[Contribution] Hommage à Feu Abdelkader Azriie… une mémoire vivante

Par Jamal El Mouhafid


En hommage au militant des droits civiques et humains Abdelkader Azriie, décédé récemment, la Bibliothèque nationale du Royaume a abrité, samedi 13 mars à Rabat, une rencontre commémorative, organisée par la famille et les amis du défunt, au cours de laquelle ont été présentés des témoignages sur ses parcours et ses contributions dans les domaines politique, partisan, syndical, social, des droits de l’homme et éducatif.

Cette rencontre, organisée en partenariat avec la Bibliothèque Nationale du Royaume, a été marquée par des témoignages de personnalités marocaines et étrangères, qui ont unanimement loué les qualités du défunt. Les intervenants sont également revenus sur le parcours du défunt, qui montre la grandeur de son action et la portée de sa défense des valeurs de citoyenneté, de modernité et des droits de l’homme, tout en pariant sur la contribution de la société civile à la réalisation du développement durable, dans ses multiples aspects.

A l’ouverture de la rencontre, qui a connu une assistance nombreuse composée de militants politiques, syndicalistes, culturels, des droits humains et de la femme ainsi qu’à associatifs, Mohamed El Ferrane, directeur de la Bibliothèque nationale du Royaume, a exprimé sa fierté d’accueillir cette grande cérémonie commémorative dédiée à une personnalité qui a marqué, par ses diverses contributions, l’histoire nationale du pays, notamment au niveau du mouvement civil, social, syndical et parlementaire.

Une assistance qualitative

El Ferrane a ajouté que la présence d’une assistance qualitative et diversifiée à cette rencontre, marquée par la présentation d’un documentaire vidéo sur le parcours du défunt, prouve le statut dont jouissait le regretté, ainsi que ses qualités nobles, exprimant ses sincères condoléances et sa sympathie à tous les membres de la famille et amis du disparu.

Dans son témoignage, Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, a évoqué la période durant laquelle il a rencontré le défunt au Conseil national des droits de l’homme, entre 2011 et 2018. Il a indiqué que « malgré nos parcours différents, l’engagement nous a rapprochés les uns des autres. Il nous a donc fallu nous adapter, car la culture militante, on le sait, nous rapproche les uns des autres, et elle peut aussi nous éloigner. Mais en réalité, le rapprochement entre nous a été rapide, aussi intense que l’instant ».

Une expérience riche et agréable

El Yazami a qualifié d’ « agréable » l’expérience qui l’a réuni avec le défunt et qui a été couronnée par la constitutionalisation du Conseil national des droits de l’homme en juillet 2011 et la nomination de feu Abdelkader Azriie à la tête du Comité régional des droits de l’homme de Rabat-Kenitra, à un moment où il fallait – dans un contexte inédit à tous les niveaux – consacrer l’indépendance et la crédibilité de l’Institution nationale des droits de l’homme, et « imaginer » ce que pouvait être un comité régional des droits de l’homme.

Ainsi, a dit El Yazami, nous devions nous approprier les prorogatives de l’Institution nationale des droits de l’homme (enquêter sur les violations, être proches des victimes et contribuer à l’applications de la nouvelle constitution), tout en respectant les compétences du gouvernement dirigé, au cours de cette période, par le Parti justice et développement, avec lequel nous ne partagions absolument pas certaines de ses orientations.

Le représentant syndical des présidents des comités des droits de l’homme

Après avoir indiqué que le défunt faisait partie du groupe des treize présidentes et présidents qui avaient pour habitude de se réunir la veille de chaque assemblée générale, ou dans le cadre de la conférence des Présidents, El Yazami a fait savoir que « Ssi Abdelkader jouait naturellement un rôle essentiel : à cette époque, nous l’avions surnommé le « représentant syndical des présidents » en raison de sa longue expérience au sein de la Confédération démocratique du travail, de ses capacités de négociation distinguées et de son haut sens des relations publiques, autant de qualités qui le qualifiaient pour jouer le rôle de médiation dans une institution qui cherchait à l’époque sa place naturelle.

Un militant multidimensionnel

De son côté, Abdellah Saaf, directeur du Centre d’études et de recherche en sciences sociales, a relevé que le défunt était, de manière générale, un militant multidimensionnel, politique, syndicaliste, progressiste, un véritable moderniste, socialiste, démocrate et défenseur des droits de l’homme pour un Maroc solidaire présent dans toutes les justes luttes des peuples arabes et un internationaliste et un grand patriote.

Saaf, le professeur d’université et ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement d’alternance, a noté que la présence d’Azriie était grande sur la scène politique, sociale et civile, une présence qu’il a décrite comme multiforme, une présence forte animée par une énergie et une volonté d’action extraordinaires et un désir de réaliser des choses qui ont de la valeur.

Il a ajouté qu’il existe de nombreux traits qui mettent fortement en évidence la personnalité du défunt, et qu’il est difficile de les limiter à un seul trait ou à une seule dimension, car il a essentiellement vécu la vie d’un acteur politique ou politico-syndical très actif aux côtés de feu Noubir Amaoui. Il était ainsi un homme de terrain charismatique aussi bien pour ceux qui militent à différents niveaux, ou pour les responsables officiels qui l’affrontaient.

Il a pris part aux batailles sociales

Saaf a rappelé que le défunt, qui a pris part à toutes les batailles sociales, avait de grandes capacités dans l’art de la rhétorique et un talent particulier dans la narration. Il était ainsi un narrateur et conteur infatigable, et avait une étrange capacité à redécrire et à expliquer les contextes et l’atmosphère des événements, relevant que ces capacités quasi-littéraires d’un narrateur professionnel n’enlèvent rien à sa capacité incontestable d’analyse et de compréhension approfondies des situations politiques et sociales, des positions des acteurs et des différents enjeux.

Un militant syndicaliste vigoureux

Pour Ali Lotfi, le secrétaire général de l’Organisation démocratique du travail, il est très difficile de résumer la vie du défunt et son honorable parcours militant politique, syndical, éducatif et humanitaire en peu de mots. Il a souligné que le regretté a consacré toute sa vie à la lutte continue et permanente démocratique, syndicale et des droits de l’homme, en tant qu’idées et action pratique, et comme éthique et comportement dans la défense des questions de la classe ouvrière, et de son pays et sa souveraineté dans ses dimensions politique, économique, sociale et culturelle.

Il a ajouté qu’Azriie, qui était un militant vigoureux, ne connaissait pas le repos et le confort, et a beaucoup donné au mouvement syndical au Maroc. Il est resté fidèle à ses idées et à ses idéaux et ne s’est jamais incliné devant les tempêtes, aussi grandes soient-elles. Il croyait à la dialectique de l’action politique et syndicale, un défenseur de son opinion et de son approche dans l’encadrement politique des travailleurs, exprimant sa conviction que le décès d’Azriie, qui était une école de pensée, d’attitudes humaines et de patriotisme honorables, n’est pas une perte seulement pour sa famille et ses amis, mais pour tout le pays.

L’éducation aux valeurs des droits de l’homme

Quant à Abdellatif El Youssoufi, ancien inspecteur et ancien membre du Conseil supérieur de l’éducation et de la formation, il a indiqué que le défunt était soucieux de s’ouvrir à tous, et de renforcer ses relations avec ses camarades, évoquant notamment son expérience auprès du défunt dans le domaine de « l’éducation aux valeurs des droits de l’homme », lorsqu’il était directeur de l’Académie de Kenitra, époque durant laquelle le défunt était à la tête du comité régional du Conseil national des droits de l’homme dans la région de Rabat-Kenitra- et pendant laquelle ils ont travaillé ensemble dans l’élaboration d’un programme au profit des clubs de l’éducation aux droits de l’homme.

Un établissement d’enseignement à son nom

El Youssoufi, membre du Bureau politique du Parti socialiste unifié, a ajouté que ce travail a été la pierre angulaire d’une action conjointe qui se développera avec le Comité pour la promotion des valeurs des droits de l’homme au sein du Conseil national, qui a abouti à un important guide pédagogique et pratique pour « l’éducation aux valeurs des droits de l’homme : une compréhension commune des principes et des méthodologies », exprimant l’espoir de voir un établissement d’enseignement, une rue de Safi ou de la région de Rabat-Kenitra, ou au moins une des salles du siège du Conseil national des droits de l’homme porter le nom du défunt.

Un remarquable travail à l’intérieur et à l’extérieur

De son côté, l’acteur associatif Kamal Lahbib a passé en revue les nombreux moments qui l’ont réuni avec le défunt, affirmant : « J’aurais souhaité que le défunt ait été présent parmi nous pour entendre les témoignages à son sujet » et connaître le statut dont il a toujours joui auprès de ses amis et camarades, dans divers domaines politiques, syndicaux, sociaux et culturels.

Kamal Lahbib a souligné, lors de cette rencontre ponctuée d’intermèdes musicaux, que bien qu’il connaisse bien le défunt, les témoignages qu’il a entendus l’ont surpris non seulement par le niveau d’amour et de gratitude dont il jouissait de la part des différentes parties, mais aussi par ce que contenaient les témoignages sur ses réalisations remarquables et par la multiplicité de ses contributions, dans toutes ses activités politiques, syndicales, associatives et parlementaires. Il a ajouté qu’auprès du défunt il a été témoin de ses nobles qualités, de sa générosité, de son honnêteté et la clarté qui le distinguait, ainsi que de son extraordinaire capacité à gérer un conflit et à le contenir avec beaucoup de sens de la négociation et de tact.

Pour une grande nation

Lahbib a indiqué, au cours de cette rencontre marquée aussi par des témoignages par visioconférence d’acteurs de la société civile de Palestine, de Tunisie, de France, d’Italie, d’Inde, du Canada, du Chili, du Brésil et de Belgique, sur les qualités du défunt et son rôle sur le plan arabe et international, dont la voix était entendue, non seulement à l’intérieur du Maroc, mais aussi à l’étranger, notamment par ses contributions aux événements internationaux, notamment ceux à caractère social, comme le Forum social mondial basé à Porto Alegre au Brésil, qui réunit annuellement les membres du mouvement mondial contre la mondialisation, dans le but de coordonner leurs campagnes mondiales, d’échanger sur les stratégies de leurs actions.

Pour sa part, la famille du défunt Azriie a exprimé ses sincères remerciements et sa gratitude à tous ceux qui ont contribué à cette cérémonie, qui constitue un noble hommage à un homme d’exception qui a inlassablement œuvré politiquement, syndicalement, ainsi que dans les domaines des droits de l’homme et associatif pour une grande nation.

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