‘ Il ne faut pas avoir peur de la laïceté ‘

Par Mounir Bensalah, coordinateur national du Mouvement Anfass démocratique
bensalahMaroc Hebdo: le Mouvement An­fass démocratique, dont vous êtes le coordinateur national, vient de relancer le débat sur la laïcité au travers d’un manifeste, le 5 no­vembre2014, appelant à l’adop­tion de valeurs s’appuyant sur la raison moderne dans la Constitu­tion. Croyez-vous cela réellement possible?

Mounir Bensalah: Cela fait très longtemps que l’on discute de la question au sein d’Anfass. Nous pensons qu’il faut qu’elle soit sou­mise au débat public.Maintenant, l’essentiel’ pour nous est d’ouvrir le débat dans la so­ciété. Les gens doivent se l’appro­prier. L’expression »laïcité » est diabolisée de façon quasiment sys­tématique.Nous disposons de propositions concrètes pour ce faire. Nous avons soumis à discussion une liste de points.

Par exemple, l’enseignement de la religion à l’école. A notre sens, l’État ne devrait plus puiser sa légi­timité dans la religion. Nous pro­posons également que la liberté de culte soit reconnue de façon explicite dans la Constitution et que la citoyenneté soit à la base des rapports régissant individus et groupes.

Un sondage en 2013 du think tank américain Pew Research Center avait fait ressortir que 83% des Marocains étaient pour l’appli­cation de la charia. Partant, la société ne pourrait-elle pas être réfractaire au débat que vous sou­haitez initier?

Mounir Bensalah: Nous ne for­mons pas nécessairement une mi­norité. Beaucoup de Marocains se prononcent en faveur de la défense des droits humains.

Le fait que la laïcité soit, comme je l’ai dit, systématiquement dia­bolisée a eu un impact certain sur les perceptions. C’est pour cela que nous souhaitons que les gens s’approprient le débat. Il ne faut pas avoir peur de la laïcité.

Un débat comme celui ayant trait à l’abolition de la peine de mort était considéré comme une cause perdue à ses débuts. Et pourtant, on constate qu’aujourd’hui les abo­litionnistes ont gagné du terrain.

la Constitution de 2011, dans son article 175, insiste qu’aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion musulmane. y voyez-vous un obs­tacle à l’avènement de la laïcité? 

Mounir Bensalah :Pas forcément. Rien n’empêche de revoir les dispositions de la Constitution.

Dans les faits, les lois adoptées au Maroc sont des lois dites positives. Elles ne proviennent pas de la reli­gion. Que ce soit également le cas dans le texte constitutionnel n’est pas une fantaisie .