À l’occasion du Forum arabo-africain sur l’entreprise et les droits humains, tenu à Marrakech le 24 et le 25 juin, la présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a prononcé un discours soulignant l’importance stratégique du lien entre développement économique et respect des droits fondamentaux.
Ce lien, a-t-elle affirmé, dépasse les cercles académiques et institutionnels pour devenir un levier essentiel de justice sociale et de sécurité humaine.
Entre agendas internationaux et urgence sociale
Cette rencontre, qui s’inscrit dans une dynamique de dialogue régional, est selon elle l’occasion de réfléchir collectivement à l’articulation entre les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
La présidente a rappelé que cette année marque le 14e anniversaire de l’adoption des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, ainsi que les dix principes du Pacte mondial de l’ONU, qui couvrent les domaines des droits humains, du travail, de l’environnement et de la lutte contre la corruption.
Un diagnostic préoccupant en Afrique
Malgré ces cadres de référence, les indicateurs sont alarmants, a-t-elle averti :
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Dégradation environnementale rapide,
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Hausse des déplacements forcés,
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Élargissement des inégalités sociales,
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Fragilisation croissante des populations vulnérables.
Elle a particulièrement insisté sur la situation de l’Afrique, où 72 millions d’enfants sont toujours engagés dans le travail infantile, révélant une fragilité persistante des droits économiques et sociaux.
Le Maroc au défi d’un développement économique respectueux des droits
Abordant la situation nationale, la présidente du CNDH a souligné les défis liés à l’adaptation du cadre législatif aux normes internationales du travail décent. Elle a plaidé pour une meilleure cohérence entre les lois régissant les relations de travail, les cahiers des charges des investissements et les droits humains fondamentaux.
Dans un contexte de forte dynamique économique, elle a appelé à intégrer pleinement la dimension des droits humains dans les grands projets, les infrastructures et les chaînes d’approvisionnement. L’objectif : garantir des environnements de travail dignes, sans discrimination, respectueux de la dignité humaine et conformes aux normes environnementales et sociales.
Vers une gouvernance plus inclusive et responsable
Mme Bouayach a souligné que les Principes directeurs relatifs à la diligence raisonnable en matière de droits humains posent de réels défis de mise en œuvre, nécessitant :
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La création de mécanismes nationaux et régionaux efficaces,
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L’implication des institutions nationales des droits humains et de la société civile.
Elle a également identifié cinq enjeux stratégiques suivis de près par le CNDH et ses homologues :
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L’inclusion des droits humains dans les cadres d’investissement international ;
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L’intégration de la question climatique dans les politiques économiques ;
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L’alignement des ODD sur les engagements internationaux en matière de droits ;
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La participation des groupes vulnérables à l’élaboration des politiques publiques ;
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L’accélération de l’adoption de la Convention internationale sur le droit au développement et les activités commerciales.
Le CNDH : une stratégie nationale à plusieurs volets
Dans le cadre de sa stratégie, le CNDH s’engage sur plusieurs axes :
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Soutien aux mécanismes volontaires et contraignants pour faire respecter les droits humains par les entreprises ;
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Suivi des plaintes liées aux impacts environnementaux et sociaux des activités économiques ;
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Contribution à l’approche fondée sur les droits humains dans la candidature du Maroc à la Coupe du monde ;
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Soutien à une stratégie nationale des droits humains intégrant l’économie et les affaires ;
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Plaidoyer pour une approche fondée sur les droits dans la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ;
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Organisation d’ateliers de formation équilibrés sur le plan régional et genre;
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Concertations avec le Parlement et la société civile en vue d’une feuille de route nationale ;
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Soumissions d’observations aux comités onusiens ;
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Rédaction de deux rapports sur les préoccupations liées à l’impact de l’intelligence artificielle sur les droits humains dans le monde des affaires.
Une vision partagée pour un développement humain durable
La présidente a conclu en soulignant que les régions arabe et africaine regorgent de richesses naturelles et de ressources humaines. Ce potentiel, a-t-elle affirmé, appelle à des modèles de développement adaptés aux contextes locaux, fondés sur les droits humains, qui valorisent les petites et moyennes entreprises et associent les populations aux évaluations de l’impact des projets.
« L’enjeu n’est pas seulement économique, mais aussi social, culturel, environnemental, humain et éthique », a-t-elle déclaré.
« Il ne peut y avoir de développement sans dignité, ni d’investissement durable sans respect des droits humains. Ceux-ci ne sont pas un simple moyen, mais bien le cœur même du développement réel et de la richesse inestimable des sociétés. »
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