Le pavillon du Ministère de la Justice a connu, lors du Salon International de l’Édition et du Livre de Rabat, mercredi 23 avril en soirée, l’organisation d’un débat public sous le thème de « L’approche genre entre la législation et la jurisprudence islamique », animée par Abdelouahab Rafiki, chercheur en pensée islamique, Nadia Cherkaoui, écrivaine en études féminines, et Amina Ddik, présidente de l’Observatoire de la Justice Sociale Sensible au Genre.
Les travaux de cette discussion ont été modérés par Rafiki. Dans son intervention, il a évoqué l’impact de la coutume, des traditions et de la culture sociétale dans la formation de l’approche genre au sein du Code de la famille marocain, à travers l’analyse d’un certain nombre de dispositions incluses dans les amendements de 2004, ainsi que de celles proposées dans le cadre de la réforme attendue. Il a montré comment certaines questions, telles que la procédure de divorce pour discorde ou la gestion des biens acquis pendant le mariage, ne sont pas considérées comme des questions de jurisprudence traditionnelle au sens strict, car elles n’ont pas de racines directes dans les grands corpus de la jurisprudence malékite ou dans d’autres écoles islamiques. Malgré cela, les érudits contemporains ont fait preuve d’ijtihad (effort d’interprétation), et ont émis des fatwas (avis juridiques) très avancées à leur sujet, en se basant sur les coutumes et traditions en vigueur dans la société marocaine, qui ont grandement influencé la formulation des dispositions légales pertinentes.
Il est important de souligner que la jurisprudence marocaine s’est historiquement distinguée en considérant la coutume comme une source de législation, ce que l’on ne retrouve pas avec cette clarté dans les autres écoles de jurisprudence du monde islamique. En témoignent l’existence de concepts tels que « l’usage soussi », « l’usage fassi » et « l’usage tunisien », qui sont des coutumes jurisprudentielles régionales sur lesquelles on s’appuyait pour rendre des jugements et des fatwas.
Partant de cette spécificité, le législateur marocain, dans le cadre de son approche genre, s’est appuyé sur les coutumes et la culture de la société, afin de formuler des textes juridiques plus justes et équitables. Cette orientation est considérée comme une valorisation, voire un motif d’éloge, en raison de sa concordance entre l’esprit de la charia (loi islamique) et la réalité de la société marocaine.
+ La nécessité de rechercher des solutions appropriées qui soient en accord avec l’esprit de l’Islam +
Nadia Cherkaoui a pris la parole ensuite et a déclaré dans son intervention que, pour parler du thème de « L’approche genre entre la législation et la jurisprudence islamique », il faut soulever une question importante à ce sujet, à savoir la question du renouvellement dans notre monde contemporain des questions relatives aux femmes en particulier, et des textes régissant le droit de la famille en général, afin de dépasser certaines lois et pratiques sociétales qui reçoivent l’approbation au sein du système social masculin ; et qui recherchent leur légitimité dans le texte religieux.
Et en même temps, la nécessité de rechercher des solutions appropriées qui soient en accord avec l’esprit de l’Islam et les valeurs qu’il a établies, et de prendre en compte les développements contemporains qui nécessitent un ijtihad. Elle s’est interrogée sur la question de savoir si la jurisprudence dispose de mécanismes lui permettant de suivre les développements actuels, et comment il est possible de réformer les concepts qui consacrent l’autorité masculine, comme le concept de la « qiwama » (tutelle masculine).
Dans son intervention, Amina Ddik a souligné que, dans le cadre du traitement de l’axe intitulé « L’approche genre entre la législation et la jurisprudence islamique », elle présenterait une intervention sur « L’approche genre dans la législation marocaine ». Elle a commencé par présenter le cadre conceptuel de la notion de genre et de sa genèse, expliquant qu’il s’agit d’un concept évolutif en fonction de l’évolution et de la différence des contextes, tant au niveau international qu’au niveau national, et a exposé le rôle des mouvements féministes à cet égard.
Ensuite, elle a présenté le cadre constitutionnel et législatif de l’approche genre et de la protection des droits des femmes, tant au niveau des droits politiques et civils d’une part, que des droits économiques et sociaux d’autre part, en mettant l’accent sur les dispositions de protection dans l’arsenal pénal, le Code de la famille et le Code du travail, en plus de la participation politique et de l’accès aux postes de responsabilité. Tous ces aspects ont été présentés sans omettre de parler des défis et des exigences de la société civile et de la communauté internationale.
L’approche genre dans les politiques publiques a également été discutée à travers la présentation des programmes, des institutions et des acteurs concernés, pour enfin souligner la nécessité d’aborder le sujet à travers une lecture socio-juridique attentive.
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