Par Tahar Ben Jelloun / Le360.ma
Depuis longtemps, des Marocains se battent moyennant pas mal d’argent pour devenir député, maire ou conseiller municipal. Ils ont découvert que la politique est le chemin le plus court entre le mensonge et l’argent.
Pourquoi tant de gens veulent se faire élire ? Normalement, me diriez-vous pour défendre les intérêts de ceux et celles qui les ont élus. Ce sont des patriotes qui désirent faire entrer leur pays dans la modernité. Oui, cela c’est la normale, c’est lorsque la démocratie fonctionne et qu’elle a déjà inscrit ses traditions, ses principes et ses valeurs dans la conscience des citoyens. Au Maroc, cette démocratie est encore une image, un vœu, une sorte d’espérance. Question d’éducation. L’autre jour une journaliste qui a couvert notre pays depuis des décennies, elle l’aime et le défend, m’a fait part d’un constat : «Ce qui ne va pas au Maroc ? L’éducation. Les gens ne sont pas éduqués, n’ont pas d’esprit civique, sont hypocrites et aiment le double discours. Voilà ce que je dis à ce pays que j’aime et que je fréquente depuis plus de trente ans, et je ne suis pas une ‘invitée de la Mamounia’».
Depuis longtemps, des Marocains se battent moyennant pas mal d’argent pour devenir député, maire ou conseiller municipal. Une fois parvenus à être élus, ils s’occupent de leurs propres affaires. Ils utilisent leur nouveau statut pour faire des affaires dans l’immobilier, dans le commerce, dans des investissements qui ne rapportent rien à l’intérêt national mais les enrichissent. Ils ont découvert que la politique est le chemin le plus court entre le mensonge et l’argent.
J’ose faire des propositions en tant que simple citoyen, observateur ; je ne dis pas que tous les politiciens et élus sont de cette sorte, mais comme dit un dicton africain « il suffit d’une dent cariée pour que toute la bouche sente mauvais» :
– Un élu, doit déclarer tout ce qu’il possède. A la fin de son mandat, on vérifie. Il devra justifier d’où vient sa fortune s’il en a une. La transparence est le début de la démocratie.
– Toute absence non justifiée au parlement ou au conseil municipal, serait sanctionnée par une amende qui serait proportionnelle à son salaire.
– Durant la période où en tant qu’élu il travaille pour le peuple et s’il est député, vote les lois du pays, il lui serait interdit d’avoir une autre activité lucrative. Pas de commerce, pas d’affaires durant cette période. Sinon, il est déchu de sa fonction. Il doit en outre donner l’exemple de la rigueur et de l’intégrité morale.
– Toute tentative de corruption pour acheter des voix, serait punie par la loi.
– Tout cela devrait être accompagné d’un enseignement des valeurs et principes de la démocratie. Montrer comment des pays ont réussi à instaurer ce système et comment ils en tirent le maximum de profit, moral et matériel et comment ils se hissent au sommet des classements. (Il vaudrait mieux prendre exemple sur les pays nordiques plutôt que sur la France ou l’Italie où les scandales financiers se succèdent et se ressemblent dans les milieux des politiques).
Nous savons que la démocratie n’est pas une technique. Ce n’est pas parce que nous votons que nous sommes démocrates. La démocratie est une valeur à acquérir profondément, à étudier et à pratiquer en commençant pas privilégier l’intérêt national sur tout autre intérêt, le particulier étant le plus haïssable.
Les partis politiques traditionnels manquent de démocratie dans leurs rangs. Comme des citoyens qui pensent que la démocratie viendrait de l’Etat et que cela ne concernerait pas leur propre comportement au quotidien.
Autre point fondamental : respecter la foi religieuse et ne plus mêler l’islam à la politique. Si l’islam est une religion de paix fondée sur des valeurs humanistes de justice et de respect, de solidarité et de spiritualité, il ne faut plus l’utiliser comme moyen pour se faire élire et faire de la politique. Se servir de la religion est une manière indigne de faire de la politique.
Si aujourd’hui de plus en plus de jeunes ne font plus confiance à la politique en général, s’ils ne vont pas voter, nous resterons dans la queue du peloton des pays émergents et nous n’aurons à nous en prendre qu’à nous mêmes.