Par Ali Bouzerda
Vingt ans après l’invasion de l’Irak sous le prétexte des « armes de destruction massive » qui ne furent jamais trouvées, les États-Unis replongent dans le tumulte du Moyen-Orient. Les frappes massives menées ce week-end contre des sites nucléaires iraniens, dont l’ultrasensible installation de Fordo, marquent un retour spectaculaire de l’armée américaine dans un conflit régional, à l’heure où Washington prétendait tourner la page des « guerres sans fin ».
Il faut rappeler un détail de taille : Trump, dont on disait que c’est un businessman qui n’aime pas la guerre mais plutôt la paix afin de continuer à faire des affaires tranquillement, a surpris tout le monde, y compris ses alliés occidentaux, en s’enfonçant avec Netanyahu dans les sables mouvants du Moyen-Orient.
Cette fois-ci, le locataire de la Maison Blanche n’a pas fait l’effort de consulter le Congrès ni de tenter de convaincre le Conseil de sécurité des Nations Unies par un quelconque stratagème afin « de légitimer » l’attaque inattendue de Fordo et d’autres sites nucléaires iraniens.
Ce retour brutal des États-Unis dans la logique de guerre soi-disant « préventive » rappelle à bien des égards les débuts de l’intervention en Irak. En 1981, Israël avait bombardé le réacteur nucléaire d’Osirak en Irak ; en 2003, les États-Unis justifiaient leur invasion de Bagdad par la menace d’un programme nucléaire fictif de Saddam Hussein.
Cependant, en 2025, les cibles sont bien réelles, mais les justifications stratégiques sont tout aussi controversées.
Les “mains liées”, le Monde arabe, qui est concerné par une guerre à ses portes, observe en silence car il ne sait à quel saint se fier surtout quand l’Oncle Sam est entré dans la danse. Une danse des loups.
Et quand les loups dansent, ce ne sont jamais les plus faibles qui mènent la cadence.
Sur le plan technique, dans une opération d’envergure, six bombardiers furtifs B-2 ont largué douze bombes GBU-57 « bunker buster » sur le site profondément enfoui de Fordo. Ces armes, capables de percer des dizaines de mètres de roche et de béton, ont été utilisées pour la première fois en situation de combat.
La chaîne britannique Sky News a été la première à révéler les préparatifs d’attaque américains, avant que la chaîne CBS ne révèle quelques détails supplémentaires relatifs au mouvement des avions furtifs à destination du Golfe.
Vingt-quatre heures plus tard, le monde s’est réveillé sur la mauvaise nouvelle de l’engagement aventurier de Trump dans l’affrontement israélo-iranien.
Simultanément, la marine américaine a rejoint l’armée de l’air en soutien, selon le New York Times, avec des sous-marins qui ont tiré 30 missiles de croisière sur les installations nucléaires de Natanz et d’Ispahan. Le président Trump a confirmé que trois sites iraniens avaient été touchés, déclarant que Fordo avait été « totalement neutralisé ».
La frappe sur Fordo n’a pas seulement une dimension militaire : elle envoie un signal politique fort à Téhéran et à la communauté internationale. Elle rappelle les prémices de la guerre d’Irak en 2003, lorsque les États-Unis, au nom de la lutte contre la prolifération nucléaire, avaient lancé une invasion sous prétexte de détruire un arsenal inexistant. Cette fois encore, le spectre d’un conflit déclenché sous pression stratégique plane sur une région instable.
Vers une guerre élargie ?
Avec plus de 40 000 soldats américains déployés dans la région sur des bases terrestres et des navires, le Pentagone a immédiatement placé ses forces en état d’alerte maximale. Les agences de renseignement anticipent des représailles imminentes de l’Iran, qui a déjà préparé ses missiles à portée des bases américaines à Bahreïn, au Qatar et aux Émirats arabes unis.
Dans un message sur X, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a dénoncé une attaque « scandaleuse » et affirmé que les États-Unis et Israël avaient « fait exploser la diplomatie ». Il a ajouté que l’Iran se réservait « toutes les options » pour défendre sa souveraineté et son peuple.
La crainte d’une escalade régionale est palpable. L’Iran menace désormais de bloquer le détroit stratégique d’Hormuz, par où transitent 25 % du pétrole mondial et 20 % du gaz naturel liquéfié. En réponse, la marine américaine a repositionné ses navires, dont des dragueurs de mines. Les porte-avions USS Carl Vinson et USS Nimitz, accompagnés de leurs groupes aériens, font route vers la zone.
Des renforts ont été déployés : des chasseurs F-22, F-35 et F-16 ont été transférés depuis l’Europe, appuyés par des avions ravitailleurs. Le Pentagone affirme être prêt à toute éventualité.
La décision d’agir militairement contre l’Iran, après les frappes israéliennes du 13 juin, laisse peu de place à la diplomatie. Et même si Téhéran évoque une possible reprise des négociations sur le nucléaire, la spirale des frappes et contre-frappes semble engagée.
Les États-Unis n’ont pas seulement frappé Fordo ; ils ont franchi un seuil. En endossant une frappe directe contre l’Iran, Washington relance la mécanique infernale des interventions militaires au Moyen-Orient, sur fond d’angoisse nucléaire.
In fine, de nombreux analystes se demandent si cette « stratégie d’intimidation » renforcera la sécurité régionale — ou si elle ne fera qu’enflammer un nouveau théâtre de guerre.
Avec l’idée derrière la tête de renverser coûte que coûte le régime des mollahs, l’Amérique de Trump se trompe dans ses calculs et risque de faire les mêmes erreurs du passé, quand elle a « tué » de sang-froid Saddam Hussein, sous prétexte de vouloir démocratiser le régime irakien par la force. Les conséquences de la décision de l’administration Bush fils ont engendré une violence politique inédite dans la région, et qui fait malheureusement désormais partie des cours d’histoire…
L’écrivain américain Mark Twain disait souvent :
« L’Histoire ne se répète pas, mais elle rime. »
(“History doesn’t repeat itself, but it often rhymes.”)
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