus à démontrer, touchés par les nombreux décès qui se comptent par dizaines suites aux inondations.
Mais malheureusement, comme toute bonne chose, celle-ci a pris fin lorsqu’a surgi une cause nettement plus importante et prioritaire, qui a nécessité plus de mobilisation, d’indignation, et même une médiatisation à travers des chaînes télévisées étrangères: je parle bien évidemment du terrain de football de la capitale, et ses problèmes d’incontinence.
Je ne chercherais pas à polémiquer sur la comparaison (pour ma part, cela ne peut se concevoir) entre un sujet qui me tient profondément à cœur depuis deux années, et qui a mobilisé l’énergie de dizaines de bénévoles dans plusieurs régions du pays, l’aide et le soutien aux populations des zones enclavées de notre pays, et celle d’un problème apparemment de gouvernance, de transparence, de gestion de nos deniers, et qui nous a mis à nu devant toute la planète.
Mettre autant d’accent, de véhémence, de gravité pour pousser un haut responsable par la petite porte, et se gargariser et s’auto-congratuler parce qu’il a été mis sur la touche pendant quelques temps, alors qu’en parallèle, des milliers de familles sont encore sinistrées et dans le désarroi total après les inondations du sud marocain, plus de cent mille enfants sont privés d’écoles parce que six cent vingt deux établissements ont été fermés, cela, je n’arrive pas à le concevoir, et ne l’accepte pas.
Comment peut-ont être aussi amnésique, comment peut-on crier au loup pour une histoire d’évacuation des eaux, alors que nous avons la preuve criante que ce sont certainement plusieurs dizaines, voire centaines de personnes à la tête d’établissements publics, privés, de départements ministériels, voire de portefeuilles ministériels qui n’ont jamais été inquiétés, ou tout simplement titillés juste pour calmer les ardeurs de quelques citoyens qui sont fatigués de voir autant d’impunité pour des crimes qui touchent la vie de plusieurs centaines de milliers de leurs concitoyens?
Comment peut-on applaudir lorsqu’un haut responsable est puni pour quelques temps, alors que ce sont la voracité, la triche et la corruption appliquées quotidiennement par plusieurs d’entre nos responsables qui font que plusieurs millions de nos concitoyens (pour ne parler « que » de ceux qui vivent dans les zones enclavées du plus beau pays du monde) vivent dans des conditions horriblement désespérantes?
Comment peut-on croire, se leurrer que ces millions de personnes vont continuer à accepter leur sort, à être fatalistes et passifs, et ne pas revendiquer, ce qui serait particulièrement légitime, leurs droits les plus élémentaires, à savoir l’accès à des services de santé, d’éducation, d’équipement, et des possibilités réelles de travailler, ou de créer leur propre projet?
C’est rassurant et réconfortant de sentir que les problèmes de nos concitoyens sont pris en considération par une partie de la société civile. Je souhaiterais juste que nous prenions du recul par rapport au niveau de notre indignation, et que nous lui donnions un sens.
J’aimerais naïvement croire que les problèmes de nos concitoyens seront érigés en cause nationale, ne serait-ce que parce qu’ils représentent près de 20% de la population de notre pays.
J’aimerais croire que cette première suspension d’un haut responsable du gouvernement soit un signal fort porté à la catégorie de ce que j’appelle vulgairement les politichiens, ceux qui prônent le serment d’hypochrite, et qui servent les intérêts de leurs poches, en oubliant la noblesse du terme qu’ils sont censés représenter.
J’aimerais continuer à croire en l’avenir de mes frères et sœurs des zones enclavées, mais j’ai une grosse boule à l’estomac, provoquée par la plus grande kerrata du monde, un autre record inscrit au guiness du ridicule, un de ces records dont on se gargarise bêtement, en occultant les véritables problématiques de notre société.
Nous ne pouvons être indifférents.
Huffpostmaghreb