J’ai reçu un coup de fil d’un collègue à Paris, d’abord à titre amical et puis pour des raisons professionnelles. Il voulait savoir ce qui se passe sur la scène politique marocaine, d’autant que l’ami parisien avait été correspondant au Maroc, pendant plusieurs années.
De fil en aiguille, il voulait une description objective de l’atmosphère de la campagne électorale et les pronostics quant au parti qui pourrait arriver en tête à l’issue du scrutin du 7 octobre ?
J’ai réfléchi un moment, puis je lui ai répondu en toute sincérité : « En bref, je répondrai à la deuxième partie de ta question, en t’affirmant que même le fameux ministère de l’Intérieur ne sait pas qui sortira vainqueur le 7 octobre ? «
Il a ri puis il a dit : » et quant à la première partie de ma question ? «
J’ai ressenti une certaine gêne avant de poursuivre ma conversation, car il n’est nul besoin de tourner autour du pot surtout que le monde est devenu un petit village à l’ère de l’Internet.
« Pour résumer, je centrerai mon propos sur un phénomène devenu dominant comme c’est le cas en Amérique à l’approche des élections présidentielles de novembre prochain… ». Il m’interrompa brusquement : « mais quel rapport a les Etats Unis avec les élections législatives au Maroc, bien que certains hommes politiques à Washington éprouvent encore de la sympathie envers Benkirane et sa lampe magique ? «
« C’est ça la question de fond, mon ami !», lui ai-je répondu, avant de poursuivre : « nous vivons depuis un certain temps à la merci d’une campagne de pur populisme comme celle menée par le candidat républicain Donald Trump mais à la sauce islamiste faite d’ingrédients religieux, de voyance, de démagogie… »
Là, j’ai senti qu’il n’a pas bien saisi ce que je voulais dire et j’ai poursuivi mes propos en décrivant les points de ressemblances entre les deux hommes malgré la différence des lieux, du temps, de leurs positions politiques et de leurs objectifs annoncés et secrets…
« Voilà, je t’explique l’ami, » lui dis-je:
-Il est de notoriété publique que Benkirane et Trump se distinguent par leur forte corpulence et qu’ils aiment les habits officiels dans la plupart du temps c’est à dire le costume-cravate pour envoyer cette image qui symbolise « la responsabilité » et donne un caractère de « crédibilité » et de « sérieux » comme ils le disent devant tout le monde.
-Les deux hommes ont des caractères empreints de Assabiya (nervosité), non pas au sens Khaldounien du terme mais au sens démagogique, souvent artificiel et en recourant aux gestes des mains, du visage etc…comme ils utilisent aussi un vocabulaire « vulgaire » pour qu’il soit véhiculé par le petit peuple et in fine anéantir les adversaires.
Pour illustration : Trump n’a pas hésité à insulter la Miss monde de 1996 Alicia Machado et à la qualifier de Miss Piggy (miss cochonne) en raison de sa prise de poids, comme l’a fait Benkirane, le chef du gouvernement marocain, lors de sa mémorable colère devant les représentants de la nation, quand il a dit à une députée du parti de l’opposition PAM, sans décence aucune et d’une manière vulgaire : « le notre est plus grand que le votre », avant de se rétracter et expliquer qu’il parlait de son parti. Bref, tout comme il a dit à une autre députée du même parti, et qui devra être prochainement nommée ambassadeur à Stockholm : « Voilà, vous allez partir en Suède…vous allez voir comment les carottes sont douces là-bas… »
– Trump méprise les femmes et ne le cache pas lors de ses sorties médiatiques au point qu’il a dit de son adversaire Hillary Clinton qu’elle n’a pas la capacité suffisante (the stamina) pour supporter la charge et la responsabilité de présider l’Amérique. Pourquoi ? Parce que c’est une femme tout simplement.
M. Benkirane lorsqu’il a voulu former son premier gouvernement il ne s’est pas donné la peine de poursuivre les négociations en faveur des femmes et s’est contenté d’une seule femme de son parti sur plus de 30 ministres-hommes. Il a justifié cette approche par le refus « des autres » de proposer des candidates de leur parti. Puis dans une célèbre sortie médiatique il a comparé la femme à « un lustre » utile au foyer. La femme doit s’occuper de l’éducation des enfants et de son mari seulement, dit-il mais il ne cache pas son éblouissement devant « la beauté » des femmes modernes qui parviennent à accéder au monde des arts, de la musique et des médias. Parfois il use de l’humour noir pour apaiser l’atmosphère en leur présence, bien évidemment…
Trump a pendant plusieurs années, prétendu que l’adversaire démocrate aux origines africaines, Barack Obama, n’était pas un natif des Etats Unis. Et au cours des dernières semaines de la campagne électorale alors qu’il a découvert que les sondages étaient largement favorables à Mme Clinton il a changé sa tactique et a fini par affirmer qu’Obama était effectivement né en Amérique, puis il a commencé à quémander les voix des afro-américains (qu’il hait dans son fort intérieur). Il n’a pas hésité et à prendre part à la messe dans leurs églises pour gagner leurs voix …
De son côté, Benkirane développe plusieurs thèses concernant les questions religieuses : la première en public dans laquelle il dit que le Maroc est un Etat de la Commanderie des croyants, du juste milieu et de la modération … et la deuxième devant ses partisans dans laquelle il soutient que « la référence » intellectuelle et religieuse du PJD se limite à la sagesse du Cheikh Ibn Taymiya (théoricien de l’islam rigoriste) et puis quelques semaines après il accuse ses adversaires, particulièrement les modernistes parmi eux, de vouloir porter atteinte aux convictions religieuses du parti de la lampe…
Mais le plus important dans ce débat politique est que Benkirane ne nous a pas encore dit pourquoi il a évoqué, en long et en large, Ibn Taymiya et ses «fatwas rétrogrades du 13 ème siècle» relatives au martyre, à l’emprisonnement, à l’exile devant ses partisans à Agadir en juillet dernier ?
De même, M. Benkirane ne nous a pas expliqué la présence du représentant officiel du Hamas palestinien au meeting du PJD à l’occasion de la campagne électorale au Maroc ? Les élections nous semble-t-il, une affaire marocco-marocaine… Mister Benkirane, quel en est le message politique en fait et qui en est le destinataire alors ?
– Trump est un homme d’affaires et un homme politique qui peut dire une chose et son contraire le lendemain sans état d’âme tout comme M. Benkirane.
Trump a été satisfait du travail du modérateur de NBC, Lester Holt, qui animait le débat médiatique face à Mme Clinton, mais le lendemain il a déclaré à Fox news que l’animateur de cette émission, suivie par plus de 80 millions de téléspectateurs, a pris le parti de la candidate démocrate. Les spécialistes « Fact Checkers » ont fait leurs investigations à ce sujet et ont découvert que l’animateur de cette grande émission politique est un électeur républicain et qu’il n’a aucune relation ni avec la gauche ni avec les démocrates comme l’a prétendu le républicain Donald Trump.
Le leader du parti de la lampe au Maroc, lui a affirmé, récemment, qu’« il n’entrera pas au gouvernement et ne s’alliera pas » à son ennemi juré le Parti authenticité et modernité (PAM) dans le cas où ce dernier emporterait les élections du 7 octobre, mais il a vite fait de préciser que cette décision est celle de « valeur d’aujourd’hui », autrement dit, comme l’affirmaient jadis les arabes : « demain, il fera un autre jour les enfants … ».
Avant de poursuivre mes explications, la communication téléphonique a été coupée. J’ai essayé en vain de recontacter mon ami français mais une voix féminine de Maroc Telecom m’a répondu : « Votre correspondant n’est pas joignable pour le moment … »