Par El Arbi El Harti
La guerre déclarée par François Hollande contre l’«armée terroriste» entraine avec elle un surdimensionnement de Daech. Face à une réalité certes difficile, il ne faut pas donner à Daech une portée qu’elle n’a pas. Il ne faut pas enraciner l’idée que l’on a affaire à une armée tellement redoutable qu’elle nécessite une coalition internationale des armées les plus puissantes au monde. En agissant de la sorte, Hollande et ses alliés font une publicité à Daech, qui tombera, malheureusement, dans de nombreuses oreilles attentives.
Daech est une organisation terroriste qui nécessite une mobilisation – mais pas une guerre – pour la détruire. Daech veut justement être considéré comme un Etat ; et en déclarant la guerre contre Daech, François Hollande légitime en quelque sorte le statut d’Etat d’une bande de terroristes. Cette erreur, relevant du lexique, risque d’avoir des répercussions dans le futur, même après destruction de Daech.
Par sa capacité opérationnelle dans tous les continents, le terrorisme international est visible partout. Ses actions interpellent toute l’humanité. Pour le désarticuler, le monde démocratique et celui qui s’en inspire, ont besoin d’une «guerre» d´un autre genre ; une espèce d’« ijtihad », civilisé, politique, intégrant une volonté d´écoute, de débat et de pédagogie. Evidemment la fermeté sera opposée à l’action des terroristes. Mais il faut aller plus loin, en coupant le terrorisme de ceux qui y adhèrent. Et c’est là que la notion d’ijtihad devrait être opposée à jihad.L’action des oulémas dans tous les pays musulmans est essentielle pour atteindre cet objectif.
Daech interprète l’Islam selon son regard nihiliste sur la vie et du vivre-ensemble. Il rassemble des personnes marquées par la frustration et la haine, qui ont des intérêts et des sensibilités idéologiques différents. Dans leur discours, l’Islam est une arme faisant partie d’un vaste arsenal.
Il est difficile de repérer une compatibilité entre l’idéalisme totalitaire des jeunes issus des banlieues de Bruxelles, Londres, Barcelone ou Tétouan, les ambitions des ex-cadres de l´armée irakienne ou libyenne et les visées de “résistants“ afghans ou syriens formés par les Américains.
D’une part, il y a des jeunes hommes et femmes formés dans le sentiment d´exclusion, l’insatisfaction existentielle, l’enseignement ultra-conservateur et la crise identitaire ; et d´autre part, s´impose le calcul vindicatif des déchus des guerres libératrices, qui ont semé le chaos, au lieu de la démocratie promise.
Ces acteurs hétérogènes ont constitué un mélange nouveau, ayant abouti au développement d’un système original en matière de management, basé sur une organisation où toutes les expressions de frustrations peuvent trouver une consolation. Internet y a largement contribué.
Le problème de ce terrorisme nourri par la vacuité ou l´instabilité politique du monde musulman, n’est pas insurmontable. C’est un conflit qui oppose l’Humanité dans toute sa diversité à une minorité devenue dangereuse. Les Etats devraient travailler ensemble pour trouver des solutions globales mettant l’accent sur les racines du terrorisme. On devrait interdire les interprétations de l´Islam qui confortent les extrémismes. Couper les terroristes de leur référentiel religieux, c’est les conduire à perdre tous leurs appuis. Larguer des bombes ne sera jamais assez efficace pour venir à bout des terroristes de Daech qui trouveront d’autres avatars, d’autres refuges après la destruction de leur organisation. La double action pérenne est celle des oulémas qui devrait faire de l’ijtihad une arme contre les lectures du Coran qui poussent au radicalisme et l’autre est sociale: chercher à comprendre pourquoi des jeunes ghettoïsés ont atteint un tel désespoir qu’ils préfèrent se faire kamikaze en semant la mort autour d’eux.
Source: Le360
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