Le Ministre de la Santé était à la recherche d’un « bouc émissaire »…

Par Ali Bouzerda


Depuis son arrivée à la Primature, Saad Eddine El Othmani n’a cessé de s’époumoner pour convaincre ses interlocuteurs marocains et visiteurs étrangers que le Royaume du Maroc est un État de droit où les affaires petites et grandes se traitent dans la transparence. Quant aux postes vacants dans la fonction publique, ils sont accordés aux citoyens sans distinction aucune en respectant la règle sacrée de la compétence et de la méritocratie.

En un mot, notre beau pays n’a rien à envier en terme de « bonne gouvernance » aux grandes démocraties telles que l’Empire du Soleil Levant, ou le Royaume-Uni et les États Unis d’Amérique, à titre de comparaison.

Sauf à un détail près, ce chef de gouvernement qui s’interrogeait il y quelque temps devant une foule de barbus du Parti Justice et Développement (PJD) en ces termes : « n’est-ce pas un miracle que je sois, moi El Othmani, désigné à la tête du gouvernement ? ». Heureux, le pauvre psy ne croit toujours pas ses yeux d’avoir décroché « par défaut » un poste dont il n’a jamais rêvé…

Et dans le même ordre d’idées, pour plaire à ses ouailles, il a tout fait, durant son mandat pour faciliter l’accès, aux plus chanceux d’entre eux, à des postes clefs dans la fonction publique, y compris ceux de secrétaires généraux, excepté le poste vacant du Ministère de la Santé.

Pourquoi donc? Le déclenchement de la pandémie du Covid-19 à travers le monde et atteindra le Royaume en mars 2020 n’a pas facilité les choses pour un homme politique froid et calculateur comme El Othmani. Lui qui se prépare bien à l’avance et dans la discrétion – – comme le font si bien les Soussis – – à la veille des échéances électorales de 2021.

En fait, notre chef du gouvernement a été confronté à un sérieux obstacle dû à la position ferme du Ministre de la Santé, Aït Taleb et à l’indépendance d’un grand commis de l’État Abdelilah Boutaleb. Méritocratie et compétence obligent, le Ministre a choisi, contre vents et marées, ce Boutaleb et pas quelqu’un d’autre, pour le poste de Secrétaire général de son ministère.

De son côté, mécontent, le chef de l’Executif a fait tout ce qui est en son pouvoir sauf de faciliter la tâche à son Ministre, et ce, à un moment crucial où la pandémie du Covid-19 faisait des victimes chaque jour.

En bref, après un long bras de fer qui a duré des mois, Boutaleb n’aura in fine le poste de secrétaire général que « par intérim » seulement. Passons sur les « tergiversations » bureaucratiques et « les rejets de dossier » malgré le feu vert du Secrétariat général du gouvernement, affirme une source proche de cette affaire digne d’un roman de Kafka.

Il est à rappeler que Boutaleb a accédé à ce poste « par intérim » en octobre 2019… Et il a « bel et bien coordonné et animé la gestion de la campagne de la lutte contre la pandémie et la campagne de vaccination… Mais une chose est sure, il n’avait pas de signature ni de responsabilité sur le plan administratif », ajoute notre source, qui a décliné d’être identifiée afin d’éviter la foudre des décideurs.

« Par ailleurs, Boutaleb était et demeure le responsable du secteur des hôpitaux et pas d’autres choses… », précise notre source.

Cette précision est évoquée quand un site d’info arabophone a rapporté le soi-disant « révocation », lundi, du secrétaire général par intérim. Une décision ministérielle qui serait lié à « la controverse en cours » sur les résultats de la mission d’information parlementaire auprès du Ministère de la Santé sur le marché des produits pharmaceutiques, la situation financière de la direction des médicaments et ses rapports avec des sociétés pharmaceutiques…

Par ailleurs, cette curieuse histoire intervient au moment où les médias braquent leurs projecteurs sur le Ministre de la Santé et sur des « dysfonctionnements » qui auraient été constatés dans les procédures d’octroi des marchés publics par des départements sous sa responsabilité.

Au milieu de cette cacophonie médiatico-parlementaire, des voix de la société civile se sont élevées pour demander d’urgence « une enquête judiciaire » à ce sujet.

Le ministre Aït Taleb a observé un silence de marbre avant de diffuser un communiqué, lundi soir sur le fil de MAP, où il dément tout et dénonce ce qu’il a considéré comme étant « des informations erronées basées sur une fuite illégale… » du rapport préliminaire de la commission parlementaire.

Selon un député du PAM qui s’est confié à Article 19.ma, le Ministre de la Santé aurait accepté les requêtes de la mission d’information du parlement sur la question des fournitures pharmaceutiques mais a dit « niet » sur les détails relatifs aux marchés publics des équipements.

Vrai ou faux, le Ministère de la Santé a sa propre version des faits…

In fine, ce lundi 19 juillet 2021, des députés de l’opposition se demandent si Abdelilah Boutaleb serait-il « le bouc émissaire d’une histoire « d’affaires complexes » ou de « règlement de comptes » au sein du Ministère de la Santé?

Un questionnement qui a été aussi évoqué par le site arabophone Achkayen.com du célèbre journaliste Tijjini, suite au « remerciement » ou plutôt du « sacrifice » à la veille de l’Eid Al Adha du Secrétaire général par intérim, « un sacrifice » injuste d’un loyal et fidèle serviteur du Trône.

Pour Tijjini, dans un pays qui se respecte, après la révélation « d’informations scandaleuses » contenues dans le rapport de la commission parlementaire, le Ministre de la Santé aurait dû présenter « sa démission » et « non de congédier » un serviteur de l’État au dessus de tout soupçon, en l’occurrence Abdelilah Boutaleb.

Et pour ne pas oublier le fin mot de l’histoire, El Othmani a sans nul doute « sablé » un bon verre de thé en apprenant, ce soir du 19 juillet, le limogeage inattendu du Secrétaire général par intérim du Ministère de la Santé, un homme digne qu’il a combattu sans relâche tout au long des 500 jours de la pandémie, sinon plus…

A bon entendeur salut!

Article19.ma