On savait que ça allait arriver, mais on ne s’attendait pas à un mouvement de cette ampleur. Plusieurs centaines de personnes, dont un grand nombre de mineurs ont tenté dimanche 15 septembre 2024, de passer en force vers Sebta, malgré la présence massive des forces de sécurité et les cordons installés.
L’âge de ces candidats à l’émigration, leur candeur, leur détermination, le fait qu’ils venaient de plusieurs régions du Maroc, les nombreuses mères en détresse qui dans les rues de la ville recherchaient leur enfant, le nombre élevé de ces enfants, tout cela a provoqué un choc au Maroc.
Un récit des événements. A partir de la première semaine de septembre, plusieurs vidéos ont été diffusées, essentiellement sur Tik Tok, où des adultes, s’exprimant en dialecte marocain, appelaient à une tentative de franchissement vers Sebta en fixant rendez-vous au 15 septembre 2024.
Depuis au moins le jeudi 12 septembre, d’importantes forces de police et d’autres corps de sécurité, ont fait leur apparition à Fnideq, dotées d’un matériel consistant. Des barrages ont été installés en plusieurs endroits et à la sortie de plusieurs villes vers cette zone.
Dans la nuit du samedi au dimanche, il y a eu la première tentative d’assaut contre la double clôture par quelques centaines de personnes, marocains et subsahariens. La présence d’Algériens était également constatée. Cet assaut a été mis en échec par les éléments marocains de sécurité.
Dimanche matin, un deuxième assaut était signalé, aboutissant à la rupture d’une clôture, mais la brèche a été rapidement colmatée.
Tout au long de la journée, des mini-tentatives ont été signalées, ainsi que des mouvements des forces de sécurité visant à éloigner les candidats à l’émigration de la zone de Fnideq.
Selon des sources marocaines et espagnoles, aucun candidat n’a atteint la ville de Sebta. Un corps sans vie a été rejeté par la mer, à Fnideq. Probablement un candidat noyé en raison des courants très forts dans la région.
Dimanche en fin de journée, la situation restait tendue, mais la tension baissait d’intensité.
Les mineurs, un sujet douloureux. Sur les réseaux sociaux, on a pu voir et écouter des mineurs de tout âge venus de plusieurs régions du Maroc tenter leur chance vers ce qu’ils considèrent comme un eldorado. Les mêmes canaux nous montraient des mères éplorées, en pleurs, à la recherche de leurs enfants.
Ces enfants disaient leur désespoir, ainsi que l’absence d’horizon au Maroc, alors qu’en Espagne, ils étaient sûrs d’obtenir les papiers, puisque la législation espagnole interdit d’expulser les mineurs.
Les questions essentielles. Il y en a plusieurs:
-qui sont ces mineurs qui ne travaillent pas et n’étudient pas? Ces NEET sont au Maroc au nombre de 1,5 million de personnes, si l’on considère la définition la plus large, c’est-à-dire les moins de 25 ans. Beaucoup d’entre eux se retrouvent sans qualification et sans formation après un échec scolaire. La lutte contre l’échec scolaire a fait l’objet d’un diagnostic par le ministère de l’Education nationale et fait partie des priorités de la réforme du secteur.
-le rôle des parents. Comment des jeunes de 14 ou 15 ans peuvent-ils se retrouver à des centaines de kilomètres de leur domicile dans un objectif de migration tout en mettant leurs parents devant le fait accompli?
-qui est derrière ces appels à la migration massive le 15 septembre? L’opération de communication ressemble à une campagne bien coordonnée. Où en est l’enquête de police? Entre les 9 et 11 septembre, 60 personnes ont été arrêtées dans le cadre de cette enquête dont des mineurs. 13 d’entre elles ont diffusé ou partagé des contenus incitant à participer le 15 septembre à une opération massive d’émigration à partir de Findeq. Il est intéressant de relever que ces arrestations ont eu lieu dans plusieurs villes: Casablanca, Tétouan, Larache, Ouazzane, Rabat, Missour, Oujda, Fès, Mohammédia et Ouislane.
-S’agit-il d’une fuite ou évasion massive du Maroc? Des titres sensationnalistes tentent de le faire croire mais c’est faux. La tentation est de rejoindre l’Europe, pas de fuir le Maroc, comme le montre le fait que ce mouvement se fait toujours vers l’Europe.
Il n’y a pas plus de tentatives du Maroc que d’autres pays africains ou asiatiques. La tentation est forte ici, car la migration peut se faire par voie terrestre et même si la voie maritime est empruntée, la distance est courte.
De surcroît, la législation espagnole relative à l’interdiction d’expulsion des mineurs renforce la tentation pour les jeunes.
Et demain? Les NEET et les jeunes d’une manière générale vont, doivent, devenir un sujet prioritaire dans les politiques publiques. L’objectif se résume en un mot: redonner un horizon et des raisons d’espérer à tous les jeunes du Maroc.
Source : Medias24.com