Libre cours

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Par : Naim KAMAL

Un ministre d’Etat, éminence grise du chef du gouvernement, personnage qui a savamment et patiemment cultivé une réputation de dis­crétion et d’efficacité pondératrice, un homme de cette dimension, Abdallah Baha en l’occur­rence, qui décède à la tombée de la nuit écrasé par un train, c’est forcément un évènement, un grand évènement de par la position de la victime et de par les circonstances tragiques de sa mort. C’est triste à dire, mais c’est une aubaine pour la presse et les comméragistes, profes­sionnels et amateurs. Un mois après la mort aussi tragique du député socialiste Ahmed Zaidi, au même endroit, un dimanche aussi, il n’y a rien à redire, fin 2014 a été une bonne moisson pour les médias.

La presse ne s’est pas faite prier. Elle a rivalisé de huit colonnes à la Une avec des titres plus inventifs les uns que les autres. « Les

détails complets [parce que « détails» seuls ne suffisent pas], les détails donc complets de l’accident dans lequel est décédé Abdallah Baha ». «Le récit com­plet de la catastrophe». Ce ne sont que deux échantillons et le reste à l’ave­nant. Les éditorialistes se sont trans­formés en pleureuses professionnelles avec cette propension dérisoire à réduire la célébration du mort en un faire-valoir de leur propre personne.

Quoi de mieux pour se vanter d’avoir connu de près le défunt que de ressortir le souvenir d’un diner autour d’une table à l’occasion d’autres funérailles, ou le partage d’un trajet en

voiture, rapportant l’échange Ô combien pro­fond qui a eu lieu entre le ministre faiseur de l’histoire et le journaliste témoin de son temps

Dans le genre,la mention excellent revient au ministre de Tourisme Lahcen Haddad qui a tweeté aux journalistes qui seraient intéressés par une déclaration sur Abdallah Baha, de le contacter.

Et puis il yale reste. La rumeur. Un ça va ; deux, bonjour les dégâts. Une paire d’hommes poli­tiques en vue en l’espace d’un mois, au même endroit, n’est-ce . pas trop pour le hasard? Comme en football chaque spectateurdevient à lui seul sélectionneur et entraineur, devant pareille situation chaque citoyen se découvre l’âme d’un fin limier et d’un agent de la police scientifique à la fois. Les fatalistes, au moins eux s’en remettent à la volonté du ciel. Les superstitieux disent un malheur n’ar­rive jamais seul, et dans cette logique les poli­tiques doivent croiser les doigts. Ne dit-on pas jamais deux sans trois?

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