C’est un bien triste rapport que vient de communiquer la Fondation Ytto pour l’hébergement et la réhabilitation des femmes victimes de la violence dans le cadre de sa caravane sociale intitulée «Zainaba 2014». Organisée du 19 au 31 août dernier en collaboration avec l’Unicef Maroc, L’ONU-Femmes et l’ambassade de Finlande au Maroc, cette caravane a ciblé 5 douars dans la région de Midelt en raison de son taux très élevé de mariages de mineures.
On apprend donc, malheureusement sans surprise, que 83% des femmes des douars ciblés par la caravane se sont mariées avant l’âge de 18 ans, notant que 91% des mariages sont coutumiers et non authentifiés. Ce qui signifie que l’épouse n’aura pas droit à sa pension en cas de divorce, ni à l’héritage en cas de décès du conjoint. Aussi, ses enfants ne seront-ils pas considérés comme légitimes, de même qu’ils seront privés de leur droit à la scolarisation du fait qu’ils ne sont pas enregistrés auprès de l’état civil, a expliqué, Najat Ikhich, la présidente de la commission juridique de la caravane.
Mais ce ne sont pas les seules contraintes de ce type d’union. En effet, on ne le répètera jamais assez, le mariage des mineures constitue une véritable aberration. D’un point de vue physique, la commission médicale de la caravane a révélé que la majorité des femmes et des filles interrogées présente des symptômes de pathologies articulaires en raison de l’effort physique déployé lors des travaux dans les champs. Pire, d’autres affections d’ordre gynécologiques ont été également constatées chez ces femmes en raison de leur mariage à un âge précoce.
En effet, le rapport souligne également que ces jeunes filles, parfois âgées de 12, 13 ou 14 ans seulement, tombent enceintes dès leur puberté, tandis que d’autres souffrent de violences sexuelles. Pourtant, le nouveau Code de la famille est clair et son article 19 stipule que «la capacité matrimoniale s’acquiert, pour le garçon et la fille jouissant de leurs facultés mentales, à dix-huit ans grégoriens révolus».
Une bonne chose si l’article suivant ne venait pas tout remettre en question. En effet, l’article 20 mentionne que «le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l’âge de 18 ans, par décision motivée précisant l’intérêt et les motifs justifiant ce mariage. Il aura entendu, au préalable, les parents du mineur ou son représentant légal. De même, il aura fait procéder à une expertise médicale ou à une enquête sociale». Une aubaine pour les amateurs de pots-de-vin ou les parents qui souhaitent marier leur fille le plus rapidement possible. En effet, bien que les deux époux doivent être consentants lors de leur union, il est rare que ceux-ci, les filles en particulier, contestent la décision de leurs parents à une époque où perdurent encore les mariages arrangés.
Le mariage des mineures en hausse
Les statistiques publiées récemment indiquent que le taux de mariage des mineures était passé de 7,75% en 2004 à 11,47% en 2013, notant que l’année 2011 a connu la plus grande proportion de ce type de mariages avec un taux de 11,99% du total des actes de mariages conclus au cours de cette année. En détail, 35.152 cas avaient donc été enregistrés en 2013 contre seulement 18.341 en 2004. Pour sa part, la ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, Bassima Hakkaoui, indiquait dans une étude sur le «changement dans les concepts et les pratiques des citoyens après cinq ans de l’application du Code de la famille» que le mariage des mineures représentait environ 10% du total des actes de mariage.
Article19.ma/Le matin