A tribord toute. Après deux semaines de tractations, la composition du gouvernement de Michel Barnier a été présentée samedi 21 septembre par le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler. Les 39 postes de ministres, de ministres délégués et de secrétaires d’Etats sont répartis entre des figures issues du parti Les Républicains (LR) et des représentants de l’ex-majorité présidentielle. L’entrée au gouvernement du chef des sénateurs LR, Bruno Retailleau, le maintien de Rachida Dati à la Culture ou l’arrivée de Laurence Garnier à la consommation présagent d’un gouvernement plus à droite que celui de Gabriel Attal. Franceinfo fait le point sur les enseignements que l’on peut tirer de l’équipe du Premier ministre.
1 Un équilibre entre LR et Renaissance, pas de réelle ouverture à gauche
L’équilibre des forces politiques au sein du nouveau gouvernement a été l’objet d’intenses tractations entre les partis de l’ex-majorité présidentielle, LR et Michel Barnier. Les discussions ont même failli tourner au vinaigre jeudi, avant que les différentes parties parviennent à un compromis. Au final, LR hérite de dix postes, dont trois de plein exercice. La majorité du reste des maroquins est partagé par des représentants des partis de l’ex-majorité d’Emmanuel Macron, Ensemble, le MoDem et Horizons.
Alors que Michel Barnier se disait prêt à accueillir dans son équipe des personnes « de bonne volonté » le 6 septembre sur TF1, c’est finalement une équipe allant du centre à la droite qui sera investie. La seule trace de l’ouverture à gauche promise par le Premier ministre réside dans l’arrivée de l’ancien socialiste Didier Migaud au ministère de la Justice, tout de même en deuxième dans l’ordre protocolaire. « On va passer d’une équipe de centre droit et de droite à une autre de droite et de centre droit », a ainsi ironisé le sénateur socialiste Patrick Kanner sur franceinfo vendredi. L’annonce du casting a énervé jusque dans les rangs macronistes, un député de l’aile gauche de Renaissance confiait même à franceinfo être « dégouté » jeudi soir.
Faut-il y voir un signe de clarification « de l’ouverture vers la droite d’Emmanuel Macron depuis sa réélection », comme l’expliquait le politologue Bruno Cautres à franceinfo jeudi ? Les nominations ont en tout cas froissé certains députés de l’aile gauche du camp macroniste. La députée Sophie Errante a ainsi claqué la porte du groupe Ensemble pour la République à l’assemblée vendredi, dénonçant un « mépris » auprès de Mediapart. Sept ans après l’élection d’Emmanuel Macron à l’Elysée, on est loin du « en même temps » originel.
2 Les LR héritent de postes clefs
Alors qu’ils avaient initialement exclu toute participation à un gouvernement avec les troupes d’Emmanuel Macron, les LR sont largement représentés dans le nouveau gouvernement avec 10 postes. Si Laurent Wauquiez a préféré rester patron des 47 élus LR de l’Assemblée nationale, son homologue au Sénat, Bruno Retailleau, hérite de l’Intérieur, un ministère de premier plan. La députée Annie Genevard devient ministre de l’Agriculture, et le maire de Châteauroux Gil Avérous est nommé aux Sports. La députée Laurence Garnier, dont l’opposition au mariage pour tous et à la constitutionnalisation de l’IVG avait fait polémique ces derniers jours, est finalement nommée secrétaire d’Etat chargée de la Consommation.
L’arrivée de ces personnalités signe « le retour de la droite Trocadéro, de la droite la plus conservatrice », cinglait un cadre d’Horizons auprès de franceinfo vendredi. La plupart des nouveaux ministres LR sont en effet connus pour leurs positions très conservatrices. Certains, comme Bruno Retailleau, ont manifesté contre le mariage pour tous, et ont pour la plupart été des soutiens de l’ancien Premier ministre et candidat à l’élection présidentielle, François Fillon. Résultat, le gouvernement Barnier est le plus marqué à droite depuis la fin de l’ère Sarkozy-Fillon il y a douze ans.
3 Les macronistes en position de force
Malgré leur défaite lors des élections législatives, les macronistes sont en position de force dans le nouvel attelage. Quelques-uns occupaient même déjà des postes sous le précédent gouvernement de Gabriel Attal. Sébastien Lecornu conserve ainsi son poste aux Armées, tout comme Rachida Dati à la Culture. Les anciens ministres Catherine Vautrin, Guillaume Kasbarian et Agnès Pannier-Runacher sont reclassés respectivement aux Territoires, à la Fonction publique et à la Transition écologique. Enfin, le MoDem Jean-Noël Barrot est promu à l’Europe et aux Affaires étrangères.
Signe de l’influence persistante du président, plusieurs proches d’Emmanuel Macron font leur entrée dans l’exécutif. C’est le cas des députés Renaissance Marc Ferracci, à l’Industrie, et Astrid Panosyan-Bouvet, au Travail. D’autres membres de l’ex-majorité héritent de postes importants : on peut noter l’arrivée de la députée Renaissance Anne Genetet à l’Education. Du côté de Bercy, c’est le député Renaissance Antoine Armand qui a été nommé ministre de l’Economie, tandis que l’ex-député macroniste Laurent Saint-Martin est nommé ministre du Budget. De quoi agacer le RN qui a pourtant promis de ne pas censurer automatiquement le nouvel exécutif : « Ce ‘nouveau’ gouvernement signe le retour du macronisme par une porte dérobée », s’est indigné Jordan Bardella sur X.
4 Une feuille de route à peine ébauchée par Michel Barnier
Le Premier ministre a esquissé quelques-unes de ses priorités dans un communiqué transmis à la presse jeudi : le pouvoir d’achat, les services publics, la sécurité et l’immigration, mais aussi « la dette écologique », « l’attractivité économique » et « la maîtrise des finances publiques ». L’inventaire est assez large pour que chacun s’y retrouve, sans pour autant dévoiler quels dossiers seront traités en urgence. De quoi mettre en danger ce gouvernement déjà en sursis, qui ne dispose du soutien que de 212 députés, loin de la majorité absolue de 289 élus.
Michel Barnier doit préciser sa politique lors de sa déclaration de politique générale devant l’assemblée, attendu le 1er octobre. En attendant, le casting laisse deviner quelles priorités portera son équipe gouvernementale. Le premier sujet auquel devra s’atteler le gouvernement est celui du budget, alors que les finances du pays sont dans le rouge, selon Bercy. Il aura à trancher la question des éventuelles hausses d’impôts, un tabou pour les macronistes et une partie de la droite, mais esquissé par Michel Barnier. Selon Gabriel Attal, le Premier ministre a affirmé qu’il n’envisageait pas de « hausse d’impôts sur les classes moyennes et les Français qui travaillent ».
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