Par Ali Bouzerda
Avant d’aborder un cas concret qui occupe + la Une + des médias internationaux depuis une semaine, à savoir la Syrie, « la malédiction » de la démocratie suggère une réflexion critique sur les défis spécifiques que rencontre la démocratie dans les pays arabes. Certains pensent qu’elle serait « incompatible » avec les modèles occidentaux ou plutôt a du mal à s’enraciner dans les sociétés arabes, et ce, en raison de facteurs culturels, historiques ou institutionnels.
Mais en examinant l’évolution politique de la Syrie sous le règne du clan Al-Assad, ou les régimes autoritaires déchus de Ben Ali en Tunisie, de Kadhafi en Libye ou de Hosni Moubarak en Égypte, on constate que ce n’est pas une question de culture mais une plutôt volonté d’usurpation du pouvoir populaire et de son aspiration à une justice sociale et à la liberté d’expression, par une élite avide d’argent et de pouvoir sous prétexte qu’elle représente « le seul rempart » contre des ennemis virtuels qui menaceraient la paix, la sécurité et la stabilité du régime, en un mot « la démocratie ».
La « démocratie » est un mot qui ressemble au sourire de la Joconde de Léonard de Vinci, chacun l’interprète à sa manière…
Revenant à Bachar Al-Assad avant sa fuite précipitée de Damas vers Moscou, « oubliant » au passage d’informer son frère cadet Maher. Ce dernier, qu’on appelait « le boucher » de Damas à la tête de la 4ème division blindée qui réprimait dans le sang toute opposition au pouvoir, aurait appris un peu plus tard la lâcheté du Raïss et aurait pris la poudre d’escampette, comme nombreux bourreaux du régime.
Lorsque Bachar al-Assad est devenu président de la Syrie le 17 juillet 2000, succédant à son père Hafez al-Assad, il a évoqué « la démocratie » d’une manière qui a suscité un certain optimisme.
Dans son discours inaugural à cette époque Bachar al-Assad – – l’ophtalmologue qui a fait ses études en Angleterre et s’est marié à une dame qui est née et a grandi dans les plus vieilles démocraties- – a mis l’accent sur la modernisation, le développement et la nécessité de réformer l’administration. Il a reconnu les aspirations du peuple syrien au changement, disait-il, et a appelé à mettre fin à « la corruption », au clientélisme et à « l’inefficacité ».
• Il a souvent utilisé des termes comme « démocratie » et « transparence », laissant entendre une possible évolution par rapport au régime sanguinaire de son père, Hafez Al-Assad.
Au début de sa présidence, Bachar a autorisé certaines libertés politiques et intellectuelles comme les salons politiques et forums de débats divers, connus sous le nom de « Printemps de Damas ». Ainsi, des débats publics sur les réformes, la société civile et la démocratie ont émergé. Mais le dit-Printemps n’a duré que le temps de la floraison des cerisiers des montagnes de Qalamoun, situées à une centaine de kilomètres au nord de Damas.
Et avant de changer son fusil d’épaule et de faire taire les voix dissonantes, Bachar affirmait que la démocratie est « un processus graduel » devant être adapté aux « réalités » et à la culture syriennes. Selon son interprétation du sourire de la Joconde, la démocratie libérale « ne convenait pas » aux circonstances historiques, culturelles et sociales de la région.
“As Time Goes By” (Au fil du temps) chantait Dooley Wilson dans le film classique Casablanca, le régime a renforcé son emprise sur le pouvoir, réprimant l’opposition et toute forme de dissidence, tout en consolidant la domination au sens large de la famille Al-Assad.
En bref, sans insulter l’avenir, cela nous ramène aux nouveaux maîtres de Damas, à commencer par Abou Mohammed al-Joulani, de son vrai nom Ahmed Hussein al-Charaa, né en 1982 à Riyad en Arabie Saoudite avant de rejoindre plus tard les jihadistes d’al-Qaeda en Irak, notamment Abou Moussab al-Zarqawi qui sema la terreur ( en égorgeant de ses propres mains un otage américain ) dans la région de 2003 à 2006.
On raconte, qu’Al-Joulani a mis beaucoup d’eau dans « son café » et aurait pris ses distances avec l’Islam radical afin de s’adapter à l’air de temps. Sa première interview a été accordée à une journaliste de la chaîne américaine CNN. Sa mouvance islamiste al-Nosra est toujours inscrite sur la liste noire de Washington et de l’EU comme « mouvement terroriste ». Toutefois, le Département d’Etat américain vient de dévoiler que des contacts sont en cours avec al-Joulani pour tester « sa bonne foi » en tant qu’homme modéré qui pourrait ramener « la démocratie » en Syrie après une absence de 54 ans, c-à-d depuis l’usurpation du pouvoir par la force de Hafez Al-Assad et du parti unique Ba’ath.
Al-Joulani distribue des promesses à gauche et à droite mais comme disait Jacques Chirac : « Les promesses n’engagent que ceux qui les croient ».
Ce qui se passe actuellement en Afghanistan rappelle une réalité amère, notamment la situation des femmes, et ce, malgré les promesses des leaders des Taliban, lors des pourparlers avec les Américains à Doha en 2020.
Sans verser dans le pessimisme noir, j’ai reçu cette petite note sur mon WhatsApp dont j’ignore l’auteur et qui résume le topo de la situation dans le monde Arabe, l’Afghanistan et l’Iran:
Un petit oubli toutefois dans cette liste, la chute de Ben Ali avait déclenché le Printemps Arabe en 2011 mais elle n’a malheureusement pas ramené « la démocratie » chez lui, mais un nouveau dictateur civil Kaïss Saïed. Mais cet état des choses est dû au « syndrome de Carthage », je pense, en toute humilité.
Article19.ma