Benkirane: « Le déblocage? »

Par Ali Bouzerda

Au Maroc, il y a cette tradition dans nos comportements qui veut qu’on « n’est jamais responsable » des échecs ou des mauvais sorts. « Le train est parti avant mon arrivée », « le verre m’a échappé des mains et tombé par terre », et récemment une nouvelle expression du genre « Benkirane subit un blocage…et du coup, il ne peut pas former son nouveau Cabinet ». Le pauvre! »

Les lecteurs qui ont le temps et la patience de lire La Pravda* proche de Benkirane, se disent « ce bonhomme veut avancer mais on lui met les bâtons dans les roues et on l’empêche d’avancer. »

Mais en fait, qui sont ces « ON »? Ce sont le PAM et son « moteur » le RNI qui seraient « les responsables », selon la version people de M. Hamid Chabat. Ce dernier, meurt d’envie de voir l’Istiqlal retourner aux confortables sièges du pouvoir après l’en avoir « exfiltré » en 2013, à cause de mauvais calculs de politique politicienne.

Bref, Benkirane a réussi faire durer le suspense pendant plus de 70 jours, tantôt en maudissant le chef du PAM, Ilyas El Omari,– devenu son souffre-douleur — tantôt en s’accrochant à des histoires imaginaires de « parole d’homme » pour ne pas dire « délation » pure et simple.

Et comme l’histoire de la participation de l’Istiqlal à la nouvelle coalition est devenue « incontournable » pour Benkirane mais en même temps « une pomme de discorde » avec le leader du RNI, Aziz Akhannouch, il fallait trouver autre chose pour convaincre son interlocuteur « toujours intransigeant » sur la non-participation du parti de Chabat.

Soudain surgit dans les médias, grâce à un tapage sans relâche, « l’image de la femme istiqlalienne » de la défunte mère de Benkirane, et que sans elle, son fils n’aurait jamais emprunté les chemins tortueux et impénétrables de la politique.

Et à force de lire ce que rapportait La Pravda chaque jour que Dieu fait, on se demandait si la famille Benkirane n’était pas, in fine, parmi les signataires du Manifeste de l’indépendance (Istiqlal)? Ou a-t-on raté quelques épisodes de l’Histoire du Maroc du XXème siècle?

Entre temps, le PJD et son leader soufflaient le chaud et le froid, allant jusqu’à suggérer « de nouvelles élections législatives » puisque les consultations avec les partenaires politiques, à l’exception du PPS et l’Istiqlal, ont abouti à l’impasse ou plutôt au « blocage ». Un terme vague qui sème la confusion, mais cher au chef de gouvernement désigné. D’ailleurs, ce dernier entretient tout un lexique de propagande politique et cultive l’image de « la victimisation » du PJD mais ne rate jamais l’occasion de diaboliser ses adversaires et parfois certains partenaires récalcitrants.

+ »Élite partisane castrée… » +

Dans cette ordre d’idées et à titre d’exemple, l’éditorialiste de « La Pravda », qui défend bec et ongles Benkirane et son approche politique (style Frères Musulmans) décrit sans retenue, les interlocuteurs du leader du PJD et qui refusent de dire « amen » à sa vision des hommes et des choses: « une élite partisane castrée qui ne défend pas sa liberté de décision » (Akhbar Alyaoum du 24/25 décembre 2016).

L’éditorialiste, comme ceux du PJD qui lui chuchotent dans l’oreille, parlent encore de la « parenthèse de 2011 » dans une allusion au temps du dit-Printemps Arabe. Ce temps est resté malheureusement figé dans leurs esprits et refusent de voir que les temps ont changé et qu’à la veille de l’entrée en service de l’équipe de Donald Trump à Washington, les barbus de Mossoul, Alep et Boko Haram au Nigeria ont été débarqués en deux temps, trois mouvements. Incroyable, car les évènements se déroulent si rapidement qu’on n’arrive pas à croire nos yeux…

Et pour mettre un terme au cirque de Benkirane, deux conseillers royaux, M. Abdelatif Mennouni et M. Omar Kabbaj se sont entretenus avec le chef du gouvernement désigné, samedi 24 décembre 2016, au siège de la primature à Rabat.

« Au cours de cette entrevue, les conseillers du Souverain ont fait part à M. Benkirane du souci de Sa Majesté le Roi de voir le nouveau gouvernement se former dans les meilleurs délais, » selon les termes de l’agence MAP.

Le ton du message est on ne peut plus clair, Monsieur Benkirane!

Deux solutions s’offrent dans ces conditions à mon humble opinion:

  1. M. Benkirane doit mettre beaucoup d’eau » dans son thé — à défaut de vin –, maîtriser son ego surdimensionné à cause de l’appétit du pouvoir (qui risque de l’étouffer un jour) et trouver « des compromis » avec le RNI, car sans les technocrates du parti de la Colombe et ses riches hommes d’affaires auxquelles se sont joints ceux de l’UC, on ne peut s’attendre à un Cabinet qui puisse sortir le Maroc du marasme économique et financier et répondre à l’agenda économique africain que le Monarque a déjà initié.
  2. Soit avouer publiquement, en tant que chef de gouvernement désigné, son échec à former une nouvelle coalition confortable et homogène, si toutefois le prochain round de consultations avec Akhannouch n’aboutissait pas à une solution afin de sortir de l’impasse.

Par ailleurs, il n’échappe à personne que bientôt 100 jours que le Maroc tourne sans Benkirane et ses frérots …

*** Akhbar Alyaoum rappelle par ses éditos et ses couvertures des activités PJD en quelque sorte La Pravda (Vérité) à l’époque des Soviets à Moscou.

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