Par Ali Bouzerda
In fine, il n’y aura pas d’autres solutions que de serrer la ceinture un peu plus qu’en 2022, et pas seulement chez nous.
Juste un coup d’œil sur la manière avec laquelle l’Etat français, notre partenaire stratégique, compte procéder rapidement afin d’éviter une grave crise sociale dans les mois à venir :
« On va essayer de faire attention collectivement le soir aux éclairages qui sont inutiles, on va faire un plan pour les administrations publiques, on va faire un plan de sobriété dans lequel on va demander à tous nos compatriotes de s’engager, et on va faire un plan de sobriété et de délestage – c’est de gaz et d’électricité dont on parle là –, avec nos entreprises », a averti le président Macron, dans sa première interview de deuxième mandat.
Pour rappel, la France est la 7ème économie mondiale, membre du groupe des plus riches pays industrialisés de la planète, le G7. Et là Macron ne parle que du volet énergétique…
Chez nous, Ahmed Lahlimi, patron du Haut Commissariat au Plan (HCP), qui ne fait pas dans la dentelle, vient de tirer « la sonnette d’alarme » quant à la situation socio-économique en 2023 et qui sera marquée, selon les prévisions de ses experts, par « un niveau d’incertitudes » et « des risques baissiers ».
Comment et pourquoi ?
Dans une note, dont Article19.ma a obtenu une copie, le HCP estime que l’activité économique nationale en 2023 « resterait impactée par des niveaux élevés des prix », et ce, à cause d’une croissance modérée à l’échelle internationale, induisant « un ralentissement prévisible de la demande adressée au Maroc et du maintien des niveaux élevés des prix des matières premières au niveau mondial ».
Tout cela, nous dit-on, est lié à l’évolution de « la situation géopolitique » et aux effets qui en découlent en particulier les perturbations des chaines d’approvisionnement et la pénurie des produits de base », en d’autres termes à la guerre d’Ukraine et ses conséquences…
Déjà la flambée des prix du blé, de l’huile de table et des hydrocarbures en sont une réalité que vivent au quotidien nos compatriotes. Jusque-là, on voit qu’ils sont patients et supportent cahin-caha la flambée des prix y compris celui du mouton pour la fête du sacrifice, en s’accrochant à l’idée qu’un retour à la normale est imminent.
Cela rappelle la pièce de théâtre de Samuel Beckett : « En attendant Godot ». La morale de cette magnifique pièce : c’est que les deux personnages clefs espèrent qu’il se passe quelque chose, mais malheureusement ils vont attendre longtemps sans que rien n’arrive… Et c’est l’impression qu’on a, par ces temps qui courent.
Dans cet ordre d’idées, Lahlimi qui ne semble pas attendre Godot, loin de là, établit un diagnostic à temps et propose des solutions avant qu’il ne soit trop tard.
En partant de plusieurs paramètres, y compris l’évolution du secteur agricole et sa part importante dans la croissance du produit intérieur brut (PIB), Lahlimi est arrivé à la conclusion suivante :
1 – Tout d’abord un constat des faits :
« Dans un contexte mondial marqué par la succession de deux chocs, la crise pandémique et le conflit russo-ukrainien, l’incertitude et les risques ne cessent d’augmenter. Cette situation a perturbé la production et la consommation, entrainant ainsi une hausse importante des prix des produits de base », note-t-il.
Et d’ajouter : « Le Maroc, étant un pays importateur des produits énergétiques et alimentaires en particulier les céréaliers, a été fortement impacté par les revers de cette crise. L’inflation importée devrait atteindre un seuil exceptionnel cette année (2022) à l’instar de la plupart des pays du monde, ce qui devrait affecter brutalement le pouvoir d’achat et peser sur la rentabilité de quelques secteurs productifs ».
2 – L’approche afin d’éviter une grave crise sociale :
De ce fait, dit-il, « il serait rigoureux de prioriser le soutien au pouvoir d’achat dans les politiques publiques mises en place, et cibler les secteurs économiques en besoin d’appui pour mieux faire tourner la roue de l’économie.
En outre, la sécheresse connue durant cette campagne a pesé lourdement sur la situation économique. Force est de constater que le secteur agricole est confronté à des défis majeurs, notamment le problème structurel du changement climatique qui se traduit par la variabilité des températures et la rareté des précipitations qui impacte le rendement agricole et la sécurité alimentaire. Il serait donc nécessaire d’adopter des mesures adéquates de lutte contre ces enjeux en raison de la place importante qu’occupe le secteur agricole dans l’économie marocaine ».
Par ailleurs, le Maroc devrait renforcer ses efforts dans le cadre de son engagement à atteindre les objectifs du développement durable (ODD), qui constituent un axe majeur du nouveau modèle de développement, notamment en matière de lutte contre les changements climatiques et leurs répercussions. « Ceci devrait passer notamment par la favorisation des cultures résilientes et celles qui garantissent la sécurité alimentaire tout en préservant les ressources hydriques », souligne-t-il.
Et de conclure : « Etant donné les circonstances actuelles, la consolidation des bases d’une souveraineté alimentaire s’impose aujourd’hui plus que jamais afin de subvenir aux besoins alimentaires les plus fondamentaux et d’éviter les séquelles d’une éventuelle crise. Ainsi, un système de gouvernance intégrée et efficace et une approche transversale s’avèrent indispensables pour faire face aux défis actuels ».
Tout a été dit ou presque. À bon entendeur salut !