Par Salem AlKetbi*
L’évolution des relations entre Israël et l’Iran s’est récemment accélérée, à la fois en raison de la révélation officielle par l’Agence internationale de l’énergie atomique que l’Iran enrichit de l’uranium à un niveau proche du niveau d’enrichissement militaire nécessaire à la fabrication d’armes nucléaires, et en raison de l’augmentation récente des attentes concernant l’attitude du gouvernement israélien de droite de Benjamin Netanyahou face à la menace iranienne.
C’est pourquoi les analystes se concentrent désormais sur l’attitude du gouvernement Netanyahou à l’égard de l’Iran.
Ce gouvernement dispose-t-il de lignes rouges mesurables permettant de prédire le comportement attendu d’Israël en cas de franchissement de ces avertissements ? L’analyse de la situation montre que les lignes rouges d’Israël à l’égard de l’Iran ne sont pas mesurables – elles n’ont pas été annoncées.
Les gouvernements israéliens successifs préfèrent rester dans une zone grise dans ce cas particulier afin de maintenir la confiance dans la capacité de dissuasion d’Israël et de donner aux décideurs israéliens une latitude suffisante pour agir au moment qu’ils jugent nécessaire pour atteindre des objectifs stratégiques spécifiques.
Tout cela semble stratégiquement clair si l’on considère que le processus de prise de décision en Israël implique plusieurs variables, en particulier l’orientation des différents gouvernements, qui diffèrent tactiquement malgré l’accord supposé sur les constantes et les cadres liés à la sécurité nationale d’Israël.
On peut conclure que la sécurité d’Israël est une question d’accord et de ligne rouge ferme et permanente, que ce soit par un accord interne ou avec un allié stratégique, les Etats-Unis. Cependant, sa mise en œuvre et ses garanties font l’objet d’évaluations différentes.
En plus de la partie théorique précédente, il y a une vraie réalité associée à la position actuelle du gouvernement Netanyahou sur l’Iran.
Le fait d’atteindre le stade de l’enrichissement militaire pourrait-il être un signal d’alarme pour un gouvernement qui a déjà adopté une position dure à l’égard de l’Iran depuis son entrée en fonction ? La réalité est que nous avons des preuves sur lesquelles nous pouvons nous appuyer, et nous pouvons lire l’étendue de ces preuves.
Il est un fait que depuis son entrée en fonction, le Premier ministre Netanyahou s’est concentré sur le dossier des alliés de l’Iran en Syrie et au Liban et a placé ce dossier en tête de ses priorités. Il a souligné à plusieurs reprises les lignes rouges d’Israël concernant le renforcement de l’influence iranienne en Syrie et le comportement du Hezbollah libanais.
Les deux objectifs stratégiques importants que sont la prévention de la présence militaire de l’Iran en Syrie et la prévention de l’acheminement de l’aide militaire iranienne au Hezbollah sont certainement des objectifs importants du point de vue de la sécurité nationale d’Israël et peuvent l’emporter en termes d’urgence et d’impact immédiat sur d’autres dossiers, tels que les capacités nucléaires de l’Iran, qui restent une menace stratégique urgente.
La menace nucléaire reste une option de dissuasion plutôt qu’une menace réelle, comme le montre la pratique historique. Les milices iraniennes et leurs positions en Syrie et au Liban représentent plutôt un bras étendu sur lequel le régime iranien peut compter pour une éventuelle seconde frappe ou une réponse à une opération militaire israélienne contre l’Iran.
C’est pourquoi, du point de vue des militaires professionnels, elles constituent la cible la plus importante.
+ Israël est confronté à la difficile tâche à long terme de chasser l’Iran de la Syrie et de l’éloigner de ses frontières +
Cela signifie-t-il que le fait d’atteindre le seuil d’enrichissement militaire de l’uranium ne constitue pas une approche de la ligne rouge d’Israël ? Il n’est pas facile de répondre à cette question, d’autant plus que les informations sur l’enrichissement ne surprennent pas la partie israélienne, qui semble très bien connaître les secrets du dossier nucléaire iranien.
Il est donc difficile d’imaginer qu’il puisse y avoir une réaction à des informations qu’Israël détient depuis des années. L’analyse des faits montre que ni la partie israélienne ni la partie iranienne ne souhaitent une guerre ou une confrontation militaire.
Mais ils essaient de renforcer leur propre influence et leurs intérêts stratégiques en recourant à une escalade rhétorique l’un contre l’autre dans le cadre d’une guerre psychologique mutuelle, en plus des objectifs médiatiques à l’intérieur du pays et à l’étranger.
Il est donc difficile de développer des attentes cohérentes d’escalade en réponse à des événements tels que l’enrichissement de l’uranium ou autre. Sur le plan stratégique, Israël est confronté à la difficile tâche à long terme de chasser l’Iran de la Syrie et de l’éloigner de ses frontières.
Cette tâche est difficile à réaliser par une confrontation militaire et nécessite un travail diplomatique et des efforts politiques, parallèlement à une pression militaire soutenue, pour augmenter le coût de la présence militaire iranienne en Syrie et pour convaincre Téhéran des exigences politiques à cet égard.
La tâche n’est pas aisée. Il est également difficile de susciter des attentes convaincantes quant à la possibilité d’y parvenir rapidement, car l’Iran ne sera pas disposé à renoncer à son influence en Syrie aussi facilement que certains le prévoient, ni pour un montant comparable à ce qu’il a dépensé financièrement, humainement et politiquement.
Même la Russie, qui a la plus forte influence et le rôle le plus important en Syrie, pourrait ne pas être à l’aise avec l’idée que l’Iran quitte la scène syrienne vide en cette période difficile pour la Russie, qui est préoccupée par sa guerre en Ukraine. L’Iran est une question centrale dans la pensée politique de Netanyahou.
Mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit de la question la plus urgente pour lui, malgré toutes ses déclarations à ce sujet. Sa grande expérience politique lui permet également de mieux comprendre l’ordre des priorités stratégiques. Cela explique l’accent mis sur l’idée d’une confrontation technique, diplomatique et politique globale avec l’Iran au lieu d’une frappe militaire.
Les lignes rouges d’Israël à l’égard de l’Iran sont donc avant tout sécuritaires et non nucléaires. Il existe un lien évident entre les deux. Mais la sécurité est la question la plus urgente et la plus importante pour Israël.
* Par Salem AlKetbi
Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral
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