Par Salem AlKetbi*
Comme je l’ai annoncé dès le début, le conflit au Soudan pourrait rejoindre la longue liste des crises régionales et internationales oubliées. Certains éléments viennent étayer cette hypothèse, ce qui n’est pas pour déplaire à tout le monde. Tout d’abord, la nature débridée des parties au conflit, dominée par le désir de vengeance et la quête d’une victoire militaire décisive sur les deux généraux, qui ne semblent pas avoir l’intention de cesser leurs actions, du moins dans un avenir prévisible.
Les reportages télévisés d’hier sur ce qui s’est passé à l’aéroport international de Khartoum étaient catastrophiques à tous égards. Il a été suggéré que des militants de ce pays arabe avaient délibérément détruit et saboté l’aéroport, confirmant le glissement du Soudan dans une phase d’isolement international, Dieu seul sait pour combien de temps.
Ces crimes contre des installations civiles telles que des aéroports, des hôpitaux, des écoles, des points d’eau et autres ne sont pas la seule preuve du désastre qui s’est abattu sur le Soudan. Le pire a été confirmé, surtout après l’effondrement du cessez-le-feu et la suspension des pourparlers à Jeddah annoncés par les médiateurs saoudien et américain, accusant les deux parties de ne pas respecter le cessez-le-feu et d’entraver les mesures d’aide et d’apaisement.
Bien que le Royaume d’Arabie saoudite et les États-Unis aient annoncé qu’ils poursuivraient leurs efforts de renforcement de la confiance et qu’ils chercheraient à négocier, les parties belligérantes elles-mêmes sont les plus grandes perdantes de ce cycle. Ils ont perdu la sympathie de la plupart des forces régionales et internationales parce qu’ils montrent qu’ils ne se soucient pas de leur pays et de leur peuple. Malgré les pertes humaines et matérielles et l’incapacité à progresser, ils poursuivent leurs hostilités. La situation s’est transformée en combats pour le plaisir de combattre, sans en mesurer les conséquences.
Le conflit soudanais est différent des conflits meurtriers et des guerres civiles précédents. Les grandes villes comme Khartoum et Omdurman sont en ébullition et l’ensemble des institutions de l’État glissent vers un destin incertain.
À mon avis, l’aspect le plus grave du conflit soudanais est la main liée de la communauté internationale. Aucun État ni aucune partie internationale ou régionale ne dispose d’une solution efficace à cette crise. Les récentes sanctions imposées par les États-Unis ne sont peut-être pas une monnaie d’échange immédiate, mais plutôt l’expression d’une colère. Il faut du temps pour que les sanctions aient un impact et leur mise en œuvre est incertaine en raison des intérêts internationaux conflictuels, des luttes de pouvoir et des interventions extérieures.
Entre-temps, les institutions régionales et internationales semblent absentes ou inconscientes de la situation au Soudan. Les efforts de l’Union africaine et du Comité international de contact, qui comprend diverses organisations, n’ont pas réussi à convaincre les parties en conflit des solutions proposées. Les Nations unies se concentrent sur les secours d’urgence, l’aide humanitaire et l’évaluation des pertes, ce qui est important, mais ne rend pas tout à fait justice à leur rôle dans de telles crises.
Le commandant de l’armée soudanaise, Abdel Fattah Al Burhan, a récemment menacé de recourir à la « force militaire létale » si « l’ennemi » refusait de revenir à la raison. Cela implique presque certainement le recours à la force aérienne et aux missiles dans les zones où sont stationnées les forces de soutien rapide. Comme ces forces se trouvent dans des zones résidentielles peuplées, il pourrait en résulter des pertes humaines et la destruction de villes entières, affectant ceux qui refusent d’évacuer ou de fuir.
La perpétuation du conflit au Soudan risque d’étendre le scénario des combats au-delà des grandes villes du pays. Il pourrait s’étendre à d’autres régions et pays voisins, exacerbant l’insécurité existante et les causes de tension et de conflit. Il en résulterait des crises humanitaires et une vague de réfugiés, qui dépasseraient la capacité des pays de la région à faire face à de tels défis.
*Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral
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