« La stratégie de lutte contre le terrorisme semble être le but de la création de l’Institut Mohammed VI de formation des imams, » titre Foreign Policy dans une récente analyse, signée: Ilan Berman.
Foreign Policy est un magazine américain bimestriel créé en 1970 par Samuel P. Huntington. Il était publié jusqu’à fin 2009 par la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale à Washington, D.C. Racheté ensuite par The Washington Post Company fin septembre 2009. Les éditions en ligne de Foreign Policy dépendent de The Washington Post Company au travers de sa filiale The Slate Group.
Analyse:
« A première vue Madinat Al Irfane (à Rabat) ne semble pas comme un lieu idéal pour la promotion d’une guerre idéologique contre toute forme de radicalisme religieux qui aboutit généralement au terrorisme, » ainsi débute cette approche américaine.
Cachée derrière la banlieue chic de la classe moyenne et les immeubles récemment construites, se trouve un bâtiment d’une très haute importance : un campus universitaire qui abrite la première académie de formation religieuse du royaume du Maroc, connu sous le nom de ‘Institut Mohammed VI de formation des Imams prédicateurs et des prédicatrices.’
Inauguré en Mars 2015, l’institut est considéré comme l’école de professionnalisation centrale de l’éducation religieuse au Maroc, englobant aussi des programmes de formation déjà assuré ailleurs.
L’Institut représente une source d’idées et de perceptions qui visent à compléter les efforts au niveau de la lutte contre le terrorisme, que le Maroc mène depuis un bon bout de temps.
+Causes et effets…+
La stratégie contemporaine de lutte contre le terrorisme, qu’adopte le royaume du Maroc actuellement remonte au printemps 2003. Au mois de mai de cette année, Casablanca a connu une série d’attentats synchronisés, durant lesquelles 14 terroristes se sont fait explosés sur quatre sites de la ville. Bilan : 45 morts et au moins une douzaine de personnes ont été blessées dans ces attentats.
Pour le royaume, ces actes terroristes lui ont servi d’avertissement du danger imminent qui le menace. Ces attentats ont été la preuve concrète que, contrairement à ce que prétendait l’élite marocaine, le Maroc n’était pas à l’abri du danger du radicalisme qui guette l’Afrique du nord et le Moyen-Orient.
Suite au drame du 16 mai 2003, la réaction du Maroc était rapide et décisive. Un an plus tard la loi de la famille communément appelé la ‘Moudawana’ connait plusieurs changements, repositionant la femme dans la société au niveau social, économique, et même religieux.
Début 2006, le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques lance le premier programme de formation pour des prédicatrices appelées ‘Morchidates’ (Prédicatrices).
Aujourd’hui, le Maroc compte quelques centaines de ‘Morchidates’, qui comme leurs homologues masculins, ont pour but de fournir des conseils en ce qui concerne la chose religieuse et aider à interpréter les textes religieux (Sauf qu’elles ne peuvent pas diriger la prière contrairement au prédicateur de sexe masculin).
En même temps, le roi Mohammed VI a aussi donné une grande importance sur la manière dont religion est enseignée, expliquée, et délivrée aux citoyens.
C’est dans cette vision que le Ministère des Habous en collaboration avec la Rabita Mohammedia des Oulémas, a créé des bandes dessinés et des jeux pour les petits enfants. Il a en outre procédé à la restructuration du système éducatif marocain afin de promouvoir un Islam tolèrant et contre rfaire face à toute conception radicale de la religion.
+Le prime time…+
Avec l’inauguration de l’Institut Mohammed VI de formation des Imams prédicateurs et des prédicatrices, la stratégie marocaine de lutte contre le terrorisme, réunissant l’émancipation de la femme, professionnalisation religieuse et enseignement tolérant, franchie une nouvelle phase.
Malgré que la majeure partie des bénéficiaires de cette formation sont des marocains, cette dernière visait à priori l’international. D’ailleurs l’Institut comprend des individus de 6 différents pays : Mali, Guinée, Cote d’Ivoire, Nigeria, Tchad et la France. La communauté étrangère de l’Institut grandit de jour en jour, en effet durant la dernière visite du Roi à la Russie, des accords ont été ratifiés entre les deux pays, afin de faire bénéficier des Imams russes, de la formation qu’offre l’Institut Mohammed VI. Le Sénégal a aussi montré le même intérêt.
Pour le moment, l’Institut peut accueillir jusqu’à 1000 étudiants. 250 étudiants sont acceptés annuellement (150 hommes et 100 femmes). Le programme d’étude pour les étudiants marocains est d’un an, pour les étudiants des autres pays africains, le programme s’étale sur 2 ans, et pour les Français il s’étale sur 3 ans.
La sélection des étudiants varie d’un pays à un autre. Dans quelques cas, comme pour la Tunisie, c’est le Ministère concerné qui se charge de cette sélection. Cependant dans d’autres pays, en Nigéria par exemple, ce sont des institutions quasi-privées, tel que l’Association National des Oulémas, qui se charge de la sélection. Une fois acceptés, les étudiants sont complètement pris en charge par le gouvernement marocain.
Alors que dans d’autres instituts de formation religieuse, on se concentre exclusivement sur les études coraniques, l’Institut Mohammed 6 diversifie les matières enseignées (qui sont au nombre de 30) qui se divisent en 2 parties : La religion et les sciences humaines. Ainsi les étudiants suivent un enseignement religieux complété par d’autres cours, tels que : La géographie, l’histoire, la psychologie, les philosophies et le droit de l’homme.
Malgré que le projet ait atteint des résultats prometteurs, la direction admet que c’est plutôt un projet pilote, car seul une classe d’à peu près 100 Imams a gradué depuis l’ouverture officielle de l’Institut. Néanmoins, les administrateurs et les responsables sont convaincus que l’Institut Mohammed 6 jouera « un rôle important dans la lutte contre le terrorisme » et contribuera dans l’interprétation correcte de l’Islam.
D’ailleurs ils ont raison de croire ainsi, car rien de mieux qu’un réseau pour contrer un autre réseau. En effet la technique de l’Institut consiste à former des leaders religieux dispersés un peu partout dans le monde, qui peuvent se consulter les uns les autres tout en partageant et diffusant leur savoir religieux localement.
Alors qu’auparavant le Maroc s’est considéré comme immunisé des problèmes politiques radicales dont souffre le Moyen Orient, le royaume se transforme, à présent, progressivement pour prendre le rôle du modèle intellectuel qui veut et peut contrer le Salafisme et le Jihadisme. Selon un responsable religieux marocain le Maroc « se voit comme un leader naturel » dans un combat d’idées qui prennent place dans la société arabe, grâce à sa crédibilité religieuse et à son éducation tolérante.
Traduction: Aya Alkhiyari
Article19.ma