Par Ali Bouzerda –
« Qui sème le vent, récolte la tempête », nous rappelle le philosophe perse Nezami Gandjavi (XIIème – XIIIème siècle). Et pour cause, les autorités algériennes sont, semble-t-il, dans une colère noire contre le Président Emmanuel Macron suite à l’intervention diplomatique « musclée » des autorités françaises dans une affaire politico-humanitaire algéro-tunisienne. Les français ont oublié de « prendre les gants », bien évidemment. Quant au pauvre chef d’État tunisien, Kaïs Saïed, il était obligé de s’exécuter illico presto « la mort au cœur », comme on disait jadis.
Fidèle à la devise du « Nif » (dignité algérienne), le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune a, de son côté, ordonné « le rappel en consultations de son ambassadeur en France avec « effet immédiat », a indiqué mercredi 8 février l’agence officielle APS.
+ Fin de la lune de miel ? +
En fait, le journal El Moujahid, organe du Front de Libération Nationale (FLN) a été le premier à tirer à boulets rouges sur la diplomatie française en ces termes: « Algérie / France : encore un énième acte inamical de la France ».
Et d’ajouter : « La France, qui fait face à tant de colère en Afrique, à cause de son arrogance néocoloniale, ne changera jamais. Lundi (7 février) elle a agi d’une manière ‘très inamicale’ envers l’Algérie et la Tunisie.
La France officielle, à travers sa représentation diplomatique en Tunisie, a bafoué la loi tunisienne en menant une opération d’exfiltration vers la France d’une ressortissante algérienne qui était sur le point d’être expulsée vers l’Algérie, car, elle se trouvait en situation irrégulière en Tunisie.
Les Algériens en ont assez de ces gestes inamicaux de la France.
Cette politique française, d’un pas en avant et dix en arrière, n’apaise pas les esprits et jette le froid (sur les relations bilatérales) à quelques semaines de la visite d’Etat que devrait effectuer le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, en France???. » (fin de citation)
En ce début 2023, on se demande, si les astres se sont mal alignés pour le président français, pour ne pas dire qu’il serait tout simplement en train de « perdre la main » dans une gestion peu recommandable de la politique extérieure de la France vis-à-vis de ses alliés traditionnels au Maghreb ?
+ La chasse aux sorcières +
Quant aux relations avec le Maroc en particulier, partenaire stratégique de longue date, les cabales dont il est la cible depuis un certain temps, suscitent la colère et l’indignation générale de la classe politique marocaine. Et il y a de quoi… Rappelons, que les relations franco-marocaines ont évolué en « dents de scie » depuis le début de la pandémie du Covid-19 en 2020 – – quand le président français a commis un impair impardonnable en exigeant le rapatriement des citoyens français en priorité – – comme si le Maroc était une république bananière – – … jusqu’à la visite au royaume de Mme Catherine Colonna, la mi-décembre 2022.
Par la suite, on a affirmé, ici et là, que la page de «l’incompréhension » a été tournée pour de bon.
De leur côté, les chancelleries diplomatiques qui suivaient cette évolution particulière, s’attendaient à une visite officielle de Macron au Maroc ce printemps, afin d’approfondir certains dossiers en suspens y compris peut-être celui du Sahara marocain, dit-on, et pourquoi pas? Mais, et il y a eu malheureusement un « mais » avec « la chute des dernières neiges » sur Strasbourg…Soudainement le temps est redevenu maussade et ce changement inattendu du climat politique a affecté les relations bilatérales « sensibles » aux perturbations de dernière minute.
Et sans être dans les secrets des Dieux, il paraît que tous les préparatifs qui étaient en cours risquent d’être reportés aux calendes grecques, sauf miracle…
Si le mal est déjà fait, il risque de s’aggraver avec les débats au sein du Parlement européen à Bruxelles cette semaine sur l’affaire controversée de « Pegasus ». Un sujet surmédiatisé, qui a démarré il y a 18 mois en Europe, sans toutefois présenter publiquement de preuves concrètes de la part des soi-disant victimes…
Par ailleurs, un jeu de cirque qui reprend au Parlement européen ne fait qu’envenimer les choses tout en portant atteinte davantage à l’image du Maroc par des euro-députés instrumentalisés par une main invisible… Ajoutez à cela « la chasse aux sorcières » qui se déroule en ce moment en France, Belgique et même en Espagne…
On a l’impression que tous ceux qui ont la peau basanée et s’exprimant en dialecte marocain en Europe risquent d’être montrés du doigt et accusés « d’intelligence » avec le Maroc. Le dernier exemple en date, celui du journaliste franco-marocain Rachid M’Barki qui vient d’être récemment suspendu d’antenne au sein de la chaîne BFMTV. Sa faute, si faute il y a, serait l’usage d’une expression comportant les termes : « Sahara Marocain ». Il s’agit du conflit artificiel créé de toutes pièces par Boumediene et ses généraux au temps de la Guerre froide et qui oppose le Maroc aux séparatistes Sahraouis du Polisario basés à Tindouf, soutenus et armés jusqu’aux dents par l’Algérie, et ce depuis 1976.
Les faits « incriminés » par le direction de cette chaîne TV française dont Vincent Bolloré, un grand magnat des médias en France, actionnaire influent, serait « un proche de Macron », selon l’agence Reuters.
Curieuse coïncidence, n’est-ce pas? Mais en politique, il n’y a jamais de coïncidence, affirme-t-on.
+ Certains partisans de la Macronie ont la mémoire courte ? +
Revenons à nos moutons. La question qui se pose : abstraction faite des histoires pêle-mêle qui circulent sur le Maroc dans les médias européens, que cherchent en fait les eurodéputés de la Macronie et leurs camarades ? Difficile à dire avec certitude.
À mon humble avis, les prétextes évoqués publiquement cachent d’autres inavoués. Ils ne peuvent relever que d’une stratégie de pressions politiques bien réfléchie et mise à exécution à un moment opportun afin d’en tirer des bénéfices à long-terme.
À regarder de plus près, le Maroc n’a ni gaz ni pétrole comme son voisin de l’Est, mais c’est un pays jeune, un vaste marché porteur et en expansion constante. Il a un riche patrimoine immatériel, des ressources diverses inépuisables et surtout une profondeur africaine et une position géostratégique qui aiguise les appétits et les convoitises depuis 1844.
Toutefois, une petite histoire mérite d’être racontée à ceux qui tentent de prendre de haut ce pays millénaire. Mon défunt collègue et ami français, Nicolas Marmié me disait souvent : rappelle-toi toujours ce témoignage historique « c’est au Maroc qu’on coupe les jarrets de la France ». La citation est d’un diplomate allemand qui était en poste au Maroc, au début du siècle dernier.
« Les temps ont peut-être changé mais le Maroc et les Marocains demeurent égaux à eux-mêmes », ajouta-t-il…
Par ailleurs, une vérité qui saute aux yeux: une grande partie du peuple français et de son élite ne partagent nullement la vision de la Macronie ni de sa politique de voisinage de « deux poids, deux mesures »; comme ils ne cachent pas leur attachement et respect au pays du soleil couchant. Un pays ami qui parle leur langue et que des centaines de milliers parmi eux visitent chaque année. Un pays toujours hospitalier et accueillant « sans complexe » ni « chantage mémoriel », aucun.
De ce côté sud de la Méditerranée, on s’interroge si certains méchants partisans de la Macronie ne sont-ils pas devenus du coup amnésiques, par ces temps de confusion et d’incertitude ?
Article19.ma