Rihla, le voyage intérieur du calligraphe

Par Mohammed Rochdi

La galerie Mohammed Kacimi à Fès accueille du 7 au 24 avril 2023 les œuvres de l’artiste calligraphe Mohammed Cherkaoui. L’artiste, à travers cette exposition individuelle qui a comme thème   » Rihla », nous invite au voyage à travers les mots et les lettres.

Rihla est un avant tout l’histoire d’un voyage intérieur, d’une aventure que l’artiste a entamé depuis son enfance, c’est aussi le récit d’un apprentissage des mots par les mots/maux.

L’art comme arrachement au temps

La distinction entre l’écriture et la calligraphie est fondamentale. L’écriture est simplement le fait de transcrire le texte en dessinant les mots, tandis que la calligraphie vise à dessiner les significations des mots et à représenter leur esprit. Cette nuance est ce qui distingue l’artiste calligraphe du scripteur ordinaire. Et c’est justement dans ce sens que les textes, les mots et les lettres qui enjolivent les œuvres de l’artiste calligraphique Mohammed Cherkaoui se dressent majestueusement comme des entités dotées de sens et d’histoire. 

En fait, Il serait difficile de contempler l’œuvre artistique de Mohammed Cherkaoui sans être saisi par Cet allant impératif d’isoler le mot et de faire affluer en lui ses propres, ses seules significations de telle sorte que chaque lettre cesse de devenir un présent éternel pour paraître à nos yeux comme un mouvement, un déplacement dans le temps, un voyage ininterrompu d’un passé vers un futur, une tergiversation d’un extrême à un autre, empêchant ainsi tout repos.

La calligraphie est l’art de l’écriture, et en particulier de la belle écriture. Elle consiste à créer des lettres, des mots et des phrases qui sont à la fois lisibles et esthétiquement agréables à regarder. Pour y parvenir, les calligraphes doivent maîtriser non seulement la forme des lettres, mais également l’espace qui les entoure.

Le vide comme composante essentielle de la calligraphie

Dans la calligraphie de Cherkaoui, le corps de la lettre est étudié, codifié et mesuré de telle sorte qu’il semble assimiler toutes ces particularités. Ainsi, la beauté de la calligraphie de cet artiste se manifeste clairement dans les oppositions crées par les corps des lettres et le vide. Ce sont ces contrastes qui permettent aux mots d’avoir toute leur plénitude. 

Cherkaoui, à la manière d’un architecte sait rallier l’utilité à l’esthétique car il est bien conscient de l’importance de l’espace qui entoure les lettres. C’est ainsi que le tableau devient un espace où chaque détail compte, et où l’espace négatif joue un rôle tout aussi important que l’espace positif.

L’’importance du vide dans la calligraphie de Charkaoui réside dans le fait qu’il permet de mettre en valeur les lettres et de leur donner toute leur signification. Le vide est un élément essentiel de la composition, qui permet de donner du rythme, de l’équilibre et de la vie à l’ensemble. Sans lui, les lettres seraient simplement des formes vides de sens, dépourvues de toute émotion ou de toute beauté.  

La réalisation de ces œuvres témoigne d’une grande maîtrise du geste par une force intérieure. Le calligraphe doit savoir respirer et garder son souffle en écrivant, c’est au rythme de sa respiration que sa main écrit et retrace les lettres. Ce rapport étroit entre l’écriture et la respiration plonge le calligraphe dans un hors temps, dans un silence intérieur où l’esprit est en parfaite harmonie avec le geste de la main. 

« Rihla » est donc ce voyage intérieur du calligraphe et les œuvres exposées ne sont que l’écho de ce silence intérieur par lequel l’artiste communique aves les lettres et les mots qu’il calligraphie avec son roseau :

« Qu’est ce que la parole ? 

C’est un vent qui passe. 

Qui peut l’enchaîner? 

L’écriture. »

AL Qalqashandi, XVème siècle

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