Analyse – La grandeur et la pertinence du mois sacré du Ramadan

Astronomes musulmans à l'œuvre pour repérer la lune du Ramadan

Par Dr Mohamed Chtatou

Institué à Médine en l’an 624, le jeûne du Ramadan est une commémoration de la première révélation faite au Prophète Mohammed (psl) au neuvième mois de l’année lunaire. C’est un moment de piété, de joie et de générosité, où l’individu est attentif aux plus démunis et renforce les liens avec la communauté religieuse. Le pratiquant observe la prière, une stricte abstinence diurne et le rite de la rupture du jeûne au coucher du soleil.

L’origine du Ramadan

Le Ramadan est l’un des mois du calendrier islamique. Il faisait également partie des anciens calendriers arabes. Le nom Ramadan vient de la racine arabe RMD et des mots « ramîda » ou « ar-ramad », qui signifie « chaleur brûlante ».

Sur ce point particulier, Sheikh Mubarak Ahmad écrit : 

 » Selon Ibn-Hisham, la tribu des Quraish de la Mecque avait l’habitude de se retirer sur le mont Hira pour la dévotion religieuse et la pénitence pendant le mois de Ramadan, en s’abstenant de sexe etc.., bien que ce mois ne soit pas considéré comme un mois sacré parmi les quatre mois sacrés préislamiques de Qi’dah, Hijjah, Muharram et Rajab. « 

Il poursuit :

 » Le mot Ramadan est un nom islamique car avant l’Islam, il était connu sous le nom de Nataq (Fath-ul-Bayan). Le mot est dérivé de ramada. On dit « ramada al-salimu », c’est-à-dire que l’intérieur de l’homme qui jeûne est devenu très chaud avec la soif (Lane). Le mois est ainsi nommé parce que premièrement, le jeûne de ce mois produit une chaleur et une brûlure dues à la soif ; deuxièmement, l’adoration de ce mois brûle les traces du péché chez l’homme (Asakir et Mardawaih) et troisièmement, la chaleur nécessaire de l’amour pour le Créateur et Ses êtres créés est générée dans le cœur de ceux qui jeûnent. « 

Le Ramadan est considéré comme une bonne action brûlant les péchés. En l’an 610, l’ange Gabriel est apparu au prophète Mohammed et lui a révélé le Coran, le livre saint de l’Islam. Cette révélation, Laylat al-Qadr – ou la « Nuit du Destin » – aurait eu lieu pendant le Ramadan. Les musulmans jeûnent pendant ce mois pour commémorer la révélation du Saint Coran.

D’un point de vue religieux, l’importance du Ramadan n’est pas simplement due au fait que ses prescriptions sont détaillées dans le Livre saint. Il s’agit tout d’abord du quatrième pilier de l’Islam avec la profession de foi, la prière, l’aumône et le pèlerinage à la Mecque pour ceux qui en ont les moyens. C’est au cours de la deuxième année de l’installation du Prophète à Médine que le jeûne est devenu obligatoire. À cette époque, cette pratique n’était pas inconnue des habitants de la péninsule arabique, dont certains étaient juifs ou chrétiens.

Le Ramadan a également une signification à la fois religieuse et historique. C’est respectivement le mois de la prise de la Mecque par le Prophète en l’an 8 de l’Hégire (630), le mois de la naissance de Hussein, petit-fils de Mohammed, et le mois de la mort de Khadija, sa première épouse. Plus important encore, c’est pendant le mois de Ramadan que les musulmans ont enregistré leur première grande victoire militaire contre leurs ennemis mecquois, en l’an 2 de l’Hégire (624), lors de la Bataille de Badr ghazwat badr. Ce fait est important car c’est ce point de repère historique, parmi d’autres, que les groupes extrémistes musulmans mettent en avant lorsqu’ils tentent de justifier leur activisme accru et leurs actions violentes pendant le Ramadan.

Le Ramadan est un voyage spirituel

Le Ramadan ne consiste pas seulement en une abstinence alimentaire – du lever au coucher du soleil – mais plutôt en un voyage spirituel où le musulman cherche à se rapprocher de l’excellence en purifiant son âme et en se débarrassant de ses mauvais penchants. Sur ce point particulier, Mike Buchman écrit :

« Le jeûne est une expérience spirituelle holistique qui pose un énorme point d’interrogation à ceux qui saisissent la sagesse derrière cette obligation : une personne qui jeûne devrait réfléchir à l’esprit d’entraide et de partage que le jeûne développe chez les musulmans. Tous les musulmans qui jeûnent partagent la même douleur, la faim, la soif et l’amertume de la privation en jeûnant avec les pauvres et les nécessiteux. Le Ramadan crée un contexte social et humanitaire qui favorise la compassion pour les nécessiteux du monde entier. Par notre faim et notre soif volontaires, nous réalisons ce que signifie être privé des nécessités de base de la vie. Le Ramadan est une occasion de se souvenir et d’aider ceux qui ont moins de chance. En outre, tous les musulmans ressentent la joie de rompre leur jeûne et savourent la reconnaissance envers Dieu. Les pauvres se réjouissent de voir leurs frères riches qui partagent avec eux leur douleur et leur souffrance. Ils se réjouissent à l’idée que leurs frères fortunés les aident à conjurer le fléau de la faim et des privations amères. Le jeûne rajeunit la notion de solidarité sociale au sein de la communauté. « 

Ce mois est aussi celui de la générosité et du partage ; si l’Islam nous rappelle les bienfaits de la générosité envers son prochain en général, le mois de Ramadan est l’occasion de se dépasser. Le musulman pieux s’efforcera d’effectuer un maximum de prières facultatives, d’invocations, et de faire des dons sadaqah dans la mesure du possible. Durant ce mois, la relation avec Dieu est telle qu’il ressent très peu la faim, la soif ou la fatigue ; et son cœur est calme et en paix et débordant d’amour pour son prochain.

Le Ramadan est une véritable source spirituelle qui nourrit l’âme, renforce la foi et la piété. Ce mois décuple les récompenses divines de la pratique religieuse, rapproche les musulmans et ravive la foi. Un Ramadan sans prière ni lecture du Saint Coran n’a aucune valeur en soi : le jeûne est certes une condition, mais la pratique religieuse est indissociable du Ramadan. Le partage, la générosité et l’amour de son prochain sont les valeurs intrinsèques du musulman, et ce mois béni est l’occasion pour lui de les mettre en avant en invitant les nécessiteux à rompre le jeûne chez lui, ou de donner généreusement de son temps à des actions et entreprises caritatives.

Ainsi, les musulmans ont le devoir de prier, de réfléchir à la place de la foi dans leur vie et à la manière de développer leurs qualités humaines, telles que la patience, la douceur, la compassion et l’humilité. Enfin, ils pratiquent l’aumône zakât al-fitr, qui consiste à verser une taxe obligatoire à la mosquée ou à un individu dans le besoin, juste avant la fin du Ramadan. À la tombée de la nuit, les fidèles se réunissent en famille et entre amis pour prendre un repas de fête. Le premier jour du mois suivant, l’Aïd al-Fitr, la fête de la rupture du jeûne, est célébrée dans une grande liesse.

Le mois de Ramadan est une occasion unique dans l’année de se rapprocher de Dieu le Tout-Puissant. Les choses que l’on peut faire pendant ce mois, la dévotion que l’on a, sont incomparables avec le reste de l’année. Cela se voit dans le nombre de personnes qui fréquentent les mosquées pendant ce mois : la fréquentation double. Et là aussi, c’est une ambiance unique où les membres de la communauté se retrouvent plus souvent pour les cinq prières et prennent le temps de discuter après la prière du soir.

Le jeûne vise à rapprocher les fidèles de Dieu par le sacrifice et l’abnégation. C’est également un mois de gratitude au cours duquel les fidèles se souviennent des souffrances des moins fortunés. L’Islam demande également aux fidèles de s’éloigner des plaisirs matériels et de se concentrer sur leurs pensées et leurs actions. Le jeûne est considéré comme une purification physique et spirituelle. Les musulmans font souvent des dons aux nécessiteux et aux organisations caritatives pendant le Ramadan. Beaucoup passent plus de temps à la mosquée ou utilisent leur temps libre pour réciter le Saint Coran.

Le jeûne permet de développer l’endurance, la force de volonté, l’autodiscipline et l’introspection, qui sont des qualités indispensables à la soumission à Dieu. En même temps, le fidèle exerce son âme à craindre Dieu et à grandir en piété. Il s’agit de se priver pour favoriser la spiritualité et la réflexion. L’idée n’est pas de cesser de manger comme un rituel en soi, c’est aussi une forme de contrôle et d’ascétisme.

Rappelons que la piété est une dévotion, un attachement respectueux et fervent à Dieu et à la religion, en l’occurrence l’islam. Cela implique l’adhésion et le respect de tous les principes et préceptes prônés par l’islam, ainsi que ce qui relève des obligations et ce qui n’en relève pas. Il s’agit notamment des prières, des invocations, du jeûne, de la charité, de l’aumône, de la lecture du Saint Coran, de la retraite spirituelle, etc. Il est recommandé d’éviter tout ce qui est contraire à la volonté de Dieu, notamment l’hypocrisie, la tricherie, le vol, le mensonge, la violence, l’adultère, le meurtre, la jalousie, la méchanceté, la corruption… bref, tous les vices et tout ce qui peut polluer notre esprit. Cependant, tout être humain est susceptible de commettre des péchés ; il s’agit ici de faire des efforts pour se rapprocher de Dieu en multipliant les actes de foi et de piété.

La sourate 2, verset 177 du Saint Coran peut, en effet, nous guider dans cette démarche et notamment en ce mois sacré de Ramadan :

“La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allah, au Jour dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quel qu’Amour qu’on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs, d’accomplir la Salât et d’acquitter la Zakât. Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et les voilà les vrais pieux ! “

لَّيْسَ َ الْبِرَّ أَن تُوَلُّوا وُجُوهَكُمْ قِبَلَ الْمَشْرِقِ وَالْمَغْرِبِ وَلَكِنَّ الْبِرَّ مَنْ آمَنَ بِاللَّهِ وَالْيَوْمِ الْآخِرِ وَالْمَلَائِكَةِ وَالْكِتَابِ وَالنَّبِيِّينَ وَآتَى الْمَالَ عَلَى حُبِّهِ ذَوِي الْقُرْبَى وَالْيَتَامَى وَالْمَسَاكِينَ وَابْنَ السَّبِيلِ وَالسَّائِلِينَ وَفِي الرِّقَابِ وَأَقَامَ الصَّلَاةَ وَآتَى الزَّكَاةَ وَالْمُوفُونَ بِعَهْدِهِمْ إِذَا عَاهَدُوا وَالصَّابِرِينَ فِي الْبَأْسَاءِ وَالضَّرَّاءِ وَحِينَ الْبَأْسِ أُولَئِكَ الَّذِينَ صَدَقُوا وَأُولَئِكَ هُمُ الْمُتَّقُونَ

Partager la nourriture du Ramadan avec les nécessiteux est une obligation morale

Le jeûne permet de développer l’endurance, la force de volonté, l’autodiscipline et l’introspection, qui sont des qualités indispensables à la soumission à Dieu. En même temps, il exerce l’âme à craindre Dieu et à croître en piété.

Quatrième des cinq piliers de l’Islam, le jeûne est obligatoire et correspond pour les croyants à une période de rupture, de dépouillement, de partage : chacun doit s’abstenir de boire, de manger, de fumer et d’avoir des relations sexuelles du lever au coucher du soleil. A cet égard, Allah le Tout-Puissant, dit (Saint Coran, 2 :138) :

“O les croyants ! On vous a prescrit as-Siyâm comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous, ainsi atteindrez-vous la piété. “

يٰٓـاَيُّهَا الَّذِيۡنَ اٰمَنُوۡا كُتِبَ عَلَيۡکُمُ الصِّيَامُ کَمَا كُتِبَ عَلَى الَّذِيۡنَ مِنۡ قَبۡلِکُمۡ لَعَلَّكُمۡ تَتَّقُوۡنَۙ

Seuls les malades, les femmes enceintes ou les voyageurs peuvent l’éviter, mais ils devront « compenser » par d’autres jours d’abstinence dans l’année ou par une aumône (Saint Coran, 2 :184) :

“ pendant un nombre déterminé de jours. Quiconque d’entre vous est malade ou en voyage, devra jeûner un nombre égal d’autres jours. Mais pour ceux qui ne pourraient le supporter qu'(avec grande difficulté), il y a une compensation: nourrir un pauvre. Et si quelqu’un fait plus de son propre gré, c’est pour lui ; mais il est mieux pour vous de jeûner ; si vous saviez ! “

أَيَّامًا مَّعْدُودَاتٍ فَمَن كَانَ مِنكُم مَّرِيضًا أَوْ عَلَى سَفَرٍ فَعِدَّةٌ مِّنْ أَيَّامٍ أُخَرَ وَعَلَى الَّذِينَ يُطِيقُونَهُ فِدْيَةٌ طَعَامُ مِسْكِينٍ فَمَن تَطَوَّعَ خَيْرًا فَهُوَ خَيْرٌ لَّهُ وَأَن تَصُومُوا خَيْرٌ لَّكُمْ إِن كُنتُمْ تَعْلَمُونَ

Le pratiquant peut librement choisir une autre période de l’année, tant que le jeûne est effectué selon les règles et dans la continuité. Le fait d’interrompre délibérément le jeûne, de manquer des jours ou d’enfreindre l’une des règles entraînera deux mois de jeûne supplémentaires pour chaque jour manqué. Ce jeûne expiatoire peut être remplacé par un don monétaire ou alimentaire pour les personnes dans le besoin. C’est également le cas pour les personnes exemptées, comme les malades chroniques ou les femmes enceintes, qui ne peuvent jeûner sans mettre leur vie en danger.

L’entraide et le partage

Outre la prière, des règles strictes sur le contrôle des besoins et des plaisirs corporels rythment la vie quotidienne du croyant durant le Ramadan. Le croyant doit s’abstenir de boire, de manger, de faire l’amour et de désirer de l’aube au coucher du soleil. À ce moment-là, il rompt le jeûne iftâr par un repas équilibré et maigre et prendra un second repas juste avant le lever du jour : le sohour. Le ramadan, bien qu’obligatoire, il est flexible. Il témoigne d’une attitude compréhensive à l’égard de chaque pratiquant.

Cet acte de générosité envers les nécessiteux n’est pas enfermé dans le registre de la punition, mais dans la conscience d’une vie en communauté. Véritable fête, le Ramadan, qui prône la privation individuelle, est aussi une forme de solidarité et de partage alimentaire qui dépasse les frontières familiales et religieuses. L’acte de foi individuel va de pair avec le désir de justice sociale collective.

Trois périodes de dix jours ponctuent ce mois sacré. La première est consacrée à la sollicitation de la bénédiction de Dieu. La deuxième est tournée vers le repentir et le pardon. Pendant la troisième, on cherche à se protéger des feux de l’enfer. Le Ramadan culmine lors de l’une des nuits les plus étranges de la dernière période : c’est la « Nuit du Destin » (Laylat-al-Qadr), une nuit qui « équivaut à mille mois » selon le Saint Coran (97 : 1-5) :

بِّسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ إِنَّا أَنزَلْنَاهُ فِي لَيْلَةِ الْقَدْر

Nous l’avons certes, fait descendre (le Coran) pendant la nuit d’Al-Qadr.

 وَمَا أَدْرَاكَ مَا لَيْلَةُ الْقَدْرِ

Et qui te dira ce qu’est la nuit d’Al-Qadr ?

 لَيْلَةُ الْقَدْرِ خَيْرٌ مِّنْ أَلْفِ شَهْرٍ

La nuit d’Al-Qadr est meilleure que mille mois.

 تَنَزَّلُ الْمَلَائِكَةُ وَالرُّوحُ فِيهَا بِإِذْنِ رَبِّهِم مِّن كُلِّ أَمْرٍ

Durant celle-ci descendent les Anges ainsi que l’Esprit, par permission de leur Seigneur pour tout ordre.

 سَلَامٌ هِيَ حَتَّى مَطْلَعِ الْفَجْرِ

Elle est paix et salut jusqu’à l’apparition de l’aube.

Elle est inestimable car elle est étroitement liée au Saint Coran. Il y a au moins cinq mérites de Laylat al-Qadr :

1 – Le Coran a été révélé la nuit du Destin :  » Voici, Nous avons révélé ceci (le Coran) la nuit du destin.  » (Saint Coran, 97 : 1).

2 – Elle est meilleure que mille mois ou 83 ans et 4 mois :  » La Nuit du Destin est meilleure que mille mois.  » (Saint Coran, 97 : 3).

3 – Dieu efface tous les péchés antérieurs du fidèle :

 Le Messager d’Allah (psl) a dit :   

 » Celui qui se tient debout (dans la prière nocturne volontaire du) Ramadan par foi et dans l’espoir d’une récompense, ses péchés antérieurs seront pardonnés. Et quiconque passe la nuit de Lailat Al-Qadr en prière par foi et dans l’espoir de la récompense, ses péchés antérieurs seront pardonnés. »

حَدَّثَنَا أَبُو الْأَشْعَثِ قَالَ حَدَّثَنَا خَالِدٌ يَعْنِي ابْنَ الْحَارِثِ قَالَ حَدَّثَنَا هِشَامٌ عَنْ يَحْيَى بْنِ أَبِي كَثِيرٍ عَنْ أَبِي سَلَمَةَ بْنِ عَبْدِ الرَّحْمَنِ قَالَ حَدَّثَنِي أَبُو هُرَيْرَةَ أَنَّ رَسُولَ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ قَالَ مَنْ قَامَ رَمَضَانَ إِيمَانًا وَاحْتِسَابًا غُفِرَ لَهُ مَا تَقَدَّمَ مِنْ ذَنْبِهِ وَمَنْ قَامَ لَيْلَةَ الْقَدْرِ إِيمَانًا وَاحْتِسَابًا غُفِرَ لَهُ مَا تَقَدَّمَ مِنْ ذَنْبِهِ

4 – Dieu répond à toutes les invocations en cette nuit.

5 – Dieu libère autant de personnes du feu de l’enfer en cette nuit qu’il en a libéré depuis le début du Ramadan.

La Nuit du Destin commémore le moment exact où le Saint Coran a été révélé au prophète Mohammed (psl). Elle est susceptible de se produire n’importe quelle nuit de la dernière période de dix jours, et les grands avantages qu’elle offre seront révélés au croyant qui la recherche assidûment par la prière et l’observation du jeûne, tout comme le Saint Coran s’est révélé au Prophète.

Le jeûne dans les religions du livre et autres croyances

Mais comme l’indique le verset (2 :183) du Saint Coran, cité plus haut, le jeûne religieux est une pratique antérieure à l’Islam. Les fidèles d’Abraham jeûnaient aux éclipses, aux équinoxes et aux solstices. La religion israélite connaît des jeûnes périodiques, dont le plus célèbre est le Yom Kippour. Le carême est une période de 40 jours pendant laquelle le chrétien se prépare à Pâques en jeûnant chaque année. Les Sabéens jeûnaient 30 jours par an ; les plus pieux jeûnaient le dimanche et le lundi. Les zoroastriens, les totémistes, les prêtres amérindiens jeûnent en diverses occasions.

Sylvie Briet a écrit sur ce sujet dans Sciences et Avenir ce qui suit :

“Moïse, Jésus, Mahomet : les trois ont jeûné dans le désert. Yom Kippour, carême, ramadan : trois manières d’observer le jeûne. Nées au Moyen-Orient, dans des paysages de sable et de soleil, les trois grandes religions monothéistes ont inscrit cette pratique dans leur calendrier. La durée varie, les modalités ont évolué au fil des siècles, mais pour toutes, le temps de la diète est l’occasion de se recentrer sur le spirituel, de s’ouvrir au partage. Une autre façon d’être au monde. Le ramadan correspond au neuvième mois du calendrier lunaire, durant lequel l’archange Gabriel a révélé le Coran à Mahomet, selon l’islam. Le jour exact de son commencement n’est décidé qu’à la toute fin du mois précédent le jeûne — le mois de Chaabane — et s’achève le premier jour de Chawwal, lors des fêtes de « rupture du jeûne », l’Aïd el-Fitr. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) se réunit chaque année pour annoncer la date précise du début du ramadan. “

De même, selon Cultural Awareness International, le jeûne est une pratique courante dans de nombreuses religions et philosophies :

« Les religions et les philosophies qui pratiquent le jeûne comprennent : Le bouddhisme, le christianisme, l’islam, le judaïsme, le taoïsme, le jaïnisme et l’hindouisme.  Le jeûne peut durer quelques heures ou même quelques semaines, les pratiquants mangeant généralement le soir.  Il est intéressant de noter que, même au sein d’une religion, les différentes dénominations ou sectes peuvent jeûner différemment ou à des moments différents.  Par exemple, au sein du christianisme, il existe plusieurs dénominations différentes qui jeûnent à des moments différents.  Les catholiques ne mangent pas de viande le vendredi pendant le Carême, tandis que les chrétiens coptes, la principale forme de christianisme en Égypte, jeûnent pendant des durées différentes pendant un total de 210 jours au cours de l’année.  Ils ont huit jeûnes principaux, et chacun dure une durée différente et restreint le régime alimentaire d’une manière unique. « 

Rompre le jeûne collectivement à Istanbul en Turquie

Chez les Juifs, l’expiation et le pardon de Yahvé

Cette pratique était déjà profondément ancrée dans la tradition judéo-chrétienne, comme en témoignent les nombreuses références dans l’Ancien Testament. A plusieurs reprises, le peuple juif a jeûné pour mettre fin à une calamité, pour expier ses fautes ou pour demander le pardon de Yahvé. Si la religion des Hébreux s’est construite en opposition à la dimension magique des croyances mésopotamiennes, elle en a repris certains principes, notamment les restrictions alimentaires. Aujourd’hui, pour les Juifs, le principal jour de jeûne est Yom Kippour, un temps de repentance, de pardon et de réconciliation. « Car en ce jour, l’expiation est faite pour vous, pour vous purifier de tous vos péchés devant le Seigneur », dit le Lévitique, l’un des cinq livres de la Torah. Le compte à rebours commence le jour du nouvel an juif, Rosh Hashanah, qui tombe en septembre ou en octobre, selon les années. Les fidèles observent dix jours de repentance et le dixième jour – Yom Kippour – ils s’abstiennent de boire, de manger, de travailler, de se laver ou d’avoir des relations sexuelles du crépuscule de la veille au crépuscule du lendemain. D’autres actions sont interdites, comme l’utilisation de pommade ou le port de chaussures en cuir. Il s’agit d’un rituel d’introspection au début de l’année, d’une restauration de la pureté. Le peuple juif examine les péchés commis et procède à un examen de conscience, qui culmine à Yom Kippour, pour ressortir complètement pur. La tradition juive est riche d’une infinité de commentaires, dont certains relient cette purification à celle effectuée sur le mont Sinaï où Moïse a reçu les tables de la Loi. Il existe six autres jours de jeûne, moins suivis, mais tous liés à l’histoire du peuple juif comme celui qui commémore les deux destructions du Temple de Jérusalem, appelé Ticha Beav.

Le carême, un temps de prière sans ostentation

Comme l’islam, le christianisme s’est inspiré du jeûne juif, à commencer par Jésus. Juste après son baptême, il se retire dans le désert et jeûne pendant 40 jours, une période qui fait écho à celle observée par Moïse qui n’a ni mangé ni bu pendant 40 jours et 40 nuits sur le mont Sinaï. Cet épisode de l’Évangile est connu sous le nom de « Tentation du Christ », car le diable en a profité pour le tester à plusieurs reprises. Les disciples, eux, n’ont pas jeûné. Lorsque les Juifs lui demandent pourquoi, Jésus répond : « Les compagnons de l’époux peuvent-ils se lamenter pendant que l’époux est avec eux ? Mais il viendra des jours où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. »

Le Book of Common Prayer énumère 16 jours observables pour les veillées, les jeûnes et les commémorations : la Didaché ordonnait des jeûnes le mercredi et le vendredi ; les catholiques romains exigent que le vendredi, aucun repas ne soit pris ; les carmes, les chartreux et les cisterciens ordonnent un jeûne régulier, mais chez d’autres, il est pratiquement inexistant.

Le jeûne, aussi pour protester contre la violence

Les premiers chrétiens observaient une diète les mercredis et vendredis ainsi qu’une semaine avant Pâques. Au quatrième siècle, ils ont étendu cette période à 40 jours avant Pâques, en référence au jeûne du Christ. C’est le carême, un temps de prière, de partage et d’abstinence auquel les fidèles sont censés s’adonner sans ostentation, tout comme l’aumône et la prière doivent être observées en secret. La pratique s’est allégée au fil du temps.

Aujourd’hui, l’Église catholique impose un jeûne le mercredi des Cendres et le vendredi saint (jour de la crucifixion). Par extension, chaque vendredi, on  » mange maigre « , c’est-à-dire sans viande, d’où le choix du poisson. Lors de la fête de Pâques (résurrection de Jésus), qui clôt cette période, il est de tradition de manger l’agneau pascal, également symbole pour les Juifs lorsqu’ils célèbrent Pessah.

Si le jeûne traverse les siècles, il peut prendre aujourd’hui une connotation plus politique. Par exemple, après les attaques terroristes du 7 janvier 2015 à Paris, un prêtre, un rabbin et un musulman, rejoints par un moine bouddhiste, ont appelé à un jeûne interconfessionnel pour protester contre la violence. Des milliers de personnes ont immédiatement répondu à cet appel.

L’essence du jeûne

Le jeûne est lié à la nature de l’être humain telle qu’elle est enseignée dans le Saint Coran. L’être humain, dans le Saint Coran, consiste en une entité d’essence matérielle et une entité d’essence spirituelle. Comme une statue, faite de matière et de forme, l’être humain est la conjonction des cellules de son corps et des valeurs de son âme.

Comme les animaux, le projet de l’entité génétique est de satisfaire ses besoins pour continuer à fonctionner. Dans ses réflexes, elle se tourne inexorablement vers les conditions qui assurent sa survie, son bien-être et son confort. Constitué de cellules matérielles, le corps se nourrit d’autres cellules matérielles. Il est localisé dans l’espace et le temps, où il se déplace et vieillit.

Il en va autrement pour l’âme. La quête de la conscience est le projet essentiel de l’âme. Par sa nature même, elle est porteuse de valeurs et se nourrit d’éthique. Dans son « association » avec l’entité corporelle, l’âme humaine est comparable à un cavalier sur sa monture. Le cavalier n’est pas la monture. Mais qu’est-ce qu’un cavalier sans monture ? Le fait est que nos cinq sens sont continuellement sollicités par les besoins naturels de l’entité génétique. Cette demande est pressante et continue. Elle est capable de remplir une existence humaine au risque d’endormir l’âme, de la détourner de son projet.

La foi islamique institue cinq moments de répit quotidiens appelés la salât, la prière musulmane. Il s’agit d’un exercice spirituel au rituel codifié, dont le but est de rappeler à l’âme son projet spirituel. Le jeûne du mois de Ramadan est un exercice qui s’inscrit dans cette perspective.

Le Prophète Mohammed (psl) a dit :

 » Quiconque observe le jeûne du mois de Ramadan par foi sincère et dans l’espoir d’obtenir les récompenses d’Allah, alors tous ses péchés passés seront pardonnés. « 

 مَنْ صَامَ رَمَضَانَ إِيمَانًا وَاحْتِسَابًا غُفِرَ لَهُ مَا تَقَدَّمَ مِنْ ذَنْبِهِ

Un entraînement spirituel intensif

En s’abstenant de nourriture, de boisson et de volupté du lever au coucher du soleil, le jeûneur musulman contrecarre les penchants naturels de son corps. En réfrénant les paroles et les initiatives superflues, il s’exerce à discipliner son esprit. Il ré-affirme sa volonté, car il voit poindre ses pulsions et se dispose à les appréhender pour les canaliser.

Certains besoins physiques étant sublimés, contenus et reportés dans le temps, le jeûneur échappe à leur emprise et devient plus disponible à l’expérience spirituelle. Durant ce mois sacré, le musulman intensifie ses exercices spirituels. Prière, méditation, recueillement, et charité sont ses priorités.

L’heure du repas, l’iftâr, sonne une victoire dont la saveur est profondément intime. Ni diète, ni tapage nocturne, le jeûne du Ramadan n’est pas une mortification du corps. Il se veut un mois d’entraînement intensif, où l’entité génétique est affaiblie, coupée de ses sources d’énergie, et où l’entité spirituelle est revigorée, nourrie par les actes de piété.

C’est pourquoi la symbolique coranique cite ar-Rayyân, une des portes du Paradis spécialement réservée aux jeûneurs. Sahl ibn Saad rapporte : Le Prophète, paix et bénédictions soient sur lui, a dit :

« En vérité, il y a une porte au Paradis appelée al-Rayyân, par laquelle seuls ceux qui ont jeûné entreront le jour de la résurrection. Personne d’autre n’y entrera avec eux. Il sera dit : Où sont ceux qui ont jeûné pour entrer ? Lorsque les derniers d’entre eux y entreront, elle sera fermée et personne d’autre n’y passera. « 

عَنْ سَهْلٍ رَضِيَ اللَّهُ عَنْهُ عَنْ النَّبِيِّ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ قَالَ إِنَّ فِي الْجَنَّةِ بَابًا يُقَالُ لَهُ الرَّيَّانُ يَدْخُلُ مِنْهُ الصَّائِمُونَ يَوْمَ الْقِيَامَةِ لَا يَدْخُلُ مِنْهُ أَحَدٌ غَيْرُهُمْ يُقَالُ أَيْنَ الصَّائِمُونَ فَيَقُومُونَ لَا يَدْخُلُ مِنْهُ أَحَدٌ غَيْرُهُمْ فَإِذَا دَخَلُوا أُغْلِقَ فَلَمْ يَدْخُلْ مِنْهُ أَحَدٌ

Le Ramadan a aussi des avantages pour la santé selon Geneive Abdo qui écrit dans Forein Policy :

« Le jeûne du Ramadan est-il donc bon pour la santé ou non ? Ces dernières années, la science médicale a découvert et étudié les bienfaits du jeûne, dont une certaine forme est commune à de nombreuses religions du monde. Le jeûne intermittent – celui pratiqué pendant le Ramadan – peut réduire le taux de cholestérol, l’hypertension artérielle et aider à prévenir les maladies cardiovasculaires, selon un nombre croissant de recherches médicales. Même certaines maladies chroniques réagissent au jeûne sous surveillance médicale, notamment l’arthrite, l’asthme et la dépression. « 

Des musulmanes pratiquant la prière des Tarâwîh

Le ramadan, c’est le partage

Pratiquer le jeûne tous les jours pendant le Ramadan permet de se mettre à la place de ceux qui n’ont rien à manger. C’est une sorte de leçon pour soi-même. On peut ainsi comprendre quand on a traversé une épreuve. En même temps, c’est une façon d’éduquer nos enfants au respect de la nourriture. Le Ramadan est aussi le mois du partage, de la convivialité et du pardon.

Abou Houraïra rapporte que le Messager d’Allah, paix et bénédictions soient sur lui, a dit :

 « Quiconque soulage la difficulté d’un croyant dans ce monde, Allah soulagera sa difficulté le jour de la résurrection. Quiconque aide à soulager une personne en difficulté, Allah lui facilitera la tâche dans ce monde et dans l’au-delà. Quiconque dissimule les fautes d’un musulman, Allah dissimulera ses fautes dans ce monde et dans l’au-delà. Allah aide le serviteur aussi longtemps qu’il aide son frère. Quiconque parcourt un chemin à la recherche de la connaissance, Allah lui facilitera le chemin du Paradis. Chaque fois que les gens se rassemblent dans les maisons d’Allah, récitant le livre d’Allah et l’étudiant ensemble, la tranquillité descendra sur eux, la miséricorde les couvrira, les anges les entoureront, et Allah les mentionnera à ceux qui sont près de lui. Celui qui est lent aux bonnes actions ne sera pas accéléré par sa lignée. « 

مَنْ نَفَّسَ عَنْ مُؤْمِنٍ كُرْبَةً مِنْ كُرَبِ الدُّنْيَا نَفَّسَ اللَّهُ عَنْهُ كُرْبَةً مِنْ كُرَبِ يَوْمِ الْقِيَامَةِ وَمَنْ يَسَّرَ عَلَى مُعْسِرٍ يَسَّرَ اللَّهُ عَلَيْهِ فِي الدُّنْيَا وَالآخِرَةِ وَمَنْ سَتَرَ مُسْلِمًا سَتَرَهُ اللَّهُ فِي الدُّنْيَا وَالآخِرَةِ وَاللَّهُ فِي عَوْنِ الْعَبْدِ مَا كَانَ الْعَبْدُ فِي عَوْنِ أَخِيهِ وَمَنْ سَلَكَ طَرِيقًا يلتمس فِيهِ عِلْمًا سَهَّلَ اللَّهُ لَهُ بِهِ طَرِيقًا إِلَى الْجَنَّةِ وَمَا اجْتَمَعَ قَوْمٌ فِي بَيْتٍ مِنْ بُيُوتِ اللَّهِ يَتْلُونَ كِتَابَ اللَّهِ وَيَتَدَارَسُونَهُ بَيْنَهُمْ إِلاَّ نَزَلَتْ عَلَيْهِمُ السَّكِينَةُ وَغَشِيَتْهُمُ الرَّحْمَةُ وَحَفَّتْهُمُ الْمَلاَئِكَةُ وَذَكَرَهُمُ اللَّهُ فِيمَنْ عِنْدَهُ وَمَنْ بَطَّأَ بِهِ عَمَلُهُ لَمْ يُسْرِعْ بِهِ نَسَبُهُ

Le Ramadan est une période joyeuse pour la plupart d’entre nous mais malheureusement pas pour tout le monde. Des familles entières sous le joug de la faim, de la soif et de la maladie, attendent un coup de pouce qui leur permettrait de profiter pleinement de ce mois sacré.

Le Ramadan n’est pas seulement une privation, c’est aussi une question de goût. Pendant le mois de Ramadan, la journée est consacrée à l’ascèse avec une interdiction stricte de manger ou de s’adonner à des pratiques addictives ou susceptibles de procurer du plaisir. Les nuits sont un moment de convivialité et de partage entre proches, où une grande attention est portée à la pureté des aliments qui constituent l’iftâr et le sohour, les deux repas nocturnes.

La générosité envers les autres ne s’arrête pas au cercle familial et amical. D’immenses fêtes publiques gratuites appelées mawâ’id ar-rahmân sont organisées par des institutions caritatives et organisations non gouvernementales dans les pays musulmans pour nourrir les pauvres et les orphelins.

Selon la narration d’Abou Mousa Al-Ashaari, le Prophète (ﷺ) a dit :

 » Donnez de la nourriture à celui qui a faim, rendez visite au malade et relâchez (libérez) celui qui est en captivité (en payant sa rançon). « 

أَطْعِمُوا الْجَائِعَ، وَعوُدُوا الْمَرِيضَ، وَفُكُّوا الْعَانِيَ « . قَالَ سُفْيَانُ وَالْعَانِي الأَسِيرُ

Sur le plan sociologique, le jeûne est une expression de la solidarité avec les pauvres. Il se manifeste à travers le concept de charité, de voisinage et d’hospitalité. En plus de contribuer à la purification du corps et de l’âme par le processus d’auto-purification. Aborder ces domaines d’importance sociale ne peut qu’aider les gens à se débarrasser de tout ce qui n’est pas socialement désirable.

La charité est fortement encouragée pendant le mois de jeûne. Il s’agit notamment d’aider les pauvres en leur faisant l’aumône sadaqa. On estime que si une personne donne ne serait-ce qu’une petite somme pendant ce mois, elle recevra 70 fois plus de bénédictions en retour.

Réforme de soi et autodiscipline

Le jeûne est un processus élaboré d’auto-réforme et d’autodiscipline qui implique un large éventail de responsabilités de la part de ceux qui l’observent.  Il permet également de renforcer les pouvoirs de maîtrise de soi, de s’abstenir des impulsions naturelles de l’homme en exerçant sa capacité de retenue, ce qui conduit à l’amélioration de soi. Sur le plan spirituel, il permet d’atteindre la proximité de Dieu. C’est une forme d’auto-formation dans l’espoir que ces qualités se prolongent au-delà de ce mois et restent présentes chez le fidèle tout au long de l’année.

Sur le plan psychologique, c’est la croyance que ce processus d’un mois est le meilleur instrument pour façonner le comportement de ses pratiquants afin qu’ils deviennent des êtres humains idéaux.  Cela implique essentiellement que la personne qui observe le jeûne ne se contente pas de s’abstenir de manger et de boire, mais qu’elle se met dans un état d’esprit sublime afin de développer des sentiments positifs. Par conséquent, le jeûne renforce le contrôle des impulsions et aide à développer un bon comportement. Cette purification de l’âme et du corps harmonise les sphères intérieure et extérieure d’un individu. L’observance conduit à un sentiment de paix intérieure et de tranquillité, si nécessaire pendant la période d’enfermement.

En outre, il faut s’abstenir d’écouter, de parler, d’entendre ou de penser négativement à propos des autres. Si l’on applique une telle retenue et que l’on passe par ce processus d’auto-purification pendant une période d’un mois, on s’attend à ce que son impact dure au moins pendant les 11 mois restants, lorsque ce processus est répété à nouveau.  Malheureusement, nous considérons qu’il ne s’agit que d’un jeûne physique et nous ne nous efforçons pas d’atteindre ce que l’on attend de ce grand et important mois.

Le ramadan est synonyme de maîtrise de soi et de retenue, comme l’indique Anisa Mehdi dans Forbes :

« Quel que soit l’endroit où se trouve le musulman qui jeûne, le ramadan est un appel à un cessez-le-feu spirituel et physique interne. Le but du jeûne est d’adorer le Divin en faisant preuve de contrôle sur les désirs terrestres – généralement la nourriture, la boisson, le tabac et le sexe – pendant les heures de la journée. C’est aussi l’occasion de faire preuve des valeurs de la « grande route », c’est-à-dire d’être gracieux, généreux et doux envers les autres, même si l’on est de mauvaise humeur ou irrité, surtout lorsque le taux de glycémie chute et que la bouche est trop sèche pour parler. La combinaison de la conscience de soi physique et spirituelle est un test de caractère : Lorsque votre estomac grogne de faim, allez-vous vous en prendre à votre enfant difficile ? Votre voisin irréfléchi ? Un collègue négligent ? Le conducteur rustre qui vous a coupé la route ? Ou resterez-vous paisible, pratiquant la patience et la bienveillance que vous vous êtes promis à vous-même et à votre Créateur ? C’est une pratique, pleine de découvertes et de reconnaissances de l’imperfection et abondante d’occasions de demander pardon et de réessayer. « 

Le Ramadan à l’heure de la pandémie

Pendant Ramadan, les mosquées sont une composante essentielle qui meuble le quotidien durant ce mois de recueillement où le jeûne et la mosquée font bon ménage dans l’imaginaire collectif des musulmans, comme en témoigne leur engouement pour les maisons de Dieu à l’occasion des cinq prières mais aussi pour celles des Tarâwih. Un enthousiasme qui déborde chaque année les mosquées et leurs esplanades, voire les agrandissements de fortune installés pour accueillir les nombreux fidèles.

Cependant, cette année, ceux qui ont l’esprit attaché à la prière collective se demandent à quoi ressemblera un Ramadan sans les rassemblements dans les mosquées, derrière les imams, les jours de la prière du vendredi, des Tarâwih et de Laylat al-Qadr.

Ces questions ont été examinées par les oulémas avec beaucoup de sagesse et de recul, conformément aux préceptes de la charî’ah islamique qui régissent la vie des musulmans en temps de paix comme en temps de guerre, pendant les périodes de sécurité comme dans les situations de peur et de calamité.

Alors que les gouvernements musulmans ont réagi à la crise sanitaire sans précédent avec vigilance et fermeté afin d’empêcher la propagation de la pandémie, les conseils suprêmes des oulémas de plusieurs pays et communautés musulmanes ont émis des fatwas recommandant la fermeture temporaire des mosquées et la suspension de la prière collective jusqu’à ce que la situation revienne à la normale, conformément à la chari’ah, qui appelle à protéger le corps et à placer l’intérêt au-dessus du préjudice.

S’appuyant sur les principes de facilité et de miséricorde prônés par la religion musulmane, la fermeture des mosquées ne signifie pas l’arrêt des prières et de la récitation coranique, tant que les fidèles peuvent les faire de leurs maisons.

En Islam, il y a deux genres de prière :

  1. Prières obligatoires ou canoniques qui sont faites à la mosquée sauf dans le cas de maladie du fidèle ou de crise sanitaire (pandémie) ; et
  2. Prières surérogatoires ou prières additionnelles non-obligatoires qu’il est préférable de faire à la maison mais qu’on peut aussi faire à la mosquée selon le Prophète (psl), le cas échéant.

Il a été rapporté par Zayd ibn Thabit que le Messager d’Allah (que la paix et les bénédictions d’Allah soient sur lui) s’est fabriqué une logette – faite d’une natte de roseau – pendant le Ramadan, dans laquelle il priait la nuit. Certains de ses compagnons priaient derrière lui, et lorsqu’il réalisa qu’ils étaient là, il alla vers eux et leur dit :

 » Je sais combien vous tenez à prier derrière moi. Ô gens, priez dans vos maisons, car la meilleure des prières est celle d’un homme dans sa maison, en dehors des prières prescrites. »

Il a été rapporté, également, par Ibn Omar que le Prophète (que la paix et les bénédictions d’Allah soient sur lui) a dit :

« Accomplissez certaines de vos prières dans vos maisons et n’en faites pas des tombes. « 

Sur ce point particulier, Al-Haafiz ibn Hajar a dit :  

« Le sens apparent est que cela inclut toutes les prières naafil, car ce que l’on entend par les prières prescrites sont les prières obligatoires. Mais on peut l’interpréter comme faisant référence à toutes celles pour lesquelles il n’est pas prescrit de les offrir en congrégation et celles qui ne doivent pas être offertes spécifiquement dans la mosquée, comme les deux rak’ahs pour « saluer la mosquée ». »

Ainsi, la pandémie du Covid-19 offre l’occasion de mieux comprendre l’objectif des rites et des pratiques de dévotion qui ne se limitent pas aux manifestations sociales de la religion, mais font appel à l’essence de la religion.

Le Ramadan pendant la pandémie

Dans ce contexte, les oulémas ont souligné qu’à l’origine, le principe des Tarâwîh est qu’elles sont accomplies dans les maisons, comme le recommande le Hadith authentique du Prophète cité plus haut. Les Tarâwîh dans les mosquées ont été autorisées pour aider les négligents à s’habituer aux prières à temps pour se rapprocher de Dieu.

Le Prophète, paix et bénédictions d’Allah soient sur lui, n’a pas fait de l’accomplissement collectif des Tarâwih une obligation. Cette prière était accomplie individuellement à l’époque d’Abu Bakr as-Siddiq avant qu’elle ne commence à être accomplie collectivement sous Omar Ibn al-Khattab.

Par ailleurs, l’avènement du Ramadan dans ces circonstances est un test de détermination, de mobilisation et de réévaluation des concepts, ainsi qu’une opportunité pour remercier, par geste d’autocontrôle, ceux qui ont travaillé dur, chacun de son poste, pour contrôler la propagation de la pandémie, et qui l’ont fait avec abnégation, patience et persévérance.

Conclusion

Différents types de jeûne (siyâm) sont présents en Islam. Les jeûnes à caractère expiatoire réparent une faute commise. Il y a ceux qui remplacent un devoir religieux que l’on est incapable d’accomplir. Et les jeûnes qui sont pratiqués volontairement dans le cadre d’une ascèse. Le jeûne du Ramadan est différent de ceux-ci, car il est au fondement même de l’Islam en tant que religion. Il est institué comme une manifestation d’hommage à Dieu et revêt donc un caractère sacré, obligatoire et festif.

Le jeûne accroît la dévotion et rapproche le musulman du Créateur. Il permet de reconnaître que tout ce que nous avons dans cette vie est une bénédiction de Dieu. Il enseigne la maîtrise de soi, la retenue, les bonnes manières, la bonne parole et les bonnes habitudes.

De grands mérites et de grandes récompenses – tant physiques que spirituels – peuvent être tirés du jeûne. L’effet physiologique du jeûne comprend la réduction de la glycémie, du cholestérol et de la pression artérielle systolique. En fait, le jeûne du Ramadan serait une recommandation idéale pour le traitement du diabète léger à modéré, stable et sans insuline, de l’obésité et de l’hypertension essentielle.

Comme il est dit dans le Saint Coran, Allah promet le pardon et une grande récompense à une personne qui jeûne (Saint Coran, 33 : 35) :

« Certes, les hommes qui se soumettent (à Allah) et les femmes qui se soumettent (à Allah), les hommes qui ont la foi et les femmes qui ont la foi, les hommes qui sont obéissants et les femmes qui sont obéissantes, les hommes qui sont véridiques et les femmes qui sont véridiques ; les hommes qui sont constants et les femmes qui sont constantes, les hommes qui s’humilient (à Allah) et les femmes qui s’humilient (à Allah), les hommes qui font l’aumône et les femmes qui font l’aumône, les hommes qui jeûnent et les femmes qui jeûnent, les hommes qui gardent leur chasteté et les femmes qui gardent leur chasteté, les hommes qui se souviennent beaucoup d’Allah et les femmes qui se souviennent beaucoup d’Allah : pour eux, Allah a préparé le pardon et une puissante récompense. « 

إِنَّ الْمُسْلِمِينَ وَالْمُسْلِمَاتِ وَالْمُؤْمِنِينَ وَالْمُؤْمِنَاتِ وَالْقَانِتِينَ وَالْقَانِتَاتِ وَالصَّادِقِينَ وَالصَّادِقَاتِ وَالصَّابِرِينَ وَالصَّابِرَاتِ وَالْخَاشِعِينَ وَالْخَاشِعَاتِ وَالْمُتَصَدِّقِينَ وَالْمُتَصَدِّقَاتِ وَالصَّائِمِينَ وَالصَّائِمَاتِ وَالْحَافِظِينَ فُرُجَهُم وَالْحَافِظَاتِ وَالذَّاكِرِينَ اللَّهَ كَثِيرًا وَالذَّاكِرَاتِ أَعَدَّ اللَّهُ لَهُم مَّغْفِرَةً وَأَجْرًا عَظِيمًا

Et lorsque l’on combine ces actes méritoires tels que la prière, le jeûne et la charité (trois des cinq piliers de l’Islam) pendant le mois de Ramadan, qui est décrit comme un mois de bénédiction lorsque le Saint Coran a été révélé, Allah promet d’immenses récompenses.   Mohammed (psl), le Messager d’Allah a dit :

« Celui qui observe le jeûne pendant le mois de Ramadan par foi sincère et dans l’espoir d’obtenir les récompenses d’Allah, alors tous ses péchés passés seront pardonnés. »

مَنْ صَامَ رَمَضَانَ إِيمَانًا وَاحْتِسَابًا غُفِرَ لَهُ مَا تَقَدَّمَ مِنْ ذَنْبِهِ

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