Par Ali Bouzerda
Un dilemme moral. Tout d’abord, une curieuse coïncidence : ce sont deux dames ministres de chez nous qui acceptent, sans la moindre hésitation, de transformer le Maroc en une véritable « décharge » de déchets toxiques, dont certains pays européens veulent s’en débarrasser moyennant des sommes d’argent afin de soulager leur conscience.
De quoi s’agit-il en fait ?
Dans une réponse écrite adressée au Parlement, Madame la ministre Leïla Benali, chargée de la transition énergétique et du développement durable annonce que notre « pauvre pays » va bientôt importer plus de deux millions de tonnes, bien 2,2 millions de tonnes d’ordures ménagères et de pneus en caoutchouc de cinq pays européens y compris nos voisins méditerranéens, l’Espagne et la France.
Selon mes confrères qui couvrent régulièrement les activités de l’hémicycle, y compris en cette période estivale où la majorité des députés sont en vacances (pas de séances plénières bien évidemment), Madame la ministre toute heureuse de son projet dit-énergétique, aurait précisé au passage dans son courrier, que la Grande Bretagne a eu « la gentillesse » de nous envoyer un million de tonnes de ses déchets que la législation locale interdit de détruire sur le sol de Sa Majesté Britannique. Cependant, cette même « British législation » ferme les yeux sur l’exportation de ces déchets toxiques à l’étranger, notamment vers l’Afrique. L’Afrique est considéré comme « un continent dépotoir », dont personne ne se soucie sauf pour pomper ses ressources minières et exploiter sa main d’œuvre bon marché.
Selon les rapports de Green Peace, le Ghana, le Nigeria, le Kenya et le Sénégal reçoivent chaque années des milliers de tonnes de déchets électroniques et plastiques provenant de Grande Bretagne. Dans ces pays la législation serait encore « laxiste » en ce qui concerne les problèmes environnementaux, semble-t-il.
Et avant de revenir aux problèmes environnementaux auxquels fait face notre beau pays, la Norvège compte nous faire cadeau de 100.000 tonnes de déchets toxiques qu’on va brûler dans nos usines et cimenteries afin de « produire de l’énergie bon marché », nous raconte-t-on.
En fait que dit la législation norvégienne sur « le devoir de vigilance » relatif aux déchets toxiques? La loi impose aux entreprises industrielles de « veiller au respect des droits de l’homme et de l’environnement » tout au long de leur chaîne d’approvisionnement.
À noter, la Norvège suit les directives des Nations Unies et de l’OCDE pour la gestion des substances toxiques afin de protéger la santé publique de ses citoyens blonds aux yeux bleus.
Notons au passage qu’en 2024, le Maroc a déjà importé 1,2 million de tonnes de déchets des pays européens, et ce avec le consentement des élus du peuple.
Par ailleurs, les experts de la Banque Mondiale ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur « les défis » chez nous, liés à la gestion des déchets toxiques qui ont des impacts significatifs sur la santé publique et l’environnement.
Le Maroc fait face à la problématique des déchets industriels : 1,6 millions de tonnes de déchets industriels par an, dont environ 300.000 tonnes de déchets dangereux. Ces déchets peuvent contenir des substances chimiques toxiques et présentent « un risque de contamination pour les sols et les eaux », selon ces mêmes experts, sans citer le danger des déchets médicaux.
Il faut reconnaître que le vent s’est déjà levé et que les écologistes et les citoyens s’inquiètent de l’impact environnemental et sanitaire de ces importations de déchets d’Europe.
Pour rappel, en 2016, à l’époque de la ministre de l’Environnement, Hakima El Haite – – une autre dame par qui le scandale est arrivé – – , la vigilance de la société civile a bloqué le projet d’importation d’Italie de déchets combustibles jugés « hyper-toxiques ». C’était un marché juteux, estimé à l’époque à 118 millions d’euros.
Les autorités publiques ont mis en place plusieurs lois et stratégies pour gérer les déchets et protéger l’environnement, telles que :
- La Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable (loi n° 12-99)
La loi relative à la gestion des déchets et à leur élimination (loi n° 00-28) - La Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux, ratifiée par le Maroc en 1995.
- Maintenant, la question qui se pose : à quoi servent ces lois et ces engagements internationaux du Maroc, si la santé de ses citoyens serait en danger?
À bon entendeur salut!
Article19.ma