Vidéo / Droits humains – Intervention du Ministre de la Justice, Abellatif Ouahbi devant le Comité des disparitions forcées à Genève

Verbatim (25/9/2024) – « Merci Monsieur le président, tout d’abord la délégation qui est présente à cette réunion est une délégation de taille, puisque c’est un moment historique important, et nous voulons impliquer toutes les composantes de l’État marocain dans ce débat, car nous pensons que notre responsabilité historique envers le respect des droits de l’homme et les droits de tout citoyen, devrait se manifesterdans toutes les composantes de l’État et pas seulement au niveau du ministère de la justice » a déclaré M. Ouahbi, en ajoutant : « Nous sommes convaincus que ces réunions contribuent à mettre en place une perception positive pour le développement des moyens de l’État et de sa conception des droits humains, pour cette raison nous sommes enthousiasmés par ces réunions peut-être plus que vous, parce qu’on souhaite vraiment que notre pays soit le meilleur dans le domaine des droits de l’homme ».

M. Ouahbi ajoute : « Surtout, nous avons assumé notre responsabilité d’État et avons reconnu une série de violations que le Maroc avait subies avant 1999,nous nous sommes ainsi condamnés en tant que pays et avons décidé de ne pas répéter les mêmes erreurs sur la base de deux principes ; le premier principe est la révision de la loi, pour qu’elle régisse la relation citoyen- État, et aussi on a attribué le contrôle politique son rôle que ce soit à travers la Commission de la justice et de la législation (au sein du Parlement) ou le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), ou la commission interministérielle chargée des droits de l’homme ou à travers la société civile. Et combien de fois le ministre de la Justice a été convoqué au Parlement, suite aux déclarations de la société civile concernant la présence de violations dans le domaine des droits de l’homme. Ainsi la société marocaine a pris conscience de ses droits, ce qui est la garantie de base de non répétition de violations des droits humains. »

Le ministre a souligné devant son auditoire : « Il n’y a pas de discrimination entre les citoyens marocains de Tanger jusqu’à Lagouira en passant par toutes les régions du Maroc… tous les citoyens marocains à l’unanimité bénéficient des mêmes droits, et nous ne permettons à aucun organe de l’État de faire la distinction entre les citoyens ou de favoriser un citoyen par rapport à un autre. »

Selon M. Ouahbi : « Il a été stipulé dans la Constitution l’interdiction de toute discrimination entre les citoyens dans tous les domaines et toute discrimination est punie par la loi… »

Quant à la question des immigrés clandestins, le ministre de la Justice a affirmé que : « C’est un grand problème, d’ailleurs on a résolu pas mal de cas à ce propos… on a attribué plus de 50.000 cartes de séjour et ne nous ne sommes plus un pays de transit mais plutôt un pays de résidence. Maintenant, nous enseignons des élèves dont les parents n’ont pas de documents de résidence juste parce que ce sont des enfants qui ont le droit d’être scolarisé, et ce en enfreignant la loi, comme on autorise les femmes à se faire soigner dans les hôpitaux du royaume au détriment du budget alloué aux marocains et malgré le fait qu’elles soient des clandestins. Par ailleurs, il y a aussi des personnes incarcérées dont on ignore le nom et l’origine et qui ne possèdent aucune pièce d’identité et refusent de communiquer leur identité de peur qu’ils soient refoulés chez eux. On se trouve dans l’obligation de leur fournir les garanties juridiques malgré leur manque de sincérité… Ce qui me fait peur c’est qu’il y’a des gangs spécialisés dans les immigrants clandestins, et cette question commence à s’entrecroiser avec le crime de traite des êtres humains, ce qui est frustrant et qui constitue un grand défi pour notre pays. On a découvert qu’il y a des organisations criminelles derrière ce processus, car la personne s’introduit dans le pays sans qu’on connaisse son identité ni son pays d’origine, en ayant l’accès soit en transitant à travers l’Est de l’Algérie à plus de 3000 km ou à travers l’Ouest de la mer à plus de 3000 km ou à travers le Sud à plus de 2000 km, et on mobilise tous les moyens sécuritaires pour la protection des frontières mais il s’avère que c’est au-dessus de nos moyens, et on ne peut pas porter préjudice à sécurité physique de ces migrants parce qu’en réalité ils migrent pour des raisons de guerre ou des raisons économiques ».

M. Ouahbi a dit: « Ainsi on essaie de les arrêter, mais on ne peut pas les rassembler dans des réserves humaines. Et on leur donne le droit de résidence, mais dans la majorité des cas on constate que certains d’entre eux sont sur le territoire marocain sans aucune pièce d’identité et le quittent en fin de compte en traversant la mer à destination de l’Europe. Ainsi on se pose une grande question: si on accomplit bien notre mission en tant que pays pour juguler le phénomène de l’immigration clandestine, puisqu’elle concerne la traite des êtres humains, le trafic de drogue, le trafic d’armes, ou alors on laisse toutes ces choses migrer vers l’Europe en considérant qu’on ne doit pas porter préjudice aux migrants? »

Et de préciser : « Lorsqu’ils accèdent aux frontières entre le Maroc et l’Espagne ou certaines régions du nord du Maroc, et accèdent à la mer sans qu’on le sache et disparaissent après, et nous sommes interrogés au sujet de personnes disparues dont on n’a aucune information qu’ils ont à la base transité par le Maroc … en plus nous ignorons même s’ils ont transité à travers la mer et y ont perdu la vie. D’ailleurs on essaie de collecter toutes les informations les concernant y compris l’empreinte embryonnaire. Nous essayons de tout notre potentiel et de tous nos moyens d’encadrer ce sujet, mais l’Afrique souffre de problèmes économiques et de guerres, qu’on assume. En plus on a constaté que de nombreux groupes de sud-soudanais d’au-delà de 500 à 1000 personnes sont devenus des immigrés clandestins et qui possèdent une force physique et une technique militaire stratégique qu’ils utilisent en s’attaquant ainsi aux frontières avec force, et la victime c’est l’armée marocaine ainsi que les agents de sécurité marocaine. Et du coup, on se retrouve devant des migrants dont on ignore l’identité et l’origine, et devant un tel nombre de soudanais on a été dans l’incapacité de les refouler puisque leur pays traverse une guerre civile, est ce qu’il est possible à la commission des droits de l’homme de résoudre ce problème et de les rapatrier dans leur pays malgré la guerre ? »

M. Ouahbi a soulevé une autre problématique en ces termes : « Nous avons ratifié deux conventions et nous avons assumé la responsabilité, permettez-nous alors d’avancer doucement et sûrement, on y arrivera… J’aurais souhaité que cette réunion ne se tienne qu’après la promulgation du code de la procédure pénale qui est devant le Parlement au Maroc, auquel on a introduit tous les amendements dans le cadre des conventions internationales que nous avons ratifié, mais soyez sûre qu’en étant un pays qui vit côté à côte avec l’Europe, et je ne sais pas si illégalement il y a une région de l’Europe sur le territoire marocain, pour cette raison tous les immigrés clandestins pensent partir en Europe en transitant par le Maroc! Vous êtes conscients de la pression qu’on subit ! Nous essayons de régler ce sujet sans toucher l’intégrité physique des migrants, et dans la plus part des cas c’est la police marocaine qui est victime de violence physique dans de telles situations suite à l’usage d’armes manuelles fabriquées par les migrants clandestins, qui finissent par être arrêtés par la police de l’autre pays, d’ailleurs la Turquie vit la même tragédie, en étant sur les frontières européennes et nous aussi ! Alors est-ce que nous devons organiser l’immigration au profit du monde entier ou de l’Europe ? Ou allons-nous porter ce fardeau ? »

Et de conclure: « Nous sommes un État puissant, un pays qui a gouverné son passé et reconnu ses erreurs, un pays sur la voie démocratique qui est la meilleure garantie pour ne pas répéter ces mêmes erreurs et violations des droits de l’homme. C’est à la démocratie seule de permettre de na pas répéter les erreurs, la meilleure garantie au citoyen pour défendre ses droits, et tout ceci demande des changements au niveau des législations qui comportent plusieurs controverses concernant plusieurs chapitres que nous pourrons vous envoyer si vous voulez bien ».

In fine M. Ouahbi a dit ; « Monsieur le président, si nous sommes ici (à Genève) aujourd’hui avec toute cette délégation de haut niveau, c’est parce qu’on a toute la volonté de développer notre pays et notre parcours démocratique et de préserver ainsi le respect des droits du citoyen marocain ».

N/B : (Traduction non officielle)

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