Édito – Histoires de sardines, de requins fictifs à Agadir et de vrais « Dents de la mer »…

Par Ali Bouzerda


En ce début juillet, des baigneurs marocains et étrangers sur la plage d’Agadir ont été effrayés par la rumeur d’une soudaine apparition de requins dans les parages, en cette période estivale. Ce « fake news » s’est rapidement propagé sur les réseaux sociaux comme une traînée de poudre, car il a rappellé aux vacanciers le cauchemar du film « Les Dents de la mer » dont le titre original : « Jaws ».

Réalisé en 1975 par le célèbre cinéaste américain, Steven Spielberg, le long-métrage raconte l’histoire d’un requin monstre qui terrorise une station balnéaire fictive « Amity ». Près d’un demi-siècle plus tard, le rappel de ces images d’horreur provoquent la chair de poule dès que les gens mettent les pieds dans l’eau d’une plage sauvage ou peu protégée.

Mais à ne pas se tromper, la belle baie d’Agadir est « safe » et la rumeur a été démentie Illico presto par l’Association des Amateurs de la Mer. À noter que c’étaient des images « manipulées » mettant en relief des nageoires dorsales de requins le long des côtes bordant la baie d’Agadir, et ce dans le but d’attirer des clics sur les réseaux sociaux. Mais en vérité, il s’agit de nageoires d’un type de dauphins inoffensifs, appelé le “dauphin de Risso”.

Bien évidemment qu’il existe des requins dans les eaux marocaines mais les attaques sont « extrêmement rares », selon les experts en biologie marine. À noter, les espèces présentes dans ces eaux, comme le requin-marteau, le requin-tigre et le requin pèlerin, sont « généralement inoffensives », affirme-t-on.

En fait, ce qui nous intéresse ici et qui effraie effectivement ce ne sont pas les requins de mer mais les « requins humains » que l’on ose rarement montrer du doigt, et ce par crainte d’être trainé devant la Justice pour “diffamation” ou quelque chose du genre avec photos à l’appui…

En d’autres termes, ces « intouchables », rapaces et prédateurs « anonymes » de la pêche maritime, font le bon et le mauvais temps dans un secteur riche et stratégique du royaume. N’oublions pas que le Maroc compte des eaux poissonneuses qui s’étendent sur 3.500 kilomètres de côtes. Elles sont bordées par l’Océan Atlantique à l’ouest et la Méditerranée au nord.

Et pourtant, le prix de la sardine « Hout al-massakine » (le poisson des pauvres », comme on l’appelle par dérision, atteint parfois 30 à 40 dirhams le kilogramme, alors que les crevettes qui sont à portée de mains de la pêche artisanale, leur prix ne bouge plus en dessous des 120 dirhams / kg. Tandis que le poulpe – – cette créature fascinante que les bateaux des notables richissime de nos provinces du Sud, depuis des décennies, pêchent en s’enrichissant scandaleusement en toute quiétude – – , les crevettes royales, les langoustes et les homards n’en parlons plus. Ces espèces sont devenus des « curiosités » et pourraient servir de photos-souvenir pour le petit peuple, ni plus ni moins.

Et pour être plus précis : les prix chez nos voisins espagnols concernant ce « poisson des pauvres », à Madrid comme à Malaga, le prix varie généralement entre 1,13 euros (12 dirhams) et 2,93 euros / kg. Dans ce pays qui fait partie de l’Union européenne, le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est de 1.260 euros brut par mois, soit 13.500 dirhams. Au Maroc, le SMIG ne dépasse pas 3.120 dirhams brut par mois.

Une anecdote a circulé sur les réseaux sociaux à la veille de la fête de Aïd Al Adha en ces termes : “ Le mouton espagnol est bon marché chez lui, mais quand il traverse le Détroit de Gibraltar vers le Maroc, son prix monte en flèche. Par contre, la pauvre sardine marocaine est trop chère chez nous et dès qu’elle traverse la Méditerranée (14,5 km qui séparent le Maroc et la péninsule Ibérique), son prix chute subitement…

Curieux quand même ! Attention, si tu essaies de comprendre tu deviendras fou, dit-on.

À rappeler que la sardine est vendue en moyenne à la sortie des ports au Maroc à deux dirhams / kg, mais quand elle débarque chez les poissonniers des marchés populaires comme celui d’Akkari à Rabat, le prix de vente est multiplié par 10, 15 et même 20 fois.

Cela est-il dû aux coûts du transport ou plutôt l’appât du gain qui attire à ce secteur vital, des intermédiaires et spéculateurs de tout poil ? *

Ssi Aziz Akhannouch, les gens aimeraient que le chef de gouvernement, leur explique la logique de tout ça, et surtout quand est-ce qu’il y aura de l’ordre dans le secteur?

Pour rappel, Ssi Akhannouch a occupé le poste de ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime pendant de longues années et a promis aux Marocains « monts et merveilles » avec le fameux Plan Halieutis lancé en 2009. Cependant, il est inutile de rentrer dans les détails de ce Plan surmédiatisé à l’époque et le soutien, pour sa mise en œuvre, des experts du tristement célèbre cabinet de conseil américain McKinsey & Company…

On se demande parfois, quand le gouvernement et les élus du peuple vont-ils se pencher sérieusement sur les problèmes quotidiens des citoyens, notamment la cherté de la vie et la flambée des prix, pas ceux du poisson uniquement…?

Dans le livre en langue arabe : « Les Arabes, un point de vue japonais » de l’écrivain et chercheur nippon, Nobuaki Notohara, qui a parcouru le monde Arabe pendant 40 ans, et appris sa langue avant de mettre noir sur blanc ses observations, raconte :

« J’ai souvent entendu à la télévision, à la radio et lu dans les journaux des mots tels que : démocratie, droits de l’homme, liberté des citoyens et souveraineté du peuple; et j’ai senti en suivant l’utilisation de ces expressions, que le gouvernement ne prenait pas au sérieux les gens… ».

L’écrivain y exprime sa solidarité et sa sympathie avec le petit peuple : « Les habitants des villes arabes ne sont pas heureux et ne se sentent pas à l’aise. J’ai entendu un cri dans l’atmosphère silencieuse et étouffante et il est toujours dans mes oreilles. Les gens se taisent et ne parlent pas, mais on entend un cri (assourdissant) à travers ce silence étouffant ».

À bon entendeur salut !

* Ces derniers temps, nos collègues du Desk ont abordé l’un des nombreux scandales de la Mafia sicilienne, Cosa Nostra. Cette dernière s’est lancée, depuis pas mal de temps, à l’assaut du commerce de l’espadon et des anchois depuis le Maroc vers l’Italie et l’Allemagne. No comment !

Article19.ma