Dans une drôle de sortie médiatique, le célèbre cinéaste marocain, Nabil Lahlou s’en prend à la classe politique, notamment les promoteurs de la langue française au détriment de la culture arabe, sans toutefois épargner au passage ni le mouvement berbériste et moins encore le Makhzen.
Dans une lettre ouverte, dont une copie a été adressée à notre site: Article19.ma, en bon francisant, Nabil Lahlou s’adresse aux « chef et membres du gouvernement de demain » dans des termes peu élogieux.
Extraits de cette diatribe qui intervient à la veille de la formation du nouveau Cabinet Benkirane:
Selon Nabil Lahlou: « La plupart des présidents et secrétaires généraux des partis politiques – qu’ils soient « nationalistes », « progressistes », « religieux » ou « adminstratifs-makhzéniens » – ont émis des doutes quant aux résultats des élections législatives du 7 octobre 2016 parce qu’ils n’ont pas décelé dans le nombre de sièges que leurs partis ont emportés quelque chose qui laisse présager qu’ils gagneront dans la structure du nouveau gouvernement des postes ministériels de poids et rentables et d’obtenir une part importante du gâteau makhzénien qui trouve ses origines dans le butin. »
Et de poursuivre: « Ce butin dont le partage remonte aux premiers mois de l’indépendance du Maroc et la formation de son premier gouvernement marocain indépendant, un gouvernement qui a été combattu par les serviteurs du colonialisme et les traitres lesquels ont barré la route du progrès au Maroc et ont combattu sa langue et son identité pour qu’il n’échappe pas à la loyauté envers la France colonialiste et impérialiste. »
« Et en acceptant le partage du butin entre les riches et les fortunés parmi les dirigeants des partis nationalistes qui ont lutté contre le colonialisme, milité pour l’indépendance et le retour à son trône du Sultan Mohammed ben Youssef, et les serviteurs du colonialisme, les traitres et les criminels ont sorti le Maroc du combat contre la pauvreté et l’ignorance pour entrer dans le monde de la corruption politique et économique, qui reste encore vivace à ce jour, 60 ans après ce qu’on a appelé l’indépendance », dit-il.
Lahlou se demande: « Est-ce que réellement nous sommes un pays indépendant au vrai sens du terme? »
« Depuis le premier gouvernement marocain en 1956 à ce jour, alors qu’un seul mois nous sépare de 2017, le partage du gâteau se poursuit encore entre les partis subordonnés aux Makhzen qui ne voudrait pas voir un seul parti échapper à sa domination et à sa servitude, » affirme-t-il.
« Tout le monde sait ce qui arrive comme malheur… à tous ceux qui osent affronter le Makhzen, » prétend-t-il, avant d’aborder la question de la langue française. Selon Lahlou, « aucun gouvernement » marocain n’a pu rendre les marocains fiers de leur identité et de leur langue.
« Oui, aucun gouvernement n’a pu combattre la francisation des yeux, des cerveaux et des oreilles du citoyen marocain, le laissant se couper encore davantage de sa langue et de son identité. Je n’ai jamais entendu un seul parlementaire s’interrogeant : où est notre identité comme marocains et où est notre langue nationale arabe comme marocains? » se demande-t-il.
« A ce jour, aucun n’a osé posé cette question relative à la souveraineté de la langue de la nation car tout le monde craint le réveil du tsunami amazigh qui pourra emporter à jamais la souveraineté de la langue nationale et l’unité de la nation », note-t-il.
+ Le complexe de la langue française+
Et d’ajouter: « Dans le contexte de ce complot linguistique, la langue française demeure appréciée et chérie par les marocains qui sont convaincus et persuadés que la langue arabe n’est autre que la langue du colonisateur venu du Golfe arabique pour coloniser et s’emparer du pays des berbères en détruisant sa langue et sa civilisation. La même langue, c’est à dire la langue française, est détestée par les marocains qui ne l’ont pas étudiée et par conséquent la considèrent comme la langue du colonisateur et du parti de la France, alors qu’elle est en réalité la langue de la pensée en toute liberté, de l’audace et l’ouverture au point que les marocains, quelles que soient leurs situations matérielles, cherchent par tous les moyens à inscrire leurs enfants dans les écoles relevant de la mission française. »
Comment pourront-ils ne pas le faire lorsqu’ils lisent sur une affiche publicitaire : « J’ai trouvé un emploi parce que j’ai appris la langue française et je la parle couramment »…
Dans le même ordre d’idées, Lahlou considère que: « Nous devrons libérer notre langue arabe de tous les tabous et interdits pour que les marocains aiment leur langue l’arabe et en soient fiers de sa beauté poétique et philosophique qui fait élever l’esprit à un niveau supérieur au profit de l’intelligence de l’homme marocain et l’illumination de sa pensée et pour se libérer de manière rationnelle du complexe de la langue française, la langue de la raison et de la pensée, alors que ceux qui ont gouverné le Maroc depuis 1956 à ce jour ont pour la plupart inscrit leurs enfants dans les écoles d’enseignement français pour en faire des élites prêtes à diriger le pays et ses habitants. Car la langue arabe, de leur point de vue comme francisés, reste uniquement la langue de la religion et du Coran et ne peut, selon eux, faire progresser et prospérer le Maroc. »
In fine, Lahlou s’adresse à Benkirane en ces termes:
« Et de terminer Vous, qui allez former le gouvernement de demain, vous devez vous défaire du complexe de la langue française et militer pour un Maroc ayant son identité et sa langue, car l’unité du pays est liée à sa langue nationale et non pas à ses dialectes locaux. Vous devez surprendre les marocains que le Maroc de 2017 est entré dans une nouvelle ère laquelle n’a plus rien à voir avec le Maroc de 1956-2016. »