– Par Ali Bouzerda
Ce n’est pas un quiz, mais une question pertinente qui a déclenché une controverse politique et chamboulé la programmation sportive à grande audience de la chaîne TV britannique BBC, tout le long du week-end du 10 au 12 mars 2023.
Par respect à des millions de téléspectateurs en Angleterre et à travers le monde, la chaîne s’est fendu en excuses dans ses JT à maintes reprises avec la promesse de trouver une issue « à l’amiable » à l’incident, le plutôt possible.
La BBC est une école et une institution médiatique respectable, symbole d’un quatrième pouvoir et non une lucarne de décor pour chanter les louanges de l’Exécutif.
L’incident : mais de quoi s’agit-il en fait ?
Vendredi 10 mars, Gary Lineker, présentateur-vedette de l’émission Match of The Day, a été suspendu par la BBC pour avoir comparé la politique d’accueil des migrants au Royaume-Uni à celle de « l’Allemagne des années 30 » sur son compte Twitter qui attire 8, 5 millions de followers. Une allusion à l’Allemagne nazie en termes « politically correct ».
En proie à un tollé médiatique et politique sans précédent, la BBC voit sa décision se muer en une véritable affaire d’État. Et si la classe politique britannique a été divisée, au sein de la prestigieuse chaîne, de nombreux journalistes ont boycotté leur travail y compris les pigistes, en signe de solidarité avec le très populaire Gary Lineker. C’est « une question de principe », affirment-ils, tout en ayant bien à l’esprit le risque d’un « retour de manivelle » de la Broadcasting House.
Au cœur de la polémique « le devoir d’impartialité » de la direction de la BBC, et qui selon ses détracteur, notamment les conservateurs, aurait une politique médiatique « à géométrie variable ».
Mais dans cette affaire, les journalistes eux évoquent un seul point : le droit du présentateur à exprimer « en privé » son opinion sans restriction aucune.
Gary Lineker, dans ce cas de figure n’a pas violé la procédure interne de la chaîne car il a toujours respecté « l’obligation de réserve, toutefois sa sortie médiatique sur Twitter, en tant que vedette de télévision, a été interprétée comme « une position de la BBC » contre la politique musclée anti-migration du gouvernement conservateur de Rishi Sunak.
Au cœur de cette controverse se pose la question où commence et où s’arrête la liberté d’opinion des journalistes face à une question d’intérêt général?
Les communications privées sur Twitter, Facebook, Instagram et autres… relèvent-elles de la liberté individuelle de chacun ou doivent-elle obéir au bon vouloir des bureaucrates même dans les vieilles démocraties occidentales ? La question mérite d’être posée au vu de l’audience des réseaux sociaux qui sont utilisés par 4,76 milliards d’individus sur une population mondiale de 7,8 millards, en janvier 2023, soit 59,4% de l’ensemble des habitants de la planète.
La Charte de Munich de 1971 est claire à ce sujet : « Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou à sa conscience ».
Chez nous, dans le Monde arabe, le débat est souvent évoqué par les professionnels et les militants des droits humains mais les pouvoirs publics eux préfèrent faire la sourde oreille…
Au Maroc, « ne vous inquiétez pas », nous dit-on, le gouvernement Akhannouch est en train de préparer « une bonne surprise » sous forme des textes de loi afin de « réguler correctement » le fonctionnement des réseaux sociaux. En d’autres termes, donner un tour de vis et mettre fin à ce qui est considéré comme « les dérapages » de ces intervenants sur les réseaux sociaux. Ces derniers sont devenus, par la force des choses, « un contre-pouvoir populaire ».
Quand et comment cette épée de Damoclès verra le jour ? Il faut attendre la nouvelle mouture du Code pénal pour y voir plus clair.
Ah ! j’ai oublié : et « la liberté d’opinion » des journalistes qui travaillent dans les entreprises médiatiques publiques ou privées au Maroc ? La réponse, nous dit-on est simple : « c’est un luxe dont on peut se passer pour l’instant ». La preuve : des journalistes ont été mis à l’ombre pour donner l’exemple, semble-t-il.
De toute façon on a l’impression que l’Exécutif a d’autres chats à fouetter…
Du pur cynisme, direz-vous mais cela m’a rappelé du coup Jacques Brel : « Parce que les autres veulent pas
Les autres ils disent comme ça
Qu’elle est trop belle pour moi
Que je suis tout juste bon
À égorger les chats
J’ai jamais tué de chats
Ou alors y a longtemps
Ou bien j’ai oublié… »
Article19.ma