SIEL – CNDH : Protection du patrimoine rupestre au Maroc : Enjeux et défis

Dans le cadre de la 9ème journée du Salon international de l’édition et du livre à Rabat, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a organisé, ce samedi 26 avril, une conférence scientifique intitulée « Valorisation et protection du patrimoine rupestre », avec la participation d’un groupe d’experts et de chercheurs spécialisés dans ce domaine.

Au début de la rencontre, le professeur universitaire et chercheur en histoire et art rupestre, Mustapha El Hamri, a souligné la grande richesse archéologique du Maroc, dont les sites remontent au Paléolithique inférieur, puis au Paléolithique moyen et récent. Il a précisé que des régions telles que Sakia El Hamra et Drâa comptent parmi les principaux foyers de gravures et peintures rupestres, témoignant d’étapes majeures de l’histoire de l’humanité et des sociétés d’Afrique du Nord.

El Hamri a insisté sur l’importance de ces vestiges comme source pour écrire une histoire oubliée, non seulement dans une perspective civilisationnelle et culturelle, mais aussi environnementale et anthropologique. Il a cependant souligné que la protection de ces sites passe d’abord par l’élaboration d’une cartographie archéologique précise, avant de penser à leur intégration dans des projets de développement durable.

De son côté, le chercheur universitaire Youssef Bokbot a abordé la dimension environnementale des gravures rupestres, expliquant que ces vestiges témoignent d’une époque où le Sahara était couvert de forêts, avant de devenir ce qu’il est aujourd’hui. Il a souligné l’importance de leur accorder une protection juridique solide, estimant que leur intégration dans des projets de tourisme culturel pourrait constituer un levier économique pour de nombreuses régions.

Montassir Loukili , directeur du Centre national du patrimoine rupestre à Agadir, a quant à lui mis en avant les efforts nationaux pour préserver ce patrimoine. Il a indiqué que le Maroc est passé d’environ 243 stations d’art rupestre à la fin du XXe siècle à plus de 800 aujourd’hui, grâce aux campagnes continues d’inventaire et de documentation. Il a affirmé que le centre, malgré ses ressources limitées, travaille en partenariat avec le Conseil national des droits de l’Homme et d’autres institutions pour préserver ce patrimoine et l’intégrer dans un nouveau projet de loi destiné à protéger l’héritage culturel et naturel du Royaume.

La conférence a été l’occasion d’affirmer que le patrimoine rupestre n’est pas de simples vestiges silencieux, mais bien un registre vivant de la mémoire collective et de l’identité marocaine, qu’il faut intégrer au processus de développement et préserver des risques de négligence et de disparition.

+ Quand la perte devient écriture : Oswald Lewat raconte La Vie sous l’eau +

Dans l’espace consacré à l’écriture et aux droits humains, la rencontre avec la romancière camerounaise Oswald Lewat a été un rendez-vous avec la mémoire et la fragilité, avec des blessures dissimulées derrière les mots.

Résidant en France et passionnée d’écriture depuis son plus jeune âge, Oswald a parlé de ses débuts dans un pays où le livre n’était pas un invité régulier dans les foyers. L’absence de livres l’a conduite jusqu’aux portes de l’Institut français du Cameroun, où sa relation intime avec les lettres a commencé. Elle a commencé comme scénariste de documentaires, mais dans le fond, elle rêvait toujours de devenir conteuse de la vie telle qu’elle la voyait depuis sa propre fenêtre.

Dans son roman Les Aquatiques, Oswald écrit sur la perte, l’amour et la trahison. Vingt ans après le décès de sa mère, l’héroïne Katmé Abian se retrouve contrainte de déplacer la tombe de celle-ci. Son mari, un politicien ambitieux, y voit une opportunité pour redorer son image, tandis que Katmé, elle, voit son choc s’aggraver avec l’arrestation de son ami intime et frère de cœur, Sami. Soudain, elle doit faire un choix : trahir ce qu’elle est ou tout perdre.

Oswald a parlé de la douleur du deuil qui l’a menée à écrire ce roman. De cet ami disparu, laissant un vide qu’elle a tenté de combler par la narration. Pour elle, cet ami n’était pas un miroir d’elle-même, mais un horizon qu’elle contemplait et vers lequel elle marchait. À travers le roman, elle a exploré des émotions complexes liées au deuil, à la violence politique et à la maternité perdue.

À propos de son prix de l’Union africaine, elle a exprimé sa gratitude, affirmant que cette reconnaissance donne aux écrivains africains de l’espoir en un avenir où leurs pays construiront une infrastructure qui respecte la création, sans attendre l’applaudissement extérieur.

À la fin de la rencontre, Oswald a insisté sur le fait que l’écriture n’est pas seulement une consolation personnelle, mais aussi un témoignage sur la vie, sur ceux qui sont partis et sur tous ceux qui continuent à rêver sous un ciel d’ombres.

+ L’art andalou dans l’espace des expressions artistiques et créatives +

Dans le cadre des activités de l’espace des expressions artistiques et créatives, une véritable immersion musicale dans les profondeurs du patrimoine andalou a eu lieu, avec la participation du professeur Soufiane Kadira, spécialiste du chant andalou, et de l’artiste Assala Hamdouchi.

Lors de cette rencontre, les intervenants ont présenté la richesse de ce genre musical ancien, qui a su préserver son éclat au fil des siècles, depuis sa naissance en Andalousie jusqu’à son enracinement sur la rive sud de la Méditerranée. Le professeur Soufiane Kadira a retracé l’évolution du chant andalou, en mettant en lumière ses différentes phases et la manière dont il s’est intégré aux spécificités culturelles du Maroc tout en conservant son esprit originel.

De son côté, l’artiste Asala Hamdouchi a souligné les dimensions esthétiques de cet art, qu’elle considère comme une véritable école en soi, où sont enseignées les règles du maqâm (mode musical) et du rythme poétique, et où sont transmises les valeurs du bon goût et de la rigueur musicale.

La rencontre a été l’occasion de souligner l’importance de préserver ce patrimoine culturel et de le transmettre aux jeunes générations, en tant que composante essentielle de l’identité marocaine et pont vivant entre passé et présent.

+ Salah El Wadie… Témoignage poétique sur un siècle de douleur et de réconciliation +

En clôture des activités de la neuvième journée, l’espace des publications a accueilli une séance spéciale consacrée à la discussion du livre « Mimosa, survivant du XXe siècle – Mémoires 2024 » du poète, écrivain et militant civil Salah El Wadie. La rencontre, sous forme d’autobiographie documentée, a été marquée par la projection d’un documentaire retraçant des moments de la vie de l’auteur et de sa famille, qui a joué un rôle important dans les scènes politique et littéraire au Maroc.

À travers cette œuvre, El Wadie ravive une partie de la mémoire marocaine oubliée, avec une touche poétique et humaine, révélant des détails de l’expérience douloureuse de la détention politique qu’il a vécue dans la même prison que son père, le militant Mohamed El Wadie El Asfi. Mais ce qui marque ces mémoires, ce n’est pas seulement la douleur, c’est aussi un élan de pardon et de réconciliation.

Ce livre ne documente pas uniquement une vie personnelle, mais trace aussi les contours d’une époque politique et humaine troublée, à travers les yeux d’un poète qui voit dans la douleur une expérience, et dans le souvenir un pont vers la compréhension de soi et du pays. Mimosa n’est pas une simple autobiographie, c’est un témoignage littéraire sur un siècle de bouleversements, que l’auteur livre dans une langue vibrante de vie, de dignité et d’espoir de guérison.

Par Boutaina Taki

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