Les changements climatiques réduiraient les rendements et les superficies des principales cultures dans les pays vulnérables aux changements climatiques, a affirmé Riad Balaghi, chef du Centre régional de la recherche agronomique de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA-Meknès).
« Au Maroc, l’agriculture est très vulnérable aux changements climatiques, en raison de la faiblesse des précipitations et de l’incapacité naturelle du pays à irriguer de grandes superficies agricoles », a relevé M. Balaghi dans une interview à MAP, précisant que le dérèglement climatique exacerberait la dégradation des ressources naturelles vitales au secteur agricole, essentiellement l’eau, les sols et l’agro-biodiversité.
Dans ce sens, il a mis l’accent sur l’impact négatif que les sécheresses passées ont eu sur les productions agricoles et sur le niveau de vie de la population, notamment en milieu rural.
Selon des études d’impact des changements climatiques sur l’agriculture, réalisées par l’INRA en collaboration avec la Direction de la Météorologie nationale, le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime et l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV), le dérèglement climatique pourrait conduire à une diminution de la pluviométrie et une hausse des températures dans toutes les zones agricoles du Maroc vers la fin du siècle.
En effet, les scénarios RCP4.5 et RCP8.5 du Groupe Intergouvernemental sur l’évolution climatique (GIEC) font ressortir des baisses respectives de 17 et 20% des précipitations vers la période 2040-2069, tandis que les températures maximales augmenteraient de 1,9° (+8%) et 3,4° (+14%) vers la même période, respectivement pour les deux scénarios, a indiqué l’expert, ajoutant que les températures minimales afficheraient, quant à elles, d’importantes hausses, de 2,1° (+18%) et 3,2° (+27%) vers 2040-2069.
M. Balaghi a, par ailleurs, mis l’accent sur le rôle important que peut jouer l’agriculture dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), notant que « l’évaluation du bilan carbone du Plan Maroc Vert (PMV) a été réalisée dans une étude élaborée par l’Agence pour le Développement Agricole (ADA), débouchant sur une évaluation d’un potentiel énorme de séquestration de GES par le PMV, de 62 millions de tonnes équivalent CO2 ».
L’agriculture, sans compter les zones pastorales, peut ainsi contribuer à l’atténuation des changements climatiques, tout en assurant la sécurité alimentaire et l’amélioration des conditions de vie en milieu rural, a-t-il souligné.
Dans le cadre de l’Accord de Paris, le Maroc s’engage à réduire ses émissions de GES de 42% en 2030, par rapport à un scénario dit « cours normal des affaires », a rappelé M. Balaghi, estimant que « cet engagement ne sera atteint que si le Maroc accède à de nouvelles sources de financement, aux technologies vertes et bénéficie de renforcement de capacités ». Une proportion de 17% des réductions de GES sera financée par le budget domestique, alors que le reste sera pris en charge par la finance climat, a-t-il ajouté.
S’agissant de l’atténuation de GES, elle sera réalisée grâce à des mesures prises dans tous les secteurs de l’économie, selon l’expert, qui a indiqué que la Stratégie nationale de développement durable coordonnera les objectifs d’atténuation de toutes les stratégies et tous les plans d’action sectoriels, dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture, du transport, de l’eau, des déchets, des forêts, de l’industrie, de l’habitat et des infrastructures.
Il a également relevé que l’agriculture contribuerait de 9,7% à cet effort national sur la période 2020-2030, à travers un large portefeuille de projets, dont la plupart sont déjà en cours ou seront mis en œuvre à partir de 2020.
Ces projets concernent les programmes de l’oléiculture, d’arboriculture fruitière et d’arbustes fruitiers, de plantation d’agrumes, de cactus, de palmier dattier et d’arganier cultivé, ainsi que de développement des zones pastorales.
M. Balaghi a, par ailleurs, affirmé que les besoins en matière d’adaptation aux changements climatiques auront des implications budgétaires très importantes pour le Maroc, dans tous les secteurs économiques, notant que sur la période 2005-2010, le Maroc a consacré 64% de ses dépenses climatiques à l’adaptation, notamment dans le secteur de l’eau.
« La part colossale du budget national d’investissement dédié à l’adaptation prouve l’envergure des défis pour la société marocaine. Le Maroc prévoit qu’au minimum 15% de ses budgets d’investissement soient dédiés à l’adaptation aux changements climatiques », a précisé l’expert.
Dans ce cadre, le chercheur a noté que le « semis direct » permet une agriculture dite « intelligente » (appelée aussi Agriculture climato-intelligente -ACI-), contribuant à réduire l’émission des GES, tout en améliorant la production agricole en conditions climatiques sèches.
Cette technologie est mise en œuvre chez les petits agriculteurs des différentes régions du Royaume, dans le cadre du PMV, a-t-il ajouté.
« Une subvention de 50% (avec un plafond de 90.000 dirhams) est accordée par l’Etat pour l’acquisition de ce type de semoir par les agriculteurs », a souligné M. Balaghi, faisant remarquer qu’à terme, il est attendu qu’une industrie locale se développe pour la fabrication de semoirs nationaux, adaptés aux conditions locales et à prix abordables.
Lancée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans les négociations climatiques lors de la préparation de la COP15 à Copenhague, l’ACI est un concept qui permet d’atteindre trois objectifs, à savoir l’augmentation durable de la productivité et des revenus agricoles (sécurité alimentaire), l’adaptation et le renforcement de la résilience face aux impacts des changements climatiques (adaptation) et la réduction et/ou la suppression des émissions de GES (l’atténuation). La vision du Maroc en matière d’adaptation se décline en plusieurs objectifs sectoriels chiffrés pour les horizons 2020 et 2030.
Bien que le Maroc investisse déjà massivement dans l’adaptation, l’atteinte de ces objectifs ne sera possible qu’avec un appui important de la communauté internationale et des bailleurs de fonds.
La résilience face au changement climatique est ainsi inscrite dans la majorité des stratégies, des plans d’action, programmes et initiatives, qui mettent en œuvre de nombreux projets pour l’amélioration de l’adaptation au changement climatique, selon l’expert.
De plus, le Maroc est engagé dans une démarche pour l’élaboration de son Plan National d’Adaptation (PNA) et plus globalement de sa Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) en phase avec la Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable, pour améliorer son cadre de résilience au changement climatique.
Article19.ma/MAP