Analyse – L’attentat de Moscou ravive le spectre de la terreur

Par Salem Alketbi


Le terrorisme ne peut être négligé dans la liste des défis auxquels le monde est confronté. Une nouvelle génération d’organisations se répand dans différentes régions. Cependant, la récente attaque dévastatrice de quatre hommes armés contre le Crocus City Hall, près de Moscou, a attiré beaucoup d’attention. Le niveau élevé d’effusion de sang et de violence, qui rappelle le massacre perpétré par le groupe terroriste Hamas le 7 octobre, est clairement visible dans les images des tueries de cet incident, soulignant la brutalité des auteurs. En même temps, cela soulève la question de savoir comment les auteurs ont pu s’enfuir immédiatement après leur crime.

Cette attaque, revendiquée par Khorasan Daesh en Russie, représente une escalade évidente de l’activité terroriste et soulève de nombreuses questions quant aux véritables auteurs et au moment de l’action criminelle, qui a été précédée par des avertissements d’un possible acte terroriste de la part de l’ambassade américaine à Moscou.

Ce terrible attentat, qui a tué et blessé des dizaines de personnes en Russie, est l’un des rares crimes terroristes à avoir suscité une vaste controverse quant à l’identité du véritable cerveau, malgré l’annonce par Khorasan Daesh qu’il avait perpétré l’action. L’une des raisons de ce doute réside dans les circonstances dans lesquelles le crime a eu lieu.

La situation se complique d’autant plus que les accusations et les soupçons internationaux se multiplient et que les Etats-Unis ne cessent d’affirmer l’innocence de l’Ukraine, qui a été accusée immédiatement après l’incident, ce qui ne fait qu’ajouter aux spéculations et à la controverse.

Le 7 mars, l’ambassade américaine à Moscou a déclaré qu’elle enquêtait sur des informations selon lesquelles des extrémistes préparaient des attaques contre des lieux de rassemblement à Moscou, notamment des concerts de musique, et a conseillé aux citoyens américains de rester à l’écart des grands rassemblements de personnes « pendant les 48 prochaines heures », information que les autorités de sécurité russes ont déclaré avoir reçue, sans toutefois fournir de détails.

Ces avertissements sont la raison pour laquelle certains observateurs soupçonnent la possibilité d’une implication de l’Occident dans l’attentat de Moscou. Il faut cependant préciser que les ambassades occidentales émettent un grand nombre de ces alertes à différents moments et dans différents pays, sur la base d’informations provenant des milieux du renseignement, dont peu sont exactes et la plupart sont des conclusions et des mises en garde basées sur des informations suivies par ces milieux.

Il n’est pas toujours facile de tirer des conclusions de ces avertissements. Ils sont similaires aux avertissements qu’Israël a reçus avant l’attaque brutale du groupe terroriste Hamas le 7 octobre, qui n’ont pas été pris au sérieux par les cercles de renseignement israéliens, ce qui a conduit à une catastrophe dont les effets se font encore sentir à Gaza et à une crise qui fait que la région et le monde cherchent une issue.

Les renseignements échangés entre agences spécialisées dans le cadre de la coopération internationale et bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme ne comprennent pas le suivi d’informations détaillées conduisant à l’élaboration de plans de prévention. Toutefois, il peut s’agir de petits indicateurs d’information qui attirent l’attention sur une direction ou un fil conducteur particulier nécessitant une enquête plus approfondie et des mesures préventives pour contrecarrer des infractions terroristes majeures. Des sources américaines ont confirmé que ces informations, en plus de l’avertissement public adressé aux Américains en Russie, ont été communiquées aux autorités russes dans le cadre de la politique d’avertissement obligatoire en vigueur depuis longtemps, et les autorités de sécurité compétentes ont confirmé avoir reçu des informations du côté américain sur la préparation d’un attentat terroriste. Toutefois, il s’agissait d’informations générales sans détails.

D’autre part, certains médias et réseaux sociaux se demandent si l’opération Crocus City n’est pas une tentative douteuse de détourner l’attention de l’évolution de la situation sur le front ukrainien, où la Russie réalise d’importantes avancées militaires, c’est-à-dire si l’Occident n’y est pas pour quelque chose. Ces doutes subsisteront jusqu’à ce que les autorités russes chargées de la sécurité reçoivent des informations concluantes sur les véritables motifs de l’opération et sur la partie qui l’a menée.

Il n’y a pas besoin d’analyse politique ou sécuritaire, il suffit d’avoir des informations fiables pour établir la vérité.

Il est même dangereux de tirer des conclusions analytiques sur la base d’un lien entre des circonstances ou une séquence d’événements qui peuvent n’avoir aucun lien significatif, comme l’affirmation selon laquelle l’opération a eu lieu quelques heures après l’utilisation du veto russe contre une décision américaine au Conseil de sécurité sur Gaza, ce qui est un lien irréfléchi. La planification de tels crimes nécessite de longues périodes de temps. Ce n’est pas comme si quelqu’un appuyait sur un bouton et que ces criminels terroristes faisaient ensuite couler le sang d’un si grand nombre d’innocents.

Certains affirment que la Russie pourrait ne pas révéler la vérité sur la partie qui a mené l’opération et qu’elle présente plutôt l’attaque comme faisant partie de la crise ukrainienne. Là encore, il s’agit de conjectures légitimes dans le monde de la politique, qui ne peuvent être exclues. Mais dans tous les cas, ces crimes terroristes nécessitent une véritable coopération internationale et ne doivent pas être utilisés pour régler des différends entre grands pays et grandes puissances.

L’ennemi est unique. La menace terroriste n’exclut personne. Dans un dossier aussi complexe, il ne doit pas y avoir de confusion de situation ni de règlement de comptes. Il ne s’agit pas de savoir s’il existe ou non des liens non déclarés entre des organisations terroristes et des services de renseignement, comme certains ne cessent de le prétendre dans de tels cas.

Toute la scène est déterminée par des informations confirmées et non par des conclusions analytiques basées sur une conjoncture politiquement motivée.

Khorasan Daesh, qui a revendiqué l’opération à Moscou, et les autres groupes terroristes de Daesh continuent de représenter une menace majeure, qu’ils commettent leurs crimes dans le cadre d’un programme idéologique spécifique ou pour d’autres raisons.

Le monde doit prêter attention aux nouveaux avertissements qui sont lancés dans le cadre de diverses crises, face à la propagation de la terreur et à l’émergence possible de nouvelles générations de terroristes encore plus sanglants et cruels.

Salem AlKetbi
Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral

Article19.ma