Édito – Maroc : Quand la démocratie devient une illusion

Par Ali Bouzerda


Au Maroc, la démocratie est devenue un mot creux. Tout le monde l’invoque, mais peu la pratiquent. L’ultime preuve ? Ce dimanche 27 avril 2025, Abdelilah Benkirane a été réélu — encore — à la tête du Parti Justice et Développement (PJD). Une énième reconduction qui ne surprend plus personne, tant elle s’inscrit dans une culture politique où l’alternance n’est qu’un slogan sans lendemain.

Le philosophe italien Antonio Gramsci l’avait prédit : « Lorsque le pouvoir se transforme en trône d’éternité, la politique meurt. » Nos partis, au lieu d’être des écoles de citoyenneté, sont devenus des écoles du « الشيخ والمريد » (Le maître et le disciple). Le Zaïm domine, les fidèles obéissent, et la jeunesse, désabusée, se détourne de la politique.

Les congrès, qui devraient être des fêtes de la démocratie interne, se réduisent à des mascarades, réglées d’avance pour plébisciter l’inamovible Zaïm. Lui, raconte à qui veut le croire que c’est « قواعد الحزب » (la base du parti) qui l’a choisi. « Ce sont nos militants qui ont insisté pour que je reste… je peux vous le jurer sur le Saint Coran », dit-il sans ciller.

L’Union socialiste des forces populaires (USFPiste), le Parti du progrès et du socialisme (PPS), le PJD et le Mouvement populaire (MP) : partout le même scénario. Sous couvert d’éviter « le chaos », on verrouille. Sous prétexte de « stabilité », on étouffe. Ce n’est plus le talent ni la vision qui décident des parcours politiques, mais la loyauté aveugle à une figure tutélaire.

En tuant l’alternance, ne tue-t-on pas la démocratie, in fine ?

Le résultat est accablant : des générations entières de jeunes sont sacrifiées sur l’autel de l’égo des anciens. La vitalité démocratique est étranglée dans l’œuf. Les partis, censés porter l’espérance collective, ne servent plus qu’à protéger quelques fiefs personnels.

Tant que nos partis ne pratiqueront pas chez eux ce qu’ils réclament pour le pays, toute ambition démocratique restera une farce.

Il est temps de briser le cycle du Zaïm, de refuser la confiscation du pouvoir, et de rendre aux partis leur véritable vocation : être les forges vivantes d’un peuple libre, et non les mausolées de leaders politiques et politiciens indéboulonnables.

Mutatis Mutandis

Saad Eddine El Othmani et Mustapha Ramid, deux poids lourds du PJD, ont brillé par leur absence lors de ce congrès, qui traverse une période de turbulences depuis sa lourde défaite aux élections législatives de 2021. En reprenant « démocratiquement » les rênes du PJD pour une 3ème fois, Benkirane, ce septuagénaire, espère redorer le blason du parti de « La Lampe » avec des polémiques populistes afin de bien se positionner pour les législatives de 2026.

Un pari difficile à tenir ?

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