Focus – Les chrétiens marocains se félicitent de la fin d’une décennie de gouvernement islamiste (Média)

Les partis libéraux, dirigés par un milliardaire, accèdent au pouvoir au Maroc, mais le débat porte sur l’économie et non pas sur la liberté religieuse, relève le journal en ligne Christian Today (CT).

Le taux de participation s’est élevé à 50 % et les libéraux ont mis en déroute le Parti justice et développement (PJD), qui a été majoritaire au parlement marocain au cours des 10 dernières années, rappelle la même source, notant que le nombre de ses sièges est passé de 125 à 13.

« Nous remercions Jésus, les islamistes sont partis. Dieu a entendu nos prières, et maintenant nous avons le gouvernement que nous voulions », a déclaré à CT Imounan, qui vit à Agadir.

Aziz Akhannouch du Rassemblement national des indépendants (RNI) a été désigné par le roi Mohamed VI chef du gouvernement après que son parti ait remporté 102 sièges. Il est chargé de former un gouvernement de coalition pour relancer l’économie du pays, souligne le site d’information chrétienne ajoutant que le souverain détient « le dernier mot sur plusieurs postes gouvernementaux » et qu’il est « le Commandeur des croyants ».

Les chrétiens estiment que les partis « libéraux » favorisent la liberté alors que les islamistes souhaitaient imposer la charia, couvrir les femmes et retirer le porc et l’alcool de la vente, souligne CT.

« Akhannouch est un homme d’affaires.

Que vous vénérez le soleil ou la lune, il s’en moque », a affirmé Youssef Ahmed, l’un des rares chrétiens de deuxième génération au Maroc. Et d’ajouter: « Il ne persécutera personne ».

Selon CT, l’ONG chrétienne Open Doors classe le Maroc 27ème sur sa liste mondiale des 50 pays où il est le plus difficile d’être chrétien. Le prosélytisme y est considéré comme « ébranlant la foi d’un musulman » et peut être puni de trois ans de prison.

Toutefois, relève CT, la constitution marocaine garantit la liberté de croyance et le droit de pratiquer son culte religieux. Et alors que seuls l’islam et le judaïsme sont reconnues au Maroc, le gouvernement n’applique aucune sanction en cas de conversion, et les croyants affirment que les services de police les laissent généralement tranquilles.

Le PJD a demandé une liste des chrétiens

Les chrétiens marocains, dont le nombre est estimé entre 2.000 et 25.000, ont approché le parti islamiste pour lui demander d’ouvrir leurs propres églises. Au lieu de cela, on leur a demandé les noms de tous les chrétiens du pays, rapporte CT.

Les musulmans peuvent eux aussi se méfier de la poursuite de la gouvernance islamiste.

Ahmad Raissouni, un chef spirituel du PJD, a récemment félicité les Talibans pour leur prise de pouvoir, « plein d’espoir, optimiste et ravi des nouvelles d’Afghanistan », relève CT ajoutant qu’ en mai dernier, le Premier ministre, Saadeddine El Othmani, a félicité le Hamas…

Le Maroc avait normalisé ses relations diplomatiques avec Israël six mois plus tôt, en décembre 2020.

El Othmani et le PJD ont officiellement soutenu l’accord, qui a abouti à la reconnaissance par les États-Unis de la revendication du Maroc sur le territoire du Sahara occidental. Mais la décision a divisé le parti et a peut-être déçu sa base électorale, souligne CT.

Les chrétiens, cependant, expliquent l’effondrement du PJD par d’autres raisons.

« Ils ont fait beaucoup de promesses et n’ont rien mis en œuvre », a estimé Imounan. « Mais leurs politiciens sont devenus riches, et tout le monde l’a constaté ».

Les questions économiques ont dominé la campagne. Au plus fort de la crise du Covid-19, l’économie marocaine s’est contractée de 15%. Il y a aussi une forte différence de perception. Vivant dans l’une des premières économies de la région, 63 % des Marocains considèrent leur situation comme bonne ou très bonne. Au même moment, 44% pensent que le gouvernement doit créer plus d’opportunités d’emploi.

Akhannouch l’a promis. Classé par Forbes comme le 12ème milliardaire le plus riche d’Afrique, beaucoup pensent qu’un homme d’affaires pourrait changer les choses.

« C’est le meilleur homme pour le travail », a affirmé à CT Ahmed. « Il est proche du roi, et bien connu en Europe. Laissons-lui le temps ».

Le RNI a été fondé en 1978 par le beau-frère du roi Hassan II. Avoir un parti proche de la monarchie favorisera la coopération, a soutenu Imounan, alors que les islamistes s’opposaient même au gouvernement dont ils étaient en charge.

Cependant, certains analystes notent qu’il s’agit d’un moment critique pour le Maroc, car le gouvernement civil a souvent servi de bouc émissaire au roi.

« La monarchie éclipse le reste des acteurs politiques », a déclaré Mohammed Masbah, président d’un think tank marocain indépendant.

Certains analystes pensent que le RNI représente un retour aux anciennes élites.

Jack Wald, pasteur principal récemment retraité de l’Église internationale de Rabat, pense qu’il sera difficile pour le nouveau gouvernement, ou pour tout gouvernement, de lutter contre la corruption et d’uniformiser les règles du jeu économique.

Il déplore la fuite généralisée des cerveaux à cause du népotisme. Il connaît un musulman pieux avec un doctorat en physique travaillant à l’équivalent marocain de Walmart (magazin aux Etats-Unis).

Wald connaît aussi un talentueux graphiste musulman qui a perdu son poste au profit du proche d’un conseiller de l’ancien roi, qui a simplement externalisé le travail. Le designer travaille désormais dans un pays du Golfe.

Le Maroc se classe 86ème sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Il se classe 39ème sur 40 pays dans le Global Honesty Index. Et 61% pensent que la corruption est répandue à grande ou moyenne échelle, bien que 72% pensent que le gouvernement essaie de sévir, souligne CT.

Conséquence: un tiers des Marocains souhaitent émigrer

« Le désir principal de la plupart des Marocains est de quitter le pays », a indiqué Wald. « L’aristocratie doit se transformer en méritocratie, et jusqu’à ce qu’elle le devienne, le Maroc continuera de patauger. »

La discrimination à l’encontre des chrétiens n’est qu’une petite partie du problème, a-t-il déclaré. Lorsqu’on leur a demandé, dans un sondage, à 32 croyants si une plus grande liberté religieuse les aiderait à se sentir plus confiants dans les affaires et l’emploi, 21 ont répondu oui. Et 12 ont dit qu’ils cherchaient des opportunités pour partir à l’étranger.

Pour Wald, une plus grande liberté religieuse entraînerait une plus grande prospérité économique pour le Maroc…

De son côté, Imounan a indiqué que la discrimination existe même dans le secteur privé et non seulement dans la fonction publique, puisqu’il a perdu son emploi de comptable après avoir révélé son christianisme.

Pour Ahmed, les moyens de subsistance ne doivent pas être mélangés avec la religion.

« Les gens achètent le produit, pas la foi », a-t-il déclaré. « Si les chrétiens font leurs affaires honnêtement, ils gagneront plus de clients ».

Après les élections, l’optimisme règne

En tant que nouveau croyant, Imounan n’a prêté aucune attention à la politique.

Une fois que les islamistes ont commencé à montrer leur domination, il n’a plus eu aucun espoir dans les élections. Maintenant, sa foi le pousse à prier pour le changement dans son pays, et en tant que citoyen, à exercer son influence électorale.

Ahmed a estimé la participation électorale des chrétiens à 8 sur 10.

Et bien qu’ils anticipent une reprise pour le Maroc, la nature musulmane de la constitution du pays atténue les attentes pour leur communauté.

« Je ne sais pas si ce gouvernement offrira plus de liberté aux chrétiens, mais au moins il y aura un dialogue », a estimé Imounan.

« Je suis très optimiste… », a déclaré, quant à lui, Ahmed.

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