Édito – Le CNDH poursuit sa quête pour « l’abolition » de la peine capitale

Par Ali Bouzerda *


Autrefois, « un tabou » parmi de nombreux « tabous » que compte le royaume du Maroc, « l’abolition » de la peine capitale ne l’est plus. L’appel à cette « abolition » a même été au cœur d’un débat de haut niveau, en ce mois de juin, au sein d’un atelier organisé par le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) dans son stand au SIEL2022, à Rabat.

« L’importance de cet atelier, c’est premièrement de continuer le débat sur l’abolition de la peine de mort, qui est une conviction du CNDH… et deuxièmement afin de dédramatiser le débat sur ce sujet… », a affirmé Mme Amina Bouayach présidente du CNDH.

Cette militante, de première heure, des droits humains à l’échelle nationale et internationale a expliqué à son auditoire, ce vendredi 10 juin, que le CNDH agit sans relâche pour que la justice au Maroc, comme dans nombreux pays démocratiques, « ne soit pas une justice de vengeance ».

Réagissant à l’argumentaire d’un intervenant qui soutenait « le rôle dissuasif de la peine de mort face à la criminalité », Mme Bouayach a souligné dans une approche didactique que l’erreur est humaine et qu’il faut tout d’abord essayer de comprendre les circonstances souvent complexes dans lesquels les crimes sont commis, avant de se prononcer pour le châtiment.

Et de toute façon, en ôtant la vie à un être humain (un criminel), va-t-on du coup mettre une fin à la criminalité ? En fait, le problème n’est-il pas ailleurs? C’est ce que les militants anti-peine capitale soutiennent avec des arguments solides.

Juste pour rappel, au Maroc, un moratoire sur l’exécution de la peine capitale est en cours depuis plus d’un quart de siècle, et ce depuis l’exécution du « fameux » commissaire Tabit, le 5 septembre 1993 à Kénitra.

Selon les ONG des droits humains y compris le CNDH, depuis fin 2021, pas moins de 78 condamnés à mort, dont deux femmes font « les cents pas » depuis des années dans le couloir de la mort. Les 2/3 parmi eux présentent des « troubles psychiques graves ». Face à ce triste état des choses, les militants des droits humains invoquent « le droit à la vie », un droit inscrit noir sur blanc dans la Constitution du royaume.

D’ailleurs, ces activistes rejoignent la position courageuse de l’indépendante institution nationale, qu’est le CNDH, pour demander aux pouvoirs publics d’abolir la peine de mort régie par des textes de loi d’une époque révolue.

N’est-il pas temps que les autorités marocaines mettent à niveau leur arsenal juridique concernant la peine capitale, et ce conformément aux recommandations des Nations Unies, s’interrogent-ils.

Le CNDH qui vient de rendre public son dernier rapport annuel (2021), a consacré un important chapitre à ce sujet sensible et clivant, en soulignant que : « la peine de mort est une grave violation au droit à la vie… et sans ce droit absolu, il ne saurait y avoir de liberté ni de justice ».

Dans ce rapport de 300 pages, édité en février 2022, le CNDH considère que la législature post 8 septembre 2021, est une opportunité pour les élus du peuple « de mettre fin aux hésitations législatives (du passé) » concernant l’abolition de la peine de mort et de procéder à l’abrogation des textes concernés dans le corpus du code pénal.

Un mémorandum du CNDH a été adressé en 2019 au Parlement concernant le projet de loi 10.16 relatif à l’abrogation en question et avait recommandé l’abolition purement et simplement de la pénale capitale.

Une chose est certaine, en attendant, une réaction positive des élus du peuple, une dame à la tête du CNDH poursuit son combat avant-gardiste avec courage et détermination.

Et tant qu’il y a la vie, il y a l’espoir, dit-on, l’optimisme nous pousse à croire qu’une « seule hirondelle » fait le printemps.

* Ali Bouzerda est Directeur du site Article19.ma

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