Le Conseil National des Droits de l’Homme a organisé une conférence de presse ce mardi 2 juillet, pour présenter son rapport annuel de l’année 2023*, voici le discours de la présidente Mme Amina Bouayach:
« L’année 2023 a été riche en événements marquants et ponctuée de moments d’une grande portée symbolique et signification dans le processus de consolidation des fondements de l’État de droit et des libertés, ainsi que dans le renforcement de la solidarité et la cohésion sociales entre les différentes composantes de la société marocaine. Cette année a également été émaillée d’interrogations sur la mise en œuvre du système international des droits de l’Homme
Le premier de ces moments forts a été l’initiative de Sa Majesté le Roi de déclarer le Nouvel An amazigh comme jour férié national rémunéré. Cette décision représente non seulement une avancée significative vers le parachèvement de la consécration des dispositions de la Constitution, mais également un tournant majeur dans la consolidation d’un sens renouvelé du caractère pluriel de l’identité nationale, riche de ses différents affluents.
Cette reconnaissance consolide également la richesse culturelle et civilisationnelle de tous les Marocains, soulignant leur cohésion en tant que nation qui a su développer, tout au long des siècles de son histoire, ses propres fondements, méthodes et mécanismes, pour faire face aux différents défis auxquels elle est confrontée à l’époque contemporaine.
Le deuxième moment marquant de l’année 2023 a été empreint à la fois d’une profonde douleur collective et d’un grand espoir, à la suite du séisme dévastateur dont les effets se sont étendus à quatre régions. Ce fut un moment de deuil, non seulement en raison des pertes humaines et des dégâts matériels (nous renouvelons nos sincères condoléances aux familles des victimes et à tous les Marocains), mais aussi parce qu’il a remis en lumière l’ampleur de la vulnérabilité dans ces zones touchées, la fragilité de leurs infrastructures, et le déficit substantiel en matière d’accès aux droits fondamentaux pour leurs habitants.
D’autre part, le séisme a été aussi un moment d’unité et de solidarité remarquables dont l’une des manifestations les plus saillantes a été la mobilisation sociale et la compassion dont ont fait preuve tous les Marocains, toutes couches sociales et appartenances géographiques confondues, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Cette solidarité sans équivoque a joué un rôle décisif dans les opérations de secours et de rétablissement.
La détermination et la volonté manifestées à travers diverses initiatives, mesures et actions ont transformé cette crise en une réelle opportunité pour accélérer les projets de développement dans la région, afin de corriger les disparités spatiales qui entravent la capacité des populations des montagnes et des villages à suivre le rythme du développement national. A cet effet, un fonds spécial de gestion des séquelles du séisme, ouvert à tous, a été mis en place le 9 septembre, avec des contributions de solidarité s’élevant à environ 20 milliards de dirhams avant la fin du mois de décembre 2023.
Le troisième moment saillant dans le contexte de l’intervention rapide et de la réponse nationale aux conséquences du séisme concernait l’un des groupes les plus vulnérables pendant les situations d’urgence et les crises liées aux catastrophes naturelles, à savoir les enfants. A cet égard, la protection et la prise en charge des enfants ont été au cœur de la stratégie de gestion des séquelles du séisme, en particulier la protection des enfants orphelins contre les risques multiples.
Sa Majesté le Roi a ordonné leur prise en charge immédiate, en les recensant et en leur accordant le statut de pupilles de la nation.
Nous avons placé cette décision parmi les moments et les jalons les plus importants du processus au cours de l’année 2023, car elle est porteuse d’une signification majeure en matière de protection des enfants de la vulnérabilité et de garanties pour l’accès aux services de base, puisqu’elle donne à l’enfant ayant le statut de pupille de la nation l’accès à une protection intégrée telle que définie par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies dans son Observation générale n° 13 ; une protection qui va au-delà de la dimension économique.
Étant donné que la protection s’étend aujourd’hui à l’espace numérique, notre Assemblée Générale, tenue en octobre 2023, a adopté les conclusions et recommandations développées suite à notre monitoring des droits de l’enfant dans cet espace, ainsi qu’à nos visites de terrain dans un certain nombre de zones touchées par le tremblement de terre.
Ces conclusions soulignent la nécessité d’assurer un environnement numérique sûr pour les enfants, soutenant leur protection, favorisant les possibilités de participation, et prenant en compte leur intérêt supérieur.
Autant ces moments témoignent de la résilience de la société marocaine et de ses institutions, autant ils constituent un appel à faire preuve de plus de vigilance, et à œuvrer pour fortifier le modèle marocain de protection des droits et renforcer sa capacité à résister aux défis majeurs auxquels sont confrontés les droits de l’homme dans le monde ; ces défis qui se sont intensifiés au cours de l’année 2023, avec le déclenchement de la guerre contre Gaza, qui continue à tuer des civils, en particulier des enfants et des femmes, à affamer la population, à infliger des destructions massives à toutes les infrastructures et moyens de subsistance essentiels.
À ces trois grands moments nationaux s’ajoute un quatrième à dimension internationale, en partie lié au contexte régional et international, avec la tenue à Rabat d’un symposium international organisé en commémoration du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Face aux tensions récurrentes et aux violations répétées qui vont à l’encontre des principes et des idéaux de la Déclaration universelle, cette occasion a permis de renouveler l’appel à un engagement universel en faveur de la protection des droits et des libertés, notamment l’effectivité des droits des individus et des groupes, surtout à la lumière des défis qui se dressent encore sur la voie d’une avancée globale de la communauté internationale sur toutes les questions relatives aux droits de l’Homme.
Les participants à ce symposium ont souligné que l’universalité des principes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme a été, ces dernières années, plus que jamais mise à l’épreuve. L’incapacité du système international des droits de l’Homme à mettre fin aux violations qui accompagnent les guerres dans le monde, en particulier la guerre à Gaza, est l’un des plus grands défis à la concrétisation de tous les principes des droits de l’Homme pour tous et à la consécration de leur universalité.
L’intensification des tensions à travers le monde et la faiblesse des réponses apportées, dont la rigueur demeure limitée, constituent une menace sans précédent pour les valeurs et les fondements normatifs du système des droits de l’Homme. Cela nous appelle tous à redoubler d’efforts pour renforcer et fortifier notre système national de protection des droits et des libertés, et à développer des formes innovantes de plaidoyer international afin de renouveler l’engagement en faveur de l’universalité des droits et de leur mise en œuvre pour garantir la dignité humaine.
C’est dans ce contexte que le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) présente son suivi et son évaluation, accompagnés de recommandations sur la situation des droits de l’Homme au Royaume, conformément aux articles 35 et 64 de la loi relative à sa réorganisation, suite à son approbation à l’unanimité par son Assemblée générale lors de sa session de février 2024 ».
* À noter ce rapport en 300 pages sera bientôt accessible sur le site du CNDH.
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