Par Ali Bouzerda
Un écrivain français disait : « Il y a tant de jours sans importance dans la vie, des jours qui ne mériteraient pas d’être marqués d’une pierre blanche, sans anniversaire, sans rencontre, sans témoin, des jours perdus pour la mémoire. Des jours qui feraient dire à n’importe quel gendarme : donc, vous n’avez pas d’alibi ? »
« Des jours perdus » comptés en 300 heures précieuses, perdues non pour la mémoire, mais pour l’intérêt vital des 6,7 millions d’élèves marocains de l’école publique. Cette école dont on parle depuis l’Indépendance en 1956 et qu’une vingtaine de gouvernements ont promis de réformer et d’adapter aux demandes et exigences des temps modernes. Mais « Allah ghalab ! ».
Quant à « l’alibi », c’est celui qu’il faut trouver au drame qui pointe à l’horizon, et ce après trois mois de grève sauvage. Les victimes sont bien évidemment les élèves de l’enseignement public, à commencer par ceux du primaires jusqu’aux classes terminales, sans oublier « l’ogre » du baccalauréat que doivent affronter ces malheureux au mois de juin prochain.
À la veille du nouvel an 2024 et contrairement à leurs camarades des écoles privées et des missions étrangères qui ont déjà usé leurs culottes sur les bancs d’école, les enfants du peuple ont malgré eux été obligés de faire « l’école buissonnière ».
Et pourquoi donc? Une anecdote qui relève du cynisme circule parmi les enseignants : « il y a deux pays au monde où les élèves n’ont pas pu accéder aux classes cette année : à Gaza en guerre et au Maroc ».
Aux dernières nouvelles, il n’y a pas de guerre au Maroc et que Dieu nous en préserve.
La seule « guerre » qui sévit depuis trois mois est « la guerre des mots » sur le bien fondé de LA GRÈVE entre « 23 Coordinations » des enseignants, 4 syndicats « les plus représentatifs » du secteur et des membres du gouvernement Akhannouch.
En bref : le dialogue entre les différents protagonistes est bloqué.
Et au cœur « du bras de fer » entre les parties concernées à leur tête M. Chakib Benmoussa, il y la question du nouveau statut unifié des employés de l’Enseignement que vient d’élaborer ce dernier et qui ne fait pas l’unanimité.
Ensuite, il y a la question des rémunérations qui, selon les grévistes, se caractérise pas « une discrimination » qui touche les enseignants et privilégie largement les hauts cadres avec des primes « incroyables » similaires à celles du ministère des Finances.
Un autre point crucial : « un dialogue des sourds » autour du statut des enseignants contractuels qui veulent intégrer la fonction publique, alors que le ministre-technocrate veut les maintenir dans la case du personnel temporaire afin de répondre aux exigences de la Banque Mondiale (BM). À noter, le FMI et la BM poussent le gouvernement à réduire la masse salariale de la fonction publique et dans son sillage le nombre de fonctionnaires. Et afin de contourner cette difficulté concernant les 270.000 enseignants du public, sans compter les membres de l’administration, M. Benmoussa aurait trouvé l’astuce de mettre « les contractuels » dans la case du budget de fonctionnement « comme simple chiffre et produit éphémère », s’indigne une enseignante.
M. Benmoussa doit évidemment avoir une autre explication, mais le problème qui se pose est que les « 23 Coordinations des enseignants » du secteur public refusent de baisser les bras et de retourner aux classes tant que leurs demandes – – et elles sont nombreuses – – ne sont pas satisfaites.
Les membres de ces Coordinations sont en colère car « on les aurait exclu du dialogue gouvernement – syndicats », affirment-ils.
Trois remarques sautent aux yeux lors cette grave crise :
Primo : Les enseignants du secteur privé poursuivent leur travail normalement, comme ce qui se passe chez leur confrères du public ne les concernent pas. Alors que si la situation dégénère et se transforme en « Année blanche » dans l’enseignement public, les élèves du privé ne peuvent pas passer les examens y compris le baccalauréat, et ce indépendamment de leurs confrères du public car ce sont des examens unifiés à l’échelle nationale.
Secondo : Les parents des élèves victimes de LA GRÈVE sont inquiets et ne savent à quel Saint se vouer afin de sauver leurs rejetons des griffes de « l’oisiveté » et de la déprime.
Tertio: Supposons que demain , les enseignants mettent fin à leur mouvement de protestation et retournent aux classes : comment le ministère de l’Éducation nationale va-t-il récupérer et gérer la perte sèche de TROIS CENTS HEURES de cours ?
Il est indéniable que personne ne sous-estime les compétences de M. Benmoussa, ce lauréat de l’École polytechnique de Paris et l’École nationale des ponts et chaussées de Paris, mais l’équation est malheureusement trop complexe et le temps presse pour éviter la catastrophe.
In fine, souhaitons courage et sagesse aux décideurs afin de prendre rapidement la bonne decision afin d’échapper à une terrible « Année blanche » au Maroc et aux enfants des Marocains.
À bon entendeur salut!
Article19.ma